Par Jean Maitron, Madeleine Rebérioux, version revue
Adolphe Degeyter, né à Lille (Nord), le 25 janvier 1859 et son frère Pierre Degeyter, né à Gand le 8 octobre 1848, se disputèrent la paternité de la musique de L’Internationale, poème d’Eugène Pottier. Le premier jugement qui attribuait l’oeuvre à Adolphe a été réformé en 1922 et la preuve formelle a été apportée que c’était bien Pierre qui était l’auteur compositeur. Adolphe a avoué son forfait par lettre et s’est ensuite suicidé.
Né à Lille (Nord), le 25 janvier 1859, dans une humble famille, Adolphe Degeyter ne reçut qu’une instruction primaire, mais, dès l’âge de dix ans, apprit la musique. Militant du POF, du Parti socialiste de France puis du Parti socialiste SFIO il occupait, à la veille de la Première Guerre mondiale, un emploi dans les services municipaux de la ville de Lille après avoir été longtemps ouvrier forgeron.
En 1888, à la demande de la section lilloise du POF et de G. Delory, en particulier, A. Degeyter aurait composé une musique pour L’Internationale, un poème d’Eugène Pottier, ancien Communard, qui l’avait écrit en juin 1871. Il aurait donné ainsi son hymne révolutionnaire au mouvement socialiste. Ce rôle lui fut contesté à juste titre par son propre frère Pierre né à Gand le 8 octobre 1848 qui, ouvrier menuisier à Lille — il avait commencé à travailler à l’âge de sept ans — devint, selon son expression, « escalioteur », c’est-à-dire spécialiste de construction d’escaliers. Pendant plusieurs années, il avait fréquenté les cours de musique donnés le soir au Conservatoire de Lille et était devenu ainsi un des animateurs de la « Lyre des Travailleurs » de la ville. C’est en cette qualité qu’il aurait composé en 1888 la musique de l’Internationale qui ne devint le chant national des travailleurs qu’à partir de 1896 (14e congrès national du POF tenu à Lille) et de 1899 (congrès général des organisations socialistes tenu à Paris) et dont la renommée s’étendit ensuite au-delà des frontières, vers 1910.
Pierre Degeyter s’installa à Saint-Denis en 1901. Se prétendant l’auteur du chant fameux, il fit un procès à son frère. Débouté, il fit appel et fut entendu le 12 mars 1908 devant la 4e cour de la Seine. Le premier jugement fut confirmé et Adolphe Degeyter, défendu par Jules Uhry, fut ainsi reconnu par un jugement officiel comme le vrai père de l’Internationale. Le premier jugement qui attribuait l’oeuvre à Adolphe a été réformé en 1922 et la preuve formelle a été apportée que c’était bien Pierre qui était l’auteur compositeur .
Le frère Adolphe a avoué son forfait par lettre et s’est ensuite suicidé en février 1916, non pour des raisons politiques, mais par remords et alcoolisme.
La documentation est très précise et l’article de Zévaès dans la France judiciaire de l’été 1933 apporte à lui seul tous les détails.
Pierre Degeyter, devenu vieux, dut cesser de travailler. Il vécut alors dans la gêne. Mais la municipalité de Saint-Denis l’hébergea et l’ambassade de l’URSS lui versa une petite pension à titre de droits d’auteur, L’Internationale étant devenue l’hymne nationale de l’URSS de janvier 1918 à 1943.
Le PC le présenta aux élections sénatoriales dans la Seine en janvier 1927 (cf. L’Humanité, 7 janvier 1927). En 1928, pour fêter ses quatre-vingts ans et les quarante ans de l’Internationale, il fut invité à Moscou où un accueil triomphal lui fut réservé. Après avoir refusé l’hospitalité définitive des Soviets, P. Degeyter revint à Saint-Denis où il mourut le 26 septembre 1932.
Par Jean Maitron, Madeleine Rebérioux, version revue
SOURCES : Charles Vérecque, Dictionnaire du socialisme, op. cit., pp. 136-137. — L’Humanité, 13 mars 1908. — G. Delory. Aperçu historique sur la Fédération socialiste du Nord, 1876-1920, Lille, 1921. — Bulletin annuel de l’Institut français d’Histoire sociale, s. d. [1951] : lettre de P. Degeyter, Moscou, 9 août 1928, cf. pp. 15-16. — Marc Ferro, L’Internationale, Éditions Némésis, 1996. — Xavier Maugendre, L’Europe de hymnes, Mardaga, 1996, p. 359-369. — Alexandre Zévaès, "Le Prècès de la musique de l’INterntionale", La France judiciaire, 30 juin 1933.