HIÉRON (Jean-Baptiste GIRAUDIAS, en religion Très Cher Frère)

Par André Caudron

Né le 22 juillet 1830 à Ravel-Salmerange (Puy-de-Dôme), mort le 1er janvier 1905 à Paris ; Frère des Ecoles chrétiennes ; catholique social ; fondateur du Syndicat des employés du commerce et de l’industrie, dit « syndicat des Petits-Carreaux », en 1887.

Admis à l’âge de seize ans au novicat des Frères des Ecoles chrétiennes, à Clermont-Ferrand, Jean-Baptiste Giraudias compléta sa formation à la Maison-Mère de Paris et enseigna dès 1847 à Alençon sous le nom de Frère Hiéron. Muté au Mans en 1849, il noua ses premiers contacts avec le milieu du travail dans des cercles ouvriers. En 1855, il fut chargé d’une oeuvre d’apprentis à Compiègne. Deux ans plus tard, il arrivait à Paris qu’il n’allait plus quitter. Instituteur dans le 13e arrondissement, à l’école Saint-Médard, il dirigea en outre des cours du soir pendant trois ans. Après un bref passage à l’école normale des Frères, le scolasticat de la rue Oudinot (1865), il fut appelé à l’école Saint-Nicolas de la rue de Vaugirard comme responsable de l’orphelinat.
Brancardier pendant le siège de 1870-1871 et la Semaine sanglante de la répression, il n’eut pas, de même que ses collègues restés dans la capitale, à souffrir des Fédérés. Proches des gens, très simples, les Frères des Ecoles chrétiennes étaient bien intégrés dans la population ouvrière. En 1872, le Frère Hiéron prit la direction de l’école du Petit-Montrouge où il fonda un cours du soir pour apprentis et adultes. Il quitta l’enseignement en 1877 pour diriger, dans le 3e arrondissement, cinq années durant, une maison de famille, un cercle ouvrier et une société de secours mutuels auxquels il adjoignit un bureau de placement pour les anciens élèves des écoles de Frères, à la demande de leurs amicales. Sans doute donna-t-il satisfaction dans cette tâche car il fut transféré en 1883 à l’école de Bonne-Nouvelle, 14 rue des Petits-Carreaux (2e arrondissement), avec une mission précise : l’organisation d’un patronage et d’un bureau destiné à apporter une aide morale et matérielle, ainsi qu’une orientation professionnelle, aux anciens élèves des Frères de Paris et aux membres de leurs patronages.
Bientôt, en accord avec les Frères Joseph (Jean-Marie Josserand), élu supérieur de l’Institut au chapitre de 1885, et Exupérien (Adrien Mas), provincial de France, le Frère Hiéron joua un rôle important dans la naissance du syndicalisme chrétien. Il eut l’idée de compléter le bureau de placement par un syndicat qui correspondrait bien, semblait-il, aux vues de Léon XIII. Le pape comptait sur la congrégation pour créer des organisations propres aux salariés. L’Association de Saint-Labre, société de persévérance, fondée en 1882, paraissait en mesure d’en fournir les cadres, et le recrutement trouverait un terrain propice dans les patronages animés par les Frères.
Après quelques mois d’hésitations et de sondages, la réunion constitutive eut lieu en présence de dix-sept jeunes gens dans l’immeuble de M. Pégat, 30 rue des Bourdonnais, où siégeait déjà l’Union des syndicats patronaux du commerce et de l’industrie. Le SECI était né : Syndicat des employés du commerce et de l’industrie. Pour y être admis, il fallait être, selon les statuts, employé catholique et de bonne réputation, parrainé par deux membres, agréé par le conseil, et décidé à observer le repos dominical. L’adhésion fut même soumise ensuite à l’appartenance active à une oeuvre catholique de persévérance.
Les débuts du SECI furent très difficiles. Son programme était alors des plus modestes : « Sécurité dans l’emploi, aisance dans la famille, élévation dans la position sociale ». De cent vingt adhérents au lendemain de sa création, il tombait à trente en 1889, et encore ne comptait-il que trois cotisants. L’année suivante, il se dotait néanmoins d’un bulletin bimensuel qui allait devenir L’Employé en 1901. Le Frère Hiéron avait lancé dès 1888 une mutuelle, « La Fraternité commerciale », pour la prise en charge des adhérents du syndicat, malades, accidentés ou au chômage. Divers services plus ou moins durables furent mis sur pied : service d’escompte auprès de certains magasins, restaurant coopératif servant plus de mille repas par jour rue Cadet, caisse de secours, cours du soir, bibliothèque, sous la présidence de Paul Baé, suivi de Georges Salvert en 1891, année du transfert rue des Petits-Carreaux.
Peu à peu, le syndicat s’affermissait et élargissait ses objectifs. En 1895, il dénombrait huit cents membres, tous parisiens, venant de la banque, des assurances et surtout des magasins de nouveautés (60 %). En 1896, il envoyait une délégation au congrès ouvrier chrétien de Reims. En 1898, il prêtait main forte à la création laborieuse de syndicats d’ouvriers catholiques, boulevard Poissonnière.
Le Frère Hiéron, « discret mais efficace », conduisit ses « petits employés » sur la voie d’un véritable syndicat. Il aida souvent à résoudre des conflits internes et intervint notamment pour renflouer les caisses de l’organisation lorsque celle-ci fut tentée, au risque de perdre son indépendance, d’accepter l’argent que lui offrait Léon Harmel. Les Frères n’entendaient ni contrôler, ni diriger, ni même orienter le syndicat. Edouard Verdin, qui présidait la commission d’études du SECI, a évoqué ses réunions : « Le Frère Hiéron disait la prière, puis s’asseyait quelque peu à l’écart du tapis vert, comme pour mieux souligner l’entière liberté de ses jeunes amis en leur domaine propre ». Le « Très Cher Frère » n’en eut pas moins un rayonnement intellectuel et moral d’une particulière intensité. Il influença, dans leur jeunesse, de fortes personnalités de la future CFTC, tels Jules Zirnheld et Gaston Tessier.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article81508, notice HIÉRON (Jean-Baptiste GIRAUDIAS, en religion Très Cher Frère) par André Caudron, version mise en ligne le 30 mars 2010, dernière modification le 20 mars 2017.

Par André Caudron

SOURCES : Archives FEC, Paris, renseignements communiqués par le Fr. Georges Authier, 27 avril 1995 — Notice nécrologique, FEC, 1905, 5 p. — Bulletin de l’Institut des Frères des Ecoles chrétiennes, n° 118, juillet 1949, p. 236-244 — Michel Launay, « Aux origines du syndicalisme chrétien en France », Le Mouvement social, n° 68, juillet-septembre 1969 ; La CFTC, origines et développement 1919-1940, Paris, Publications de la Sorbonne, 1986 — Edouard Verdin, Le Syndicat des employés du commerce et de l’industrie, Paris, L. Maretheux, 1896 ; Les Origines du syndicalisme chrétien en France : la fondation du Syndicat des employés du commerce et de l’industrie, 1887-1891, Paris, Spes, 1929 — L. Audray, L’Employé, Reims, Action populaire, brochure n° 24, 1904 — R.P. Stéphane-J. Piat, Jules Zirnheld, Paris, Bonne Presse, 1948 — Georges Hoog, Histoire du catholicisme social en France, Paris, Domat, 1946 — Pierre Pierrard, L’Eglise et les ouvriers en France (1840-1940), Paris, Hachette, 1984.

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