COTTE Gilbert

Par Yves Lequin

Né le 21 décembre 1856 à Commentry (Allier), mort à Saint-Maur-des-Fossés (Seine) en mai 1905 ; ouvrier mineur ; militant syndicaliste de la Loire ; secrétaire général de la Bourse du Travail de Saint-Étienne, puis de la Fédération nationale des Mineurs de France.

Gilbert Cotte en 1901
Gilbert Cotte en 1901

G. Cotte s’installa dans la Loire en octobre 1887, d’abord à Roche-la-Molière, puis, à partir d’octobre 1888, à Saint-Étienne où il fut embauché par la Compagnie des Mines de la Loire. À peine arrivé, il participa activement à la vie syndicale où son intelligence, ses qualités morales et professionnelles lui firent rapidement acquérir une grande influence sur ses camarades. D’emblée, il s’opposa au modérantisme et aux compromissions de Michel Rondet ; avec une centaine d’amis, il fit scission pour faire naître, en 1888, la chambre syndicale des ouvriers mineurs du quartier Gaillard et de Cote Chaude dont il fut aussitôt nommé secrétaire ; en 1889, pour éviter l’émiettement du vieux syndicat des mineurs de la Loire abandonné par tous les ennemis de Rondet, il participa à la fondation d’une fédération départementale destinée à conserver l’unité d’un mouvement désormais morcelé en groupes épars. Il fut, bien sûr, des organisateurs de la grève générale de septembre et octobre 1889 et, pour son action, fut renvoyé en janvier 1890 ; il entra alors au service de la ville comme surveillant des marchés. La même année, il alla avec Ottin représenter le bassin au 1er congrès international des Mineurs à Jolimont (Belgique) ; peu après, en mai, il était élu délégué mineur.
Collectiviste convaincu, à l’aile gauche du Parti ouvrier, G. Cotte mena alors contre les modérés une lutte sur deux plans : dans le cadre du syndicalisme des mineurs, avec peu de succès au début ; sur le terrain local de la Bourse du Travail, avec plus de réussite immédiate. Il était devenu secrétaire de la fédération départementale des Mineurs et, à ce titre, fut délégué avec Théophile Exbrayat, Laurent Crozier et Eyraud, de Firminy, au congrès national des Mineurs à Commentry, en 1891 ; là, il tenta vainement, avec des amis, de faire renaître, en dehors de Rondet, une fédération nationale qui s’était effilochée depuis la fin de 1889 ; en 1892, au congrès de La Ricamarie, sa vigoureuse opposition ne put empêcher la réélection de Rondet : Cotte avait pourtant eu le soutien de la quasi-unanimité des délégués régionaux. Il ne fut pas plus heureux en novembre 1893 dans sa tentative pour entraîner le bassin de la Loire dans un mouvement de solidarité avec la grève du Nord et du Pas-de-Calais : les mineurs ne suivirent pas, moins par fidélité à Rondet que par particularisme local ; Cotte, qui travaillait alors à la « Mine aux Mineurs » de Monthieux, était de loin leur leader le plus influent ; son prestige avait été encore accru par une condamnation à deux mois de prison en décembre 1892 : Le Réveil des Mineurs, créé en octobre 1890, dont il était le gérant depuis octobre 1891, avait publié un article jugé injurieux pour la magistrature ; le journal, d’ailleurs, avait disparu en décembre 1891.
En même temps, G. Cotte participait activement à la vie de la Bourse de Saint-Étienne, avec la fraction guesdiste dont il partageait la direction aux côtés d’Argaud et Soulageon. En juin 1895, il fut préféré à Jules Ledin et délégué au 4e congrès des Bourses, à Nîmes, et surtout, en décembre, il le remplaça au secrétariat général — Voir Rondet M. — avec Jean-Louis Ranvier comme adjoint ; il fut réélu en 1896. Fidèle à son choix politique, il participa, au début de 1897, à la tentative de regroupement des socialistes révolutionnaires en vue de leur affiliation au POF ; le succès fut médiocre, la classe ouvrière et les militants stéphanois ne se départant pas de leur méfiance à l’égard de la « secte ».
Fort de ses nouvelles fonctions, G. Cotte reprit le combat au sein du syndicalisme minier. Au congrès de Graissessac (1894), il avait été le candidat des révolutionnaires au secrétariat, mais ses 18 voix n’avaient pu empêcher la réélection de Rondet, maintenant soutenu par le Nord et le Pas-de-Calais, et qui en avait obtenu 94 ; ce nouvel échec avait amené l’effondrement de la fédération départementale. Mais, en 1896, Cotte obtint des divers syndicats de la Loire l’abstention au congrès de Decazeville abandonné aux opportunistes et, déjà, il reprenait des contacts avec ses amis à Commentry, à Brassac et à Sainte-Florine. En novembre 1896, il entreprit, tout en assumant un temps l’intérim du secrétariat national, de reconstituer une fédération départementale des syndicats miniers du bassin de la Loire qui vit le jour au début de 1897 avec le but avoué, dans une seconde étape, de la reconstruction de l’organisation nationale sur des bases révolutionnaires. Comme secrétaire du nouvel organisme, Cotte consacra l’année 1897 à la consolider et, avec l’aide de jeunes militants nouveaux-venus, Beauregard et Brioude entre autres, à relancer l’action revendicative dans le bassin. Son action fut alors favorisée par le mécontentement créé par la récente loi sur les caisses de retraite ; Cotte eut même du mal à canaliser l’impatience immédiate vers un regroupement pour une action à long terme. À la fin de 1898, l’agitation devint pressante et les Compagnies durent augmenter les salaires, pendant que Cotte élaborait progressivement un programme revendicatif : 0,5 f d’augmentation par jour, réduction de la journée, et surtout reconnaissance du comité fédéral par le patronat. La grève éclata le 26 décembre 1899, se généralisa le 28, et ne se termina que le 7 janvier 1900, après l’acceptation d’un arbitrage de Jaurès et de Grüner, secrétaire général du comité des Houillères de France, et qui donnait largement satisfaction aux ouvriers ; Cotte, qui au début décembre 1900, au congrès de Saint-Étienne, n’avait pu encore une fois éviter la réélection de Rondet malgré le vote unanime de la Loire, fit décider, fort du succès récent, la rupture de la fédération départementale d’avec l’organisation nationale dénoncée comme un appareil bureaucratique sans militants. En novembre et décembre 1899, il avait, comme secrétaire de la Bourse du Travail, guidé la longue lutte — trente six jours — des traminots de Saint-Étienne. Enfin, en 1900, le congrès de Montceau-les-Mines fit de lui le secrétaire de la Fédération nationale, dont le siège était fixé à Saint-Étienne.
Ses nouvelles fonctions concrétisaient une influence considérable depuis le succès de janvier. Il y consacra l’essentiel de ses forces et révéla une souplesse tactique et un sens du possible acquis au fur et à mesure que ses responsabilités s’étaient faites plus lourdes. En août 1901, il joua un rôle modérateur dans la grève de la compagnie de Villebœuf, déclenchée pour un motif contestable par des mineurs encore pleins de la victoire de 1900. Surtout, pendant toute l’année, il mena avec le patronat et le gouvernement des négociations qui prirent aux yeux de beaucoup l’allure de mesures dilatoires : en effet, le 24 février 1901, le Comité fédéral national décida le principe d’une grève générale, mais sans fixer de date, au cas où le gouvernement n’aurait pas accepté, avant mai, la retraite de 2 f par jour après 25 années de service, la journée de huit heures, le minimum des salaires, et des mesures coercitives à l’égard de la compagnie de Montceau-les-Mines, où la grève battait son plein. Le 13 avril, un nouveau vote renouvela la décision de février, sous réserve du résultat d’un referendum lancé dans la France entière : le 25, 29 000 mineurs approuvèrent la décision contre 20 000 opposants, mais elle ne fut suivie d’aucun effet. Cotte, violemment pris à partie, décida un nouveau referendum pour le 1er octobre, et, en attendant, participa à l’enquête de la commission extraparlementaire du travail dans les mines créée par le ministre des Travaux publics. Le deuxième referendum donna 44 000 voix pour la grève et 12 000 contre : Cotte adressa un ultimatum au gouvernement, qui éluda la question... et il ne fut plus question de rien dans l’immédiat. Dans la Loire, ces « parlotes ministérielles » avec un gouvernement qui, par ailleurs, multipliait les préparatifs militaires, portèrent un rude coup au prestige de Cotte ; celui-ci, dès mai 1901, avait fait exclure, et du bureau national, et du comité fédéral de la Loire, Escalier, nouveau leader de la fraction révolutionnaire, en le remplaçant par son ami Galmiche ; mais, en février 1902, débordé, il démissionna du secrétariat de la fédération régionale, tout en restant membre du comité ; Beauregard, devenu un de ses plus farouches adversaires, le remplaça. En mars, le congrès d’Alais renouvela la décision de grève générale, mais, le lendemain, adopta une motion d’ajournement : indignés, Escalier, Beauregard et Joubert, les principaux délégués de la Loire, quittèrent le congrès, dont le compte rendu sur place donna lieu à de violents incidents. Après une nouvelle décision au congrès de Commentry en septembre et de nouvelles tergiversations, la grève éclata finalement le 8 octobre, sans que Cotte et le comité national englués dans de nouveaux pourparlers en aient donné le signal. Elle fut marquée, notamment dans la Loire, par de très violents incidents qui prouvèrent la dureté de la base ; le Nord et le Pas-de-Calais reprirent le 13 novembre ; ils furent imités par le bassin de la Loire le 28 novembre après la signature d’un compromis ; la veille, la décision avait été très mal accueillie par les mineurs qui saccagèrent la Bourse de Saint-Étienne et donnèrent l’assaut au café où Cotte, malmené, s’était réfugié. L’autorité du comité national et de son secrétaire, qui n’avaient été pour rien ni dans le déclenchement ni dans la reprise, étaient irrémédiablement atteints ; en mars 1903, la fédération de la Loire, œuvre de Cotte, quitta l’organisation nationale avec l’intention d’adhérer à la CGT.
En avril 1903, le siège national fut transféré à Paris, où Cotte alla s’installer ; secrétaire permanent, il percevait une indemnité de 1 800 f par an. En août, le comité central de la CGT refusa toutes relations avec lui (La Voix du Peuple, 2 août 1903), et Cotte polémiqua avec elle par l’intermédiaire de La Petite République. Les syndicats de la Loire ne désarmèrent pas et réclamèrent, en vain, son exclusion aux congrès d’Anzin (1903) et Douai (1904). En juin 1904, en application des décisions du dernier congrès, il créa L’Ouvrier mineur, mensuel de la Fédération nationale, et en fut à la fois le gérant et le principal rédacteur jusqu’à sa mort en avril (?) 1905. En septembre 1901, il avait représenté les mineurs de France au XIIe congrès de la CGT, à Lyon, et, en mai 1902, au congrès international de Düsseldorf.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article79382, notice COTTE Gilbert par Yves Lequin, version mise en ligne le 30 mars 2010, dernière modification le 17 septembre 2022.

Par Yves Lequin

Gilbert Cotte en 1901
Gilbert Cotte en 1901

SOURCES et BIBLIOGRAPHIE : Arch. Nat. F7/12 493 et F7/12 781. — Arch. Dép. Loire, 10 M 89, 10 M 108, 10 M 110, 10 M 115, 92 M 48, 92 M 71, 92 M 74, 92 M 81, 92 M 83 et 84, 92 M 97, 92 M 99, 92 M 103, 92 M 110 à 118, 93 M 22, 93 M 46 à 49 et 93 M 103. — L.-J. Gras, Histoire économique générale des Mines de la Loire, Saint-Étienne, 1922, t. II, pp. 564-565, pp. 823 à 833. — Petrus Faure, Histoire du mouvement ouvrier dans le département de la Loire, Saint-Étienne, 1956, pp. 280 et sq. — Michelle Perrot, La presse syndicale des ouvriers mineurs (1880-1914) notes pour un inventaire, Le Mouvement Social, n° 43, avril-juin 1963, pp. 109 et sq., 113 et sq.

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