DEBUSSCHE Alphonse

D’origine rurale, l’abbé Debussche, ordonné prêtre en 1897, fut vicaire dans des quartiers où la population ouvrière était soumise à d’épouvantables conditions de logement : Saint-Vincent de Paul à Wattrelos, Saint-Joseph à Roubaix (1899), où il eut pour curé Jules Bataille, pionnier des syndicats séparés. Nommé en 1907 chapelain de Saint-François d’Assise à Roubaix, puis curé de cette paroisse, mobilisé comme infirmier en 1914, il vécut l’expérience des tranchées et fonda un bulletin destiné au soldats, Le Cordon de Saint-François, ainsi qu’une caisse de secours pour l’envoi de colis aux militaires.

Après l’armistice, il remit à Mgr Charost, évêque de Lille, un rapport sur l’apostolat ouvrier. Insistant sur les progrès du socialisme, il voulut démontrer la nécessité de créer des syndicats chrétiens, totalement indépendants des milieux patronaux. Le chanoine Bataille lui réserva un accueil chaleureux et tous les doyens de Roubaix-Tourcoing signèrent un autre rapport rédigé par l’abbé Debussche, à l’intention de l’évêque. Celui-ci, convaincu, le chargea d’organiser l’action sociale dans le secteur et lui donna l’autorisation de former un syndicat.

À la Semaine sociale de Metz, pendant l’été 1919, il rencontra Gaston Tessier, Eugène Duthoit* et Jules Zirnheld*. Le P. Rutten lui expliqua le fonctionnement de la Confédération belge des travailleurs chrétiens ; il prit aussi conseil auprès du P. Desbuquois*, à l’Action populaire, et s’imprègna du Petit manuel d’éducation syndicale que le P. Maurice de Léobazel venait de publier. Il organisa ensuite des cercles d’études sociales et fit appel à Jean-Baptiste Denis et Louis Blain (voir ces noms), anciens de l’ACJF Le 22 juin 1919, ceux-ci constituaient le bureau du Syndicat libre des travailleurs de l’industrie textile de Roubaix-Tourcoing dont les statuts allaient être déposés en juillet. Ce syndicat comptait cent cinquante adhérents à son entrée, quatre mois plus tard, dans la CFTC naissante. Très vite, il fut en butte à l’hostilité du Consortium de l’industrie textile.

Devenu officiellement aumônier des oeuvres sociales de Roubaix-Tourcoing, l’abbé Debussche a contribué à la mise en place d’un secrétariat social qu’il dirigea en octobre 1919, avec la collaboration de l’abbé Pierre Lesage. Pour faciliter l’essor des syndicats libres, l’évêque le chargea de provoquer la dissolution des syndicats mixtes après que les patrons eussent accepté, au début de l’année 1920, de renoncer à cette formule.

Au cours de la crise de l’industrie textile, en 1920, l’abbé Debussche fut consulté par le ministre du travail. Quand le conflit rebondit l’année suivante, il intervint dans son déroulement et menaça de lire en chaire un texte sur la baisse des salaires. Il était des prêtres sociaux que fustigeaient les circulaires de Désiré Ley, secrétaire général du Consortium. Celui-ci l’accusa d’être imbu de l’esprit de classe. "J’ai mieux à faire que de discuter et de compter les obus", fit remarquer Debussche à l’évêque. Les difficultés que lui fit Mgr Quilliet, successeur de Mgr Charost en 1920, ne l’empêchèrent pas de continuer son oeuvre. Toujours en 1920, il favorisa la création du Nord social, organe des syndicats libres, dont il couvrit tous les frais à l’origine, et celle de l’Union des syndicats libres de Roubaix-Tourcoing, avec trois syndicats et quinze cent cinquante adhérents.

En 1923, l’abbé Debussche, jugeant sa mission accomplie sur le plan social, retourna en paroisse. Successivement curé à Roncq et Bailleul, archiprêtre à Hazebrouck, chanoine honoraire, il a laissé un manuscrit, Origines des syndicats libres de Roubaix-Tourcoing et environs - Souvenirs de 1919 à 1923, une des sources les plus intéressantes du premier développement de la CFTC dans le Nord de la France.