CHIRON Victor, Aimé

Par Jean-Yves Guengant, Justinien Raymond

Né le 26 mars 1853 à Argentan-le-Château (Deux-Sèvres), mort à Saint-Pierre-du-Chemin (Vendée) ; horloger et militant socialiste à Brest (Finistère) et dans les Deux-Sèvres.

Les hasards de la vie militaire qui firent de Victor Chiron un sergent du 2e régiment d’Infanterie coloniale fixèrent une partie de sa vie à Brest. Dans le Finistère, où il ne s’organisa que tardivement, il fut un précurseur du socialisme. Il connut le militant Constant Le Doré, quitta l’armée à la fin de 1878, s’installa comme horloger en chambre au 5 de la rue de l’Armorique et se maria le 19 février 1879.

D’une intelligence native encore déliée par l’exercice d’un métier exigeant, il connut un si grand succès auprès des bijoutiers de la ville qu’il put ouvrir une boutique d’horloger au 10 de la rue Orée. Ouverture d’esprit, indépendance que donnent une profession libre et le déracinement, influence d’une rencontre, V. Chiron se donna au mouvement socialiste dès ses premiers balbutiements. En 1880, il organisa une manifestation de sympathie envers les « communards » amnistiés retour de Nouvelle-Calédonie. Il intervint personnellement dans la grève des ferblantiers d’avril 1881 qui marqua une victoire de la classe ouvrière et, en juin, il se mêla à la grève des carrossiers et des maçons. Le cercle d’Études sociales de Brest le délégua au congrès de la Fédération des travailleurs socialistes de France (FTSF) à Rennes (1884).

Au scrutin du 21 août 1881, Chiron se présenta à la députation et obtint 2 100 voix sur 10 000 votants. La mort de Le Doré, cette année-là, le mit à la tête des groupes d’avant-garde.

Les socialistes, réunis sous l’étiquette du parti ouvrier socialiste révolutionnaire brestois, réussissent à faire le faire élire au conseil municipal, en décembre 1884, lors d’une élection partielle. Se définissant comme ouvrier d’usine, il refuse de siéger dans les commissions, estimant que les fonctions électives sont données, non pas en fonction de la qualité des élus, mais de leur fortune personnelle, qui peut leur permettre de distraire du temps pour gérer la ville. Il refuse toutes fonctions tant qu’elles ne seront pas rémunérées, et il veut garder son entière liberté d’appréciation. Il apparaît vite comme un opposant actif aux républicains du maire Delobeau, intervenant sur de nombreux sujets. Sur les bourses données aux élèves qui entrent dans les écoles d’état, il souligne que la ville n’est pas suffisamment exigeante sur les critères, et que les fils d’ouvriers sont moins bien traités que les autres dans les attributions.

Très actif sur les questions budgétaires, Chiron demande dès juin 1885 la laïcisation des personnels de l’hospice civil et du bureau de bienfaisance, obligeant le conseil à débattre sur ce sujet. Il exposa les propositions socialistes en matière de fiscalité (suppression de l’octroi et des impôts directs et indirects existant et leur remplacement par une taxation des biens (immeubles et fermages, biens de luxe) ainsi qu’un impôt progressif à partir de 2000 Fr / an de revenus) et proposa une distribution différente des subventions. Ainsi, il récusa le versement de subventions au concours hippique, organisé chaque année, préférant que la somme soit versée aux instituteurs et aux lauréats des examens. Très vite, entre socialistes et républicains, les oppositions sont vives, et les socialistes se rendirent compte qu’ils ne pesaient absolument pas sur la municipalité républicaine.

En mars 1887, persuadé de pouvoir conquérir de nouveaux sièges, Chiron démissionna du conseil municipal, ce qui entraîna une élection partielle de huit conseillers le 8 mai 1887. Tous les élus furent de la liste du maire, mettant en échec sa stratégie. Cet échec laissa la place libre à Delobeau, qui domina la scène politique brestoise jusqu’à la fin du siècle.

Chiron assista comme délégué au congrès national des chambres syndicales, groupes corporatifs, fédérations de métiers, unions et Bourses du Travail tenu à Nantes, en septembre 1894. Il y représentait plusieurs syndicats de Brest et dirigeait l’Union syndicale des travailleurs de la ville. Il assista également au IXe congrès — 3e de la CGT — tenu à Toulouse, septembre 1897.

Il rejoignit la loge maçonnique des Amis de Sully en 1896.

Chiron quitta Brest pour se retirer à Saint-Pierre-du-Chemin (Vendée) et fut membre du premier bureau fédéral de la fédération socialiste des Deux-Sèvres constituée en 1900. Il fut chargé de l’administration de L’Écho des travailleurs de l’Ouest (ex-Écho des Deux-Sèvres), organe local du Parti socialiste de France et de la fédération socialiste révolutionnaire des Deux-Sèvres et de la Vendée. Le premier numéro de ce journal parut en 1902. Le 3 avril 1900, il revint à Brest, pour présider une réunion qui accueillait Jean Jaurès. 2000 personnes y assistaient.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article79089, notice CHIRON Victor, Aimé par Jean-Yves Guengant, Justinien Raymond, version mise en ligne le 30 mars 2010, dernière modification le 5 octobre 2022.

Par Jean-Yves Guengant, Justinien Raymond

SOURCES : Arch. Dép. Finistère (non classées). — Hubert-Rouger, Les Fédérations socialistes II, op. cit., pp. 570-571. — Collection de L’Écho des Travailleurs de l’Ouest. — Comptes rendus des congrès. — Registre de délibérations du Conseil Municipal de la commune (4 juillet 1884-12 avril 1889). Archives municipales & communautaires de Brest. — Jean-Yves Guengant, Brest, naissance de l’école publique, écoles, collèges, lycées, la longue histoire de l’égalité de 1740 à 1940, 2014.

rebonds ?
Les rebonds proposent trois biographies choisies aléatoirement en fonction de similarités thématiques (dictionnaires), chronologiques (périodes), géographiques (département) et socioprofessionnelles.
Version imprimable