BEAUREGARD Marin

Par Yves Lequin

Né le 29 juin 1855 à Courpière (Puy-de-Dôme), mort le 28 septembre 1910 à Saint-Étienne (Loire) ; ouvrier mineur ; syndicaliste de la Loire.

Mineur à Saint-Étienne (Loire), Marin Beauregard était en 1896 secrétaire du syndicat des mineurs de la Loire. Ami de Gilbert Cotte, il faisait partie de cette pléiade de militants révolutionnaires qui, depuis 1889 surtout, avaient rendu son mordant au syndicalisme minier stéphanois affaibli et amolli par le modérantisme de Michel Rondet et par le discrédit dans lequel celui-ci était tombé. À partir d’octobre 1896, avec G. Cotte, il fut à l’origine de la reconstitution d’une Fédération départementale des syndicats miniers du bassin de la Loire, qui avait été dissoute en 1893 et ressuscita au début de l’année 1897. Pendant tout le printemps suivant, il joua un rôle actif dans le réveil de l’action revendicative qui était au point mort depuis les années 1890. En juin, Beauregard constituait, avec G. Cotte et Antoine Brioude, l’équipe dirigeante du syndicalisme minier de la Loire et, en 1898, il participa au congrès national de La Ricamarie : il fut pressenti pour remplacer Rondet au secrétariat national, de préférence à G. Cotte, plus connu, mais il déclina la proposition. Leader écouté, il conduisit de décembre 1899 à janvier 1900 la grève générale du bassin. L’arbitrage Jaurès-Grüner du 6 janvier 1900 consacra l’une des plus impressionnantes victoires dans l’histoire des luttes du prolétariat minier stéphanois : la grève avait été déclarée en période de demande charbonnière accrue, alors même que les stocks étaient inexistants. C’est Beauregard qui, aux côtés de G. Cotte et Jean Escalier, avait été l’orateur du meeting préface à la cessation du travail. En 1901, il représenta le comité fédéral au congrès de Laon. Mais les interminables négociations conduites la même année par Cotte devenu secrétaire national, ses tergiversations alors même que le principe d’une grève générale était nettement affirmé par les votes de la base et les congrès successifs, séparèrent les deux hommes.
Il semble que Beauregard, partagé entre son amitié et ses convictions, ait beaucoup hésité à rejoindre les éléments durs groupés autour d’Escalier. Il était un membre écouté, sans rôle politique actif cependant, du Parti ouvrier stéphanois, d’obédience socialiste modérée. Rien ne le prédisposait donc à franchir le pas. Sans doute est-ce lui qui accueillit, à Saint-Étienne, en juin 1901, Étienne Merzet venu combattre G. Cotte et prêcher l’adhésion à la CGT ; mais, en août, il joua un rôle modérateur dans la grève de la compagnie de Villebœuf, déclenchée pour un motif contestable. En février 1902, il fut choisi comme secrétaire provisoire de la Fédération régionale en remplacement de son ancien compagnon de route, qu’il combattit dès lors avec ardeur ; et en octobre et novembre, il fut, dans le bassin de la Loire, le principal dirigeant de la grève nationale des mineurs. Le 2 février 1903, il franchissait un nouveau pas : le syndicat des mineurs de la Loire se retira et de la Fédération nationale et de l’organisation régionale, pour adhérer à la CGT. Beauregard abandonna donc le secrétariat de la Fédération de la Loire et fut remplacé par Jean Bouchard.
Il se consacra dès lors à peu près exclusivement à l’organisation scissionniste qu’il dirigeait, s’identifiant à tel point à elle qu’on ne la désigna plus guère que sous le nom de syndicat Beauregard, par opposition au « syndicat des mineurs de Saint-Étienne », créé pour regrouper les modérés. Son premier congrès eut lieu à la Grand-Croix, au début de mai 1903, en présence de Paul Delesalle, représentant de la CGT, à laquelle il s’affilia par l’intermédiaire de la Fédération des ardoisiers. Son audience ne s’étendit guère au-delà de Saint-Étienne, la colère de 1902 s’était un peu partout apaisée, et les mineurs avaient repris le chemin de leurs organisations traditionnelles. Les qualités de Beauregard lui redonnèrent cependant le premier rôle dans les moments exceptionnels de la lutte ouvrière : en avril-mai 1906, il joua un rôle important dans les deux grèves générales des mineurs de la Loire, et, le 1er mai, il marcha en tête de quinze mille manifestants, aux côtés d’Escalier et du député Jean Piger. Sans doute se confond-il avec Beauregard qui assista comme délégué au XVe congrès national corporatif tenu à Amiens du 8 au 16 octobre 1906. Mais en 1907, le syndicat Beauregard ne comptait plus qu’une quarantaine de membres face à une puissante organisation réformiste. À la fin de l’année, il joua encore un rôle de premier plan dans l’agitation en faveur de la journée de huit heures, mais, en janvier 1908, il dut accepter la formation d’une commission mixte destinée à préparer la réunification des deux syndicats stéphanois. Les pourparlers échouèrent, et Beauregard entreprit une vive polémique qui dura bien longtemps après l’admission, en août 1908, de la Fédération nationale des mineurs à la CGT. En janvier 1909, Beauregard n’avait toujours pas accepté la fusion et envisageait de tenir un congrès en février, en présence de Benoît Broutchoux. Ce n’est qu’en avril 1910 que naquit le Syndicat des mineurs réunis de la Loire et de Saint-Étienne ; il avait fallu pour cela exclure le syndicat Beauregard et de la CGT et de la Bourse du Travail de Saint-Étienne ; son fondateur ne lui survécut que quelques mois.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article77460, notice BEAUREGARD Marin par Yves Lequin, version mise en ligne le 30 mars 2010, dernière modification le 8 novembre 2022.

Par Yves Lequin

SOURCES : Arch. Nat. F7/12781. — Arch. Dép. Loire, 10 M 92, 92 M 71, 74, 103, 104, 110 à 118, 138, 139, 147, 93 M 22, 24, 34 et 49.

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