CHAPPAZ Jean-Marie

Par Justinien Raymond

Né vers 1844 à Argonnex (Haute-Savoie) ; instituteur ; candidat « ouvrier ».

Fils d’un cultivateur, petit propriétaire, J.-M. Chappaz fut directeur de l’école communale d’Annecy au moment de la laïcisation (1881-1883). Il fut ensuite directeur du cours complémentaire du Biot, puis instituteur à Contamine-sur-Arve. Excellent pédagogue, selon lui, sans valeur professionnelle, selon le préfet, homme d’action, il se donnait à des œuvres multiples, créait des caisses d’épargne scolaires, des orphéons, animait des bataillons scolaires et des cours d’adultes. Il fut, avant la naissance du syndicalisme, un militant corporatif. Il écrivit La Misère des instituteurs français (1870) ; un Projet d’organisation de bibliothèques pédagogiques et populaires circulantes (1873) ; un Projet complet de loi organique sur l’instruction primaire (1874), etc. Il fonda une société de secours mutuels des instituteurs de la Haute-Savoie et participa à quatre congrès pédagogiques nationaux, notamment à Paris (septembre 1887). En 1886, il proposa la création à Paris d’un asile-hôtel ouvert aux trois ordres d’enseignement, qui serait un véritable hôtel des Invalides et un foyer d’étude et de discussion. Il pourrait servir d’hôtel aux membres de l’enseignement de passage à Paris.
L’action mutualiste de Chappaz s’étendit à d’autres corporations que la sienne. Il voyait dans la prévoyance mutuelle et dans la création d’écoles professionnelles pour tous les corps de métiers les moyens d’éteindre la mendicité, le vagabondage et le paupérisme : tel est le sens d’une brochure écrite en 1890. Il projeta une organisation de l’Union agricole, viticole et ouvrière de la Haute-Savoie (1889). Enfin, il entra dans l’action politique et, le premier en Haute-Savoie, posa une candidature « ouvrière » aux élections législatives, face aux candidats « bourgeois », en 1889, dans l’arr. de Thonon-les-Bains où il recueillit 267 voix sur 19 157 inscrits, contre 8 531 au député républicain sortant, André Folliet, et 5 263 au candidat conservateur Denarié. À cette date, cette candidature prit un certain relent boulangiste. Il donna le même sens « ouvrier » à sa candidature à une élection législative partielle en 1892 dans l’arr. d’Annecy. Dans une longue circulaire-programme, il déclara : « Les travailleurs ne pouvant être mieux représentés à la Chambre des Députés que par un homme sorti de leurs rangs, je viens vous présenter ma candidature ouvrière... » Tout en souhaitant que des comités ouvriers lui soumettent un programme, il en donna les grandes lignes. « Les grandes réformes sont urgentes, écrivait-il ; tout le monde les réclame ou les promet, et personne ne les accomplit, pour la raison toute simple qu’elles paraissent défavorables aux classes soi-disant dirigeantes auxquelles le peuple, tantôt par crainte ou habitude, tantôt par ignorance, a le tort de confier ses destinées. Tant que les lois seront faites exclusivement par les favorisés de la fortune, elles seront défavorables aux classes laborieuses. Tout compte fait, il se trouve encore en France, comme avant la Révolution, les trois quarts et plus des habitants faisant tout le pénible travail, supportant toutes les misères, toutes les humiliations, payant trois fois au moins leur part proportionnelle d’impôts, tandis que quelques privilégiés de la fortune, qui se rendent facilement les privilégiés des hautes sciences et, par suite, de toutes les hautes positions, regorgent de satisfactions. D’un côté, trop de bien-être, de l’autre, trop de peines et de misères. C’est l’histoire de tous les temps ; mais cette histoire doit cesser avec l’avènement d’un régime sincèrement démocratique. Qui établira ce régime ? Ce sont « les nouvelles couches sociales » annoncées par Gambetta... » À sa candidature ouvrière, on le voit, Chappaz, ne donnait pas un sens marxiste. Il s’adressait aux « agriculteurs, fermiers, industriels, commerçants, petits fonctionnaires, ouvriers et domestiques », c’est-à-dire aux « populations laborieuses qui font naître de leurs bras la prospérité nationale ».
Sur 22 705 inscrits, il obtint 470 voix contre 8 632 au candidat républicain élu, le Dr Thonion, et 4 937 au candidat de droite Agnellet. Le nom de Chappaz disparaît désormais de la vie politique du département.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article78860, notice CHAPPAZ Jean-Marie par Justinien Raymond, version mise en ligne le 30 mars 2010, dernière modification le 9 novembre 2022.

Par Justinien Raymond

SOURCES : Arch. Nat. dossiers électoraux : C. 5 325. — Arch. Dép. Haute-Savoie : 3 M. Élections législatives. — Bibl. Nat. 8e R. 8 097 : Projet d’organisation, à l’occasion du centenaire et de l’Exposition universelle de 1889, d’un asile-hôtel du corps enseignant, Grenoble, 1886, 64 p. — L’Allobroge : journal radical de Bonneville, n°s du 24 juillet 1887 et du 27 décembre 1891.

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