INGWEILLER Gaspard, Henri

Par Claude Pennetier, Benoit Willot, Guillaume Davranche

Né le 20 avril 1876 à Paris (XIIe arr.), mort le 8 mars 1960 à Montfermeil (Seine-et-Oise) ; ciseleur ; syndicaliste révolutionnaire.

Fils de Henry Ingweiller, gardien de la paix, et de Catherine Eberlein, matelassière, Gaspard était ouvrier ciseleur et habitait au 13, rue de la Roquette, à Paris 11e, quand il contracta un engagement volontaire pour cinq ans dans l’armée, le 24 avril 1894. Il fut incorporé au 2e régiment d’infanterie de marine, où il servit comme 2e canonnier servant, puis comme brigadier. Il servit au Sénégal de septembre 1894 à avril 1895, puis en Martinique de septembre 1895 à septembre 1898, et fut décoré de la médaille coloniale Sénégal et Soudan. Il fut rendu à la vie civile le 24 avril 1899, avec le certificat de bonne conduite.

Le 28 janvier 1904, il épousa Léonie Sales à Paris 19e.

Le 3 novembre 1904, suite à ’une période d’exercice au 2e régiment d’artillerie coloniale, il fut promu maréchal des logis.

Le 11 décembre 1907, le tribunal correctionnel de la Seine le condamna pour vol à un mois de prison avec sursis et 16 francs d’amende.

Devenu syndicaliste révolutionnaire et antimilitariste, Gaspard Ingweiller fut, de 1910 à juillet 1914, secrétaire du Syndicat des métaux de la Seine.

De janvier à avril 1910, il dirigea la grève de la société métallurgique du Bi-Métal à Joinville-le-Pont (voir Victor Bluche). Des incidents opposèrent jaunes et grévistes, et Ingweiller fut arrêté à Joinville le 12 avril. Des meetings de protestation furent organisés, dont un le 5 mai à la coopérative de Gravelle à Saint-Maurice, et un autre le 9 juin à la Maison commune de la rue de Bretagne, à Paris 3e.

C’était la grande époque du sabotage ouvrier et, durant l’été, un « comité révolutionnaire secret de la région de Joinville » revendiqua la coupure de 795 lignes téléphoniques et télégraphiques lors d’actions conduites du 8 au 28 juillet 1910 pour « protester contre l’arrestation arbitraire du camarade Ingweiller [et] les poursuites scandaleuses engagées contre le comité de grève du Bi-Métal ».

Le 28 juillet 1910, le tribunal correctionnel condamna huit grévistes à des peines allant de quinze jours de prison avec sursis à un mois de prison ferme. Ingweiller, lui, écopa de six mois fermes pour « port d’arme prohibé et entrave à la liberté du travail ». Cette condamnation lui valut en outre d’être cassé de son grade de brigadier au sein de l’armée, le 2 mars 1911.

Délégué au congrès confédéral CGT d’octobre 1910 à Toulouse, il dénonça le projet gouvernemental de retraites ouvrières par capitalisation, le qualifiant d’« immense bluff » et d’« immense escroquerie ».

En 1911-1912, à la faveur de la montée vers la guerre, le Syndicat des métaux de la Seine radicalisa ses positions antimilitaristes et même antipatriotes. En juillet 1912, il publia un tract appelant à l’insoumission des jeunes menacés par la loi Berry-Millerand, et invitant les femmes à faire la « grève des ventres ».

Les 24 et 25 novembre 1912 Ingweiller fut délégué au congrès extraordinaire de la CGT contre la guerre, à Paris. Il s’y distingua en distribuant, avec Henry Combes, une motion quasi anarchiste du Syndicat des métaux de la Seine, qui préconisait l’édition de manuels de sabotage et, en cas de mobilisation, le soulèvement des syndicats et la grève générale ; l’ordre d’insoumission aux syndiqués ; la formation de « groupes secrets de compagnons sûrs » pour passer à l’action ; la réquisition ou la destruction des rotatives de la presse bourgeoise.

Début 1913, Ingweiller participa à la campagne pour le droit d’asile orchestrée par la Fédération communiste anarchiste et par le Comité de défense sociale pour défendre une partie des inculpés de l’affaire Bonnot. Le 10 février, aux côtés d’Eugène Jacquemin, Sébastien Faure et Georges Yvetot, il prit la parole au meeting du CDS salle des Sociétés savantes, devant 1.500 personnes.

Du 8 au 11 septembre 1913, délégué au congrès de la fédération des Métaux, Ingweiller, délégué par le syndicat de la Seine, apparut comme un des principaux opposants à la direction d’Alphonse Merrheim. Il combattit l’augmentation des cotisations et prôna la non-rééligibilité des permanents syndicaux. Largement battu, le Syndicat des métaux de la Seine mena alors, les mois suivants, une véritable guérilla contre le bureau fédéral des Métaux.

Le 11 janvier 1914, Ingweiller fit voter à l’assemblée générale du syndicat de la Seine l’exclusion de son membre le plus connu, Alphonse Merrheim, provoquant une crise dans toute la CGT. En mai, la fédération des Métaux lança un référendum interne en vue de la radiation du syndicat de la Seine. Mais avant que celui-ci n’aboutisse, le syndicat décida, le 18 mai 1914, de quitter la CGT. En juillet, Maurice Boissard en fut élu secrétaire en remplacement d’Ingweiller.

Quand la guerre éclata, Gaspard Ingweiller n’était donc plus militant de la CGT. Il fut mobilisé le 4 août 1914 dans le groupe territorial du 32e régiment d’artillerie, puis, le 14 décembre 1914, passa au 11e régiment de dragons. Le 1er décembre 1915 il fut muté au 19e régiment de dragons où, en mars 1916, il était affecté à la conduite des chevaux blessés à Robert-Espagne (Meuse).

Le 3 avril 1916 il fut détaché à l’usine Renault de Billancourt. Il était alors réputé soutenir l’union sacrée. Il fut démobilisé le 29 janvier 1919.

Pierre Monatte, dans Trois scissions syndicales (Paris, 1958, p.149), voyait en Gaspard Ingweiller « un des exemplaires types de ces révolutionnaires qualifiés de “braillards” par Griffuelhes un peu avant 1914 ».

Dans les archives, on le trouve parfois sous le nom Ingwiller, voire Incgveiller.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article81605, notice INGWEILLER Gaspard, Henri par Claude Pennetier, Benoit Willot, Guillaume Davranche, version mise en ligne le 30 mars 2010, dernière modification le 25 novembre 2022.

Par Claude Pennetier, Benoit Willot, Guillaume Davranche

SOURCES : État civil et Registres matricules de Paris. —Arch. Nat. F7/13053. — L’Humanité, 3 février 1910 et 9 février 1910. — Le Petit Parisien, 13 avril 1910. — La Croix, 29 juillet 1910. — Émile Pouget, Le Sabotage, Marcel Rivière, 1911. — Guillaume Davranche, Trop jeunes pour mourir. Ouvriers et révolutionnaires face à la guerre (1909-1914), L’Insomniaque/Libertalia, 2014.

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