JOUY Jules

Né à Paris, quartier de Bercy, le 12 avril 1855 ; mort à Paris le 17 mai 1897 ; chansonnier, créateur de la chanson politique ; collaborateur du Cri du Peuple de Jules Vallès et d’autres périodiques socialistes.

Type parfait de l’autodidacte, Jouy avait commencé à travailler chez son père, boucher, puis était entré chez un émailleur, avait, croit-on été apprenti-relieur et, tout jeune, était déjà versificateur. Il débuta au Tintamarre et fut, avec Émile Goudeau, des « Hydropathes ». Il suivit Goudeau au « Chat Noir » qui devait bientôt faire, grâce à eux, la renommée de Montmartre.
Dès qu’il eut abordé la chanson, Jouy ne quitta plus ce domaine. Après les tours de chant des cafés, entre soi, ce fut le Café concert. Il demeura longtemps un de ses fournisseurs les plus importants. Tout jeune, il était allé voir Paulus, lui apportant une chanson qui, du jour au lendemain, lui valut une sorte de gloire : c’était Derrière l’omnibus, que le célèbre diseur lança... Jouy avait trouvé sa voie ; il travailla simultanément pour Thérésa, Yvette Guilbert, Aristide Bruant, plus qu’on ne le suppose. Jouy fit des chansons aussi pour Kamm’Hill, Polin, Sulbac, Anna Judic, Maurel, et toutes les célébrités de Caf’ Conc’ (outre des monologues pour Coquelin et d’autres). Il eut la chance de ne pas sombrer dans la confection de pacotille, sut transporter sa muse dans la lutte et fut d’une manière effective le premier à avoir l’idée de « la Chanson du jour », sortant durant des années une chanson quotidienne dans Le Cri du Peuple de Vallès.
Ces chansons politiques, chroniques de la vie sociale au jour le jour, étaient d’un militant, non d’un amateur. Il s’y donnait avec passion et lorsque Le Cri du Peuple fut en proie à la crise boulangiste, Jouy quitta sans hésiter son quotidien qu’il aimait et porta ses chansons de bataille au Paris et au Parti ouvrier qui menaient contre « la Boulange » une campagne énergique.
Henry Bauër saluait cette entrée de Jouy au journal guesdiste et prophétisait, dans L’Écho de Paris du 30 avril 1888 : « La renommée du général s’est faite en chansons, c’est par des chansons virulentes, audacieuses, inspirées, que Jouy travaille à l’anéantir. Pourra-t-on répéter encore le vieux mot, que « tout finit par des chansons ? »
Ce fut en partie vrai. Les chansons de Jouy contre Boulanger et ses amis, « contre la dictature et ses meneurs », écrivait Henry Bauër, furent parmi les armes les plus efficaces contre ce mouvement nationaliste. Les chansons d’ailleurs sont le document qui restitue le mieux le climat équivoque de cette agitation de parade. En avril 1889, le général fuyait un mandat d’arrêt lancé contre lui et, réfugié à Bruxelles, s’y suicidait le 30 septembre 1891.
Jouy mourut fou ; il traînait depuis des ans une mégalomanie avec tendance aux idées délirantes. Condamné depuis deux ans au silence, Jules Jouy, mort au monde en fait, comme dit son meilleur biographe Pierre Dufay (cf. Mercure de France 1939, t. II), acheva de mourir le 17 mai 1897.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article81817, notice JOUY Jules , version mise en ligne le 30 mars 2010, dernière modification le 29 mars 2019.

ŒUVRE : Outre les journaux déjà mentionnés, Jouy collabora au Rire, au journal Le Chat noir, au supplément du Figaro, etc. Ses œuvres ont été éditées en deux gros recueils et deux petits volumes : Chansons de l’année, 1886-1887, 1888, Chansons de bataille, 1888, La Muse à Bébé, 1893 et La Chanson des Joujoux (chansons pour enfants).
Un numéro spécial des Chansonniers de Montmartre, préfacé par Jean Pascal, contient douze chansons, et est illustré par Grandjouan, 1906.
Dans l’amas des chansons de Jules Jouy, il y a quelque rebut : les monologues et les scies. Citons quelques chansons qui ont fait de lui un des plus parfaits poètes sociaux du XIXe siècle : Les trop connus, L’Accapareur, L’Asile, Le Paralytique, La Terre, Un Bal chez le Ministre, Le Sang des Martyrs, La Chanson des ouvriers, Les Sergots, La Veuve, Fille d’ouvrier, etc.
À titre d’exemple, voici quelques strophes du Sang des Martyrs :
Croyant étrangler les pensées,
Les bourgeois pendent les penseurs...
Malgré les potences dressées,
Les pendus ont des successeurs.
Vous pouvez viser les idées
Et les abattre dans vos tirs,
Elles grandissent, fécondées
Par le sang des martyrs.
C’est par vous que, couvrant la plaine,
Pousse la moisson de demain.
C’est par vous que la gerbe est pleine
D’épis gras pour le genre humain.
L’idole dans son temple immense
Grandit par la mort des fakirs.
Les semeurs, c’est vous ; la semence,
C’est le sang des martyrs.
Le Cri du Peuple, 14 novembre 1887.

SOURCE : D’après des notes communiquées par Henry Poulaille.

ICONOGRAPHIE : H. Valbel, Les Chansonniers et les cabarets artistiques de Paris, Bibl. Nat. 8° Ln 9/246, p. 143.

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