Par Justinien Raymond
Né à Jarcieu (Isère) le 13 octobre 1866 ; mort à Nivolas-Vermelle (Isère) le 18 juillet 1931 ; cordonnier ; militant socialiste ; député de l’Isère.
Giray était le fils d’un cordonnier républicain, ancien compagnon du Tour de France. Il apprit le métier paternel, l’exerça longtemps à Lyon, un an à Paris où il fréquenta les réunions publiques et pendant son service militaire comme maître-cordonnier aux colonies.
Après avoir tenu un magasin de chaussures à Beaurepaire (Isère), J.-B. Giray s’installa en 1893 à Lyon où il exerça sa profession d’ouvrier cordonnier. Il adhéra au PSF et milita aux côtés d’Adrien Farjat, frère de Gabriel. Anticlérical comme on l’était dans les milieux blanquistes, il servit la Libre Pensée, fit en son nom des tournées dans le Sud-Est, fut secrétaire général de l’organisation régionale. Militant syndicaliste, il fut administrateur de la Bourse du Travail de Lyon, soutint les grèves jusqu’à Clermont-Ferrand, Saint-Bel et Voiron. En 1898, dans la sixième circonscription de Lyon, candidat aux élections législatives, il obtint 821 voix, le candidat du POF en obtenant 1 225. En 1900, avec 378 suffrages, il se classa en tête des candidats socialistes au conseil municipal dans le Ve arr. de Lyon. L’année suivante, il se maria dans sa commune natale de Jarcieu : il était toujours cordonnier à Lyon dans le 3e arrondissement.
En septembre 1901 et septembre 1902, Giray représenta la Bourse du Travail de Lyon aux XIIe et XIIIe congrès — 6e et 7e de la CGT — tenus, le premier à Lyon, le second à Montpellier.
Vers 1903, il exerça à la Bourse du Travail de Lyon les fonctions de membre de la commission de propagande, de la commission de rédaction du bulletin, de la commission exécutive. Il participa à la rédaction du journal Le Peuple. Cette activité syndicale n’alla pas sans provoquer des incidents avec ses camarades de Parti qui l’accusèrent de se « fourvoyer à la Bourse du Travail où il laissera son énergie » (réunion de militants, 15 novembre 1903, Arch. Dép. Rhône 4 M 124. Personnalités lyonnaises, 1901-1909).
Giray n’avait cependant jamais perdu le contact avec le Dauphiné. Devenu militant socialiste, il participa tout naturellement à la propagande dans le département de l’Isère. À la fin de l’année 1903, lors de l’élection législative complémentaire provoquée dans la 1re circonscription de Grenoble par l’élection au Sénat du député Rivet et dans laquelle la fédération socialiste opposait Mistral au transfuge Zévaès, Giray fut, avec Dognin, le contradicteur attitré de ce dernier. Blanquiste d’origine, il se trouvait alors dans la même organisation que les guesdistes de l’Isère au Parti socialiste de France.
Bientôt, pour raison de santé, Giray dut abandonner et la ville de Lyon et son échoppe. Il revint dans l’Isère, se fit cafetier, à Beaurepaire d’abord, puis, en 1913, à Bourgoin. Mais il n’abandonna pas l’action politique, fonda des groupes socialistes dans la région de Jarcieu notamment. Aux élections législatives de 1914, la fédération socialiste SFIO de l’Isère posa la candidature de Giray dans la 2e circonscription de la Tour-du-Pin : il obtint au premier tour 3 221 voix contre 4 315 au député radical sortant Chanoz, 2 304 à un républicain indépendant, 2 201 à un républicain socialiste. Au scrutin de ballottage, Giray fut élu par 6 216 voix contre 5 449 à Chanoz.
Pendant la guerre, il suivit le courant minoritaire qui se dressa contre la politique de guerre du Parti socialiste et qui finit par devenir majoritaire. À la veille du congrès national de 1916, il signa l’appel au Parti lancé par le comité pour la défense du socialisme international. Aux élections législatives de 1919, quatrième sur la liste alphabétique des huit candidats du Parti socialiste, il se classa troisième avec 29 781 voix derrière les deux seuls élus, Mistral et Buisset. Aux élections sénatoriales de la même année, il prit la tête de la liste des quatre candidats socialistes et recueillit 166 voix, ses colistiers 123, 119 et 116. Sans profession, sans mandat, Giray se trouva dans une situation difficile qu’il exposa avec quelque amertume à la questure par lettre du 17 juin 1922. « Sans fortune (...), écrivit-il, je n’ai pu encore payer les impôts sur mon indemnité parlementaire, soit 1 400 francs. L’huissier est venu chez moi. J’ai donné un acompte. Je fais le représentant pour assurances. J’ai bien demandé des emplois mais personne ne veut occuper un ancien député » (Arch. Ass. Nat.). Et il regrettait en terminant le manque d’esprit de solidarité des membres du Parlement, bien inférieur à celui qui anime, affirmait-il, ouvriers et paysans. Après avoir penché pour l’adhésion à la IIIe Internationale, il avait hésité au lendemain du congrès de Tours (décembre 1920). Il resta quelque temps hors des deux partis ouvriers, puis rallia la SFIO. En 1924, la fédération socialiste constitua avec les radicaux une liste de cartel sur laquelle Giray ne figurait pas. Dépit ou hostilité à la tactique adoptée, il se sépara de la SFIO et ce départ désorganisa la fédération dans la région de Bourgoin.
Il était, ici, l’animateur ; il était depuis 1919 conseiller général du canton. Le scrutin uninominal rétabli, Giray posa sa candidature comme socialiste-communiste dans la 2e circonscription de La Tour-du-Pin aux élections législatives de 1928. Avec 1 559 voix, il devança les candidats socialistes et communistes qui en recueillirent 1 319 et 866.
Battu, Giray disparut de la scène politique.
Par Justinien Raymond
SOURCES : Arch. Ass. Nat., dossier biographique. — Arch. Dép. Rhône, 4 M 167. Notices individuelles 1873-1903. — Hubert-Rouger, Les Fédérations socialistes II, op. cit., p. 240 à 254, passim et pp. 257-258. — P. Barral, Le Département de l’Isère sous la IIIe République, thèse, passim.