BÉRAUD Pierre

Par Yves Lequin

Né en 1864 à Annonay (Ardèche) ; ouvrier mégissier ; militant syndicaliste et socialiste de l’Isère.

Militant guesdiste, Pierre Béraud était, en 1893, secrétaire du syndicat des mégissiers de Grenoble (Isère) lorsqu’il fut placé à la tête de la Fédération nationale des syndicats d’ouvriers mégissiers de France qui venait de naître dans cette ville. Désormais, il fut, pendant une quinzaine d’années, l’une des principales figures du mouvement ouvrier local. La même année, en effet, il fut le promoteur d’une Bourse du Travail, inaugurée en février 1894 par le leader guesdiste lyonnais Gabriel Farjat, et, jusqu’en 1900, il en fut l’âme. Comme tel, il fut le dirigeant écouté d’une première grève générale de la corporation, en mai et juin 1895, qui, étendue à toute la région, imposa un relèvement substantiel des salaires. Il déclencha, pour les mêmes raisons, et avec le même succès, un mouvement au printemps de 1899, et son action permit de s’assurer l’appui des autres villes françaises de la ganterie. Son rôle lui valut une grande popularité et, dans les années 1900-1901, c’est Béraud qui fut à l’origine du dynamisme du Parti ouvrier français (POF) en Dauphiné.

Depuis 1897 en effet, il siégeait au comité fédéral du POF et était devenu administrateur de son journal, Le Droit du Peuple. Délégué déjà aux congrès de son parti en 1896 et en 1900, il participa aux deux premières assises générales des organisations socialistes françaises à Paris, salle Japy (décembre 1899) et salle Wagram (septembre 1900), avec mandat des cantonniers, des tailleurs de pierre et des mégissiers grenoblois d’abord, de l’ensemble des dix syndicats ouvriers locaux ensuite ; en cette même année 1900, il fut candidat aux élections municipales.

C’est la multiplicité de ses tâches qui semble lui avoir fait abandonner, en 1900, le secrétariat de la Bourse du Travail, au profit de son ami Théophile Fay. Il demeurait au comité, comme leader de la majorité socialiste révolutionnaire face à une minorité influencée par les radicaux-socialistes, mais la poussée des éléments libertaires se faisait de plus en plus forte et, en 1903, Béraud fut écarté de ses responsabilités en même temps que Fay, remplacé par le syndicaliste révolutionnaire Eugène David. Il conserva néanmoins une influence certaine sur quelques syndicats, et continua son action corporative.

Mais, surtout, il se consacra dès lors à la reconstitution du guesdisme dauphinois, enlisé dans l’électoralisme et déchiré par la scission d’Alexandre Zévaès, en 1902. Avec Paul Mistral, il fut le leader obstiné et dévoué de la majorité restée fidèle au POF. C’est lui, notamment, qui organisa et présida le meeting du 1er mai 1903 ; il contribua à approfondir l’influence socialiste révolutionnaire, chez les travailleurs italiens particulièrement.

En 1906, il appuya dans le Droit du Peuple la vaste campagne d’agitation ouvrière à Grenoble, tout en prenant ses distances vis-à-vis des outrances de la Bourse du Travail. En novembre 1907, il fut traduit en cour d’assises pour un article du Droit du Peuple du 26 juin intitulé « Soldats, ne tirez pas », et acquitté ; un meeting de soutien avait rassemblé près de deux mille personnes. Ce rôle, ce dévouement le mettaient en excellente posture pour rendre confiance à un mouvement ouvrier brisé par l’échec de l’automne 1906 ; il s’employa à en analyser les causes et à en tirer les leçons. L’aboutissement fut la création, en février 1908, d’une Fédération des syndicats ouvriers de l’Isère, où son ami Séraphin Telmat entraîna la majeure partie des organisations d’une Union des syndicats d’inspiration libertaire considérablement affaiblie et sans grande influence désormais. En 1909, il était toujours membre du comité fédéral du Parti socialiste SFIO.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article77541, notice BÉRAUD Pierre par Yves Lequin, version mise en ligne le 30 mars 2010, dernière modification le 19 novembre 2022.

Par Yves Lequin

SOURCES et BIBLIOGRAPHIE : Arch. Nat., F7/12529. Arch. — Dép. Isère, 52 M 69, 76 M 1, 166 M 3 et 4. — Le Syndicaliste, année 1908. — Pierre Barral, Le Département de l’Isère sous la Troisième République, Paris, 1962. — Cl. Willard, Les Guesdistes, op. cit., p. 501.

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