CATRICE Louis, Émile

Par Justinien Raymond

Né et mort à Roubaix (Nord) 23 octobre 1850-14 janvier 1907 ; a exercé de nombreux métiers ; radical devenu socialiste ; chansonnier populaire.

Louis Catrice était le fils d’un tisserand à la main. À vingt-deux ans, il participa à la création de la chambre syndicale ouvrière de Roubaix. Les mises à l’index, les tracasseries l’obligèrent à exercer des métiers divers : coiffeur, épicier, restaurateur, fabricant d’allume-feu (qu’il vendait en colportant avec une voiture et un cheval) et, le plus souvent, cabaretier. Poussé jeune à l’usine, il ne put parcourir tout le cycle des études primaires ; il avait cependant du goût pour la poésie : il fit de son estaminet un cabaret artistique et groupa autour de lui tous ceux que hantaient la muse et la chanson, tous les rimeurs. Avec quelques experts en prosodie, il cultiva son talent de chansonnier. En 1882, un jury présidé par Alexandre Desrousseaux, l’auteur lillois du P’tit Quinquin, lui attribua le premier prix du concours de poésie en langue d’oïl organisé par le Cercle des Travailleurs. Ses chansons, en français et en patois, constituent une véritable gazette, reflet de la vie roubaisienne et de la vie ouvrière, écho des batailles syndicales et politiques entre 1870 et 1900. Même à partir de contingences électorales, Louis Catrice s’éleva à des idées générales et son œuvre dégage une philosophie sociale, comme en témoignent ses textes en français : Quatre-vingt-treize ; La Fête du 1er Mai ; Le Progrès ou pourquoi gémir ; Vive la Liberté ; Travailleurs, unissez-vous, dédié à Jules Guesde.
Républicain et anticlérical, Catrice participa en 1881 à la première campagne électorale de J. Guesde à Roubaix contre l’industriel bonapartiste Pierre Catteau. Pourtant, radical, il combattit le PO en 1883 et en 1884, dans l’hebdomadaire Roubaix républicain, organe d’un patron libéral Léon Allart.
En 1891, les ouvriers « rentreurs » firent appel à son ardeur, à ses qualités d’organisateur dans la grève qu’ils menaient pour abaisser de 12 et 11 heures à 8 heures la durée de la journée de travail, et résorber le chômage. Le mouvement échoua et valut à Catrice injures et calomnies. Son énergie en fut galvanisée et il rejoignit le PO à l’activité duquel il fut étroitement mêlé aux côtés d’Henri Carrette. Il fut délégué au congrès de Lille (1896). Original et plein de fantaisie, il avait dressé son petit terrier anglais « Miss » à quêter pour la propagande socialiste. Jusqu’à sa mort il mit sa verve caustique, par la plume et par la parole, au service du mouvement syndical et de l’action socialiste. La presse, unanime, loua ses mérites à sa mort. « Je salue le chansonnier de talent qui vient de disparaître », écrivit l’industriel-poète Amédée Prouvost fils. Le Journal de Roubaix, qui fut souvent sa cible, reconnut qu’il « excellait surtout dans la chanson satirique ». À ses funérailles, la foule ouvrière témoigna de la popularité de celui qui avait su exprimer sa pensée, ses sentiments, ses colères et ses espoirs. En 1920, pour perpétuer sa mémoire, le conseil municipal de Roubaix donna son nom à une artère du centre de la ville, car « ses couplets joyeux, cinglants ou émus, ses refrains, dont les vers chantent ou s’incrustent dans le souvenir, ont fait de Louis Catrice une gloire locale ».

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article78704, notice CATRICE Louis, Émile par Justinien Raymond, version mise en ligne le 30 mars 2010, dernière modification le 24 août 2017.

Par Justinien Raymond

SOURCES : Arch. Dép. Nord 151 M 6, 154 M 39, 222 M 1 979, — Napoléon Lefebvre, Louis Catrice, 1920 (Bibl. Mun. Roubaix). — Compte rendu du congrès de Lille.

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