BIÉTRY Pierre

Par Henri Dubief

Né le 9 mai 1872 à Fêche-l’Église (anciennement Fesche-l’Église), Territoire de Belfort, ; mort à Saïgon, le 3 décembre 1918 ; ouvrier horloger ; syndicaliste jaune, puis politicien nationaliste.

Né dans une famille très pauvre, Biétry émigra jeune en Algérie et, dès l’âge de treize ans, exerça divers petits métiers. De retour en France en 1889, il s’engagea, fut nommé brigadier, mais, indiscipliné, se retrouva dans les compagnies disciplinaires. À sa libération, il travailla dans l’horlogerie en Suisse et en Allemagne et épousa la fille d’un horloger allemand. Rentré en France en 1897-1898, il se fit engager aux usines Japy à Badevel et Beaucourt et anima la propagande révolutionnaire en liaison avec Perrin, secrétaire de la fédération socialiste du Doubs. Guesdiste, il créa le syndicat horloger de Beaucourt et une fédération ouvrière à Audincourt.

En septembre 1899 des grèves éclatèrent à Audincourt qui soulevèrent la région contre le patronat local (Japy et Peugeot). Elles durèrent deux mois et entraînèrent quatre mille grévistes. Biétry en prit la tête et organisa le 21 novembre 1899 une marche sur Paris avec l’aide de Quilici, délégué par le Parti socialiste, et de la citoyenne Sorgues, envoyée de la Petite République. Le cortège fut arrêté à Belfort ; Biétry et Quilici furent condamnés à un mois de prison. Renvoyé de chez Japy, Biétry publia une brochure sur les grèves et participa en août 1900 aux grèves de Giromagny.
C’est en cette même année qu’il opéra un retournement politique complet. Au congrès du POF d’Ivry (septembre 1900), il proposa une motion contre la grève générale qui fut repoussée parce qu’elle préconisait aussi la collaboration de classe. Il confirma sa position dans une lettre ouverte à Guesde et à Vaillant, publiée dans Le Temps. Il participa alors, comme secrétaire-adjoint, à « l’Union fédérative des syndicats [indépendants] de Paul Lanoir, dont le premier congrès se tint les 27, 28, 29 mars 1902 à Saint-Mandé et dont le programme s’exprimait dans ces formules : « Le Capital-travail et le Capital-argent sont les deux facteurs indispensables à la vie sociale. L’un complète l’autre, les deux se font vivre mutuellement. Le devoir de ces deux collaborations est donc de rechercher amiablement, de bonne foi et en toutes circonstances, le point de rencontre des concessions réciproques qu’ils se doivent l’un à l’autre ». Quelques jours plus tard, il y avait rupture entre Lanoir et Biétry qui fondait alors — 1er avril 1902 — la fédération nationale des Jaunes de France qui tint des congrès en 1904, 1906 et 1907. Biétry s’efforça de créer, sans doute avec appui financier patronal, mais peut-être aussi avec des soutiens démocrates-chrétiens plus désintéressés, des Bourses du Travail indépendantes.

Il fut élu député de Brest le 20 mai 1906 comme candidat antisocialiste par 8 886 voix au deuxième tour contre 8 292 à Goude, socialiste unifié. En mai 1908, il fut le fondateur du Parti propriétiste et combattit avec violence à la chambre le socialisme, le syndicalisme et le mouvement du Sillon. Il ne se représenta pas en 1910. La fédération nationale des Jaunes tint son dernier congrès en 1909.

Selon R. Naegelen (op. cit.), Biétry était, dès sa jeunesse, un provocateur ; aucune preuve n’en est donnée.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article77749, notice BIÉTRY Pierre par Henri Dubief, version mise en ligne le 30 mars 2010, dernière modification le 5 septembre 2022.

Par Henri Dubief

ŒUVRE : Les Grèves de 1899..., Audincourt, 1900. — Questions sociales, leur socialisme, 1901. — Le Socialisme et les Jaunes, Paris, 1905. — Les Jaunes de France et la question ouvrière, Paris, s.d. (1906). — La Séparation des écoles et de l’État, 1910. — Le Trépied, 1911 (exposé de la doctrine propriétiste (Bibl. Nat. 8° R 24 335).
Périodiques : L’Ouvrier indépendant — Le Travail libre — Le Jaune — Le Genêt de Bretagne.

SOURCES : Arch. Nat. F 12/4 687. — Arch. Territoire de Belfort, série M, 1898-1913. — Perrin, Mémoires (archives famille Perrin, Besançon). — Abbé Dabry, Un ennemi des ouvriers, 1906. — Aug. Pawlowski, Les Syndicats jaunes, Paris, 1911. — R. Naegelen, Cette vie que j’aime, 1963 — R. Brécy, Le Mouvement syndical en France, 1871-1921, Paris, 1963, pp. 12-13 avec bibliographie sur le syndicalisme jaune. — La Frontière, Belfort, octobre-novembre 1899. — Le Ralliement, octobre-novembre 1899. — L’Est républicain, 22 mai 1964. — J. Jolly, Dictionnaire des Parlementaires français.

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