Par Alain Dalançon
Né le 14 janvier 1874 à Marennes (Charente-Inférieure, Charente-Maritime) ; ouvrier des arsenaux, militant syndicaliste.
Rémy Boguenet était le fils cadet de Mathurin Boguenet, gendarme maritime, et d’Elisabeth Emilie Bertin, sans profession. Il effectua sa scolarité primaire à l’école Champlain du faubourg de Rochefort (Charente-Inférieure, Charente-Maritime) où son père était devenu gardien de la prison maritime, et y suivit le cours complémentaire jusqu’en 1888. Il entra ensuite à 14 ans comme apprenti à l’arsenal de Rochefort et devint ouvrier charpentier en 1891. En novembre 1893, il s’engagea pour 5 ans dans les Équipages de la flotte puis dans le corps des infirmiers de la Marine aux 4e et 5e Dépôts. En 1898, à l’issue de cet engagement, il entra comme ouvrier charpentier à l’arsenal de Toulon puis obtint sa mutation par permutation à celui de Rochefort en juin 1902. Il vivait alors avec sa mère devenue veuve au 18, rue de la Paix.
Dans un rapport à la Sûreté générale en 1904, le sous-préfet indiquait que « si l’homme est probe, sa conduite au point de vue des mœurs laisse à désirer » ; il aurait en effet vécu à Toulon avec « une fille soumise qui le poursuivit à Rochefort et dont il eut le plus grand mal à se débarrasser ». À Rochefort, il « s’est érigé en protecteur d’une fille soumise Bazile, inscrite sur le registre des mœurs, dont il favorise le commerce par tous les moyens, ce qui est l’objet de critiques, même de ses camarades ».
Il épousa à Rochefort le 8 novembre 1908 Rosa Ariste, et se remaria avec Marguerite Hugues, le 3 février 1921 à Rochefort.
Dès 1902, Rémy Boguenet devint secrétaire adjoint du Syndicat des travailleurs réunis du Port, auprès de Joubert à qui il succéda en 1904 après le départ de ce dernier au Sénégal.
Il était décrit par le sous-préfet comme « moins intelligent » que son prédécesseur mais plus brutal, et militant socialiste mais avec des idées moins exagérées que son adjoint Louis Bourguet, « ancien séminariste intelligent ».
Rémy Boguenet organisa l’action en août 1905 contre le projet de nouveau mode d’avancement, fit voter un ordre du jour menaçant de recourir à la grève comme les ouvriers des autres arsenaux (Brest, Lorient, Cherbourg et Toulon). Cette menace ne fut pas mise à exécution car le 25 août, il annonça que le gouvernement avait donné satisfaction ; 400 manifestants défilèrent en ville pour fêter cette victoire qui devait être un encouragement à poursuivre la lutte pour obtenir des retraites proportionnelles et en hausse. Il présida, le 23 novembre, la réunion du congrès national du Syndicat des travailleurs des arsenaux de France qui demanda au ministre, Gaston Thomson, la réintégration des camarades exclus et la levée de toutes les punitions.
De 1907 à 1909, Rémy Boguenet fut secrétaire adjoint de la Bourse du travail (Léon Roux étant secrétaire) que la municipalité radical-socialiste avait installée en 1900 dans l’église désaffectée de la Vieille Paroisse. Il eut maille à partir un peu plus tard après avec ses camarades Bourguet et Louis Bernard dans la gestion de la Bourse.
Une crise de direction intervint également dans le Syndicat des ouvriers de l’arsenal en septembre 1908, où Boguenet fut remplacé quelque temps par un syndicaliste révolutionnaire anarchiste de la Jeunesse syndicale travaillant aux constructions sous-marines, François Nésa.
En mars 1912, en tant que conférencier de la Fédération de la Marine, il fit une tournée de propagande dans tous les ports militaires de France sans en avoir obtenu l’autorisation. Le commissaire spécial indiquait dans son rapport qu’il n’était pas un « violent » qu’il n’avait « aucun talent de parole » mais qu’il était un « syndicaliste convaincu », non fiché parmi les syndicalistes révolutionnaires. En juillet 1912, il dut démissionner de son poste de secrétaire général du syndicat de l’arsenal de Rochefort, une minorité active le trouvant trop mou et s’opposant à sa proposition d’augmentation de la cotisation syndicale ; il laissa en octobre le secrétariat à Arthur Prévaudeau, mais resta l’élu ouvrier à la commission mixte du Port.
En 1913, il participa au comité de défense de l’arsenal et se présenta aux élections municipales sur la liste du bloc de gauche mais ne fut pas élu.
En août 1914, il fut un des principaux organisateurs d’un Comité de secours aux victimes de guerre qui fonctionna jusqu’en 1919 à la Bourse du travail de Rochefort dans l’union sacrée la plus large : il en était un des vice-présidents. Il fut un des animateurs du « chômage » des ouvriers de l’arsenal le 1er mai 1919 mais la grève ne se prolongea pas.
Par Alain Dalançon
SOURCES : Arch. Nat. F7/13 567 et F7/13 600. — Arch. Dép. Charente-Inférieure, 4M2/35, 4M2/52. — Arch. du Port de Rochefort, SHD/marine Rochefort. — Arch. mun. Rochefort (élections et recensements). — L’Humanité, 24 novembre 1905.