LAMBERT-HAMAIDE Jean Léon [LAMBERT Jean-Baptiste, dit Jean Léon]

Par Henri Manceau, Justinien Raymond

Né le 6 mai 1852 à Fumay (Ardennes), mort le 15 février 1912 à Fumay ; ouvrier ardoisier ; militant socialiste et maire de Fumay.

Fils de Joseph Lambert, ardoisier, 27 ans et de Jeanne Clarisse Lio, 38 ans, sans profession,Jean-Baptiste Lambert se fit connaître sous le prénom de Jean Léon et le nom de Lambert-Hamaide était fendeur à la compagnie Sainte-Anne, société d’ardoisiers de Fumay dont le directeur-gérant était le Belge Brassard. Les ouvriers des ardoiseries ardennaises s’éveillèrent de façon précoce aux luttes sociales. En juillet 1875, les ouvriers de la Compagnie Sainte-Anne se mirent en grève et participèrent à une journée qui tourna à l’insurrection pour protester contre l’introduction d’une machine par le directeur Brassard. La machine fut détruite. Treize ouvriers furent poursuivis devant le tribunal correctionnel, trois autres passèrent en Belgique. dont Lambert-Hamaïde.
Il fut un des pionniers du syndicalisme à Fumay. En juin 1891, il entraîna les ardoisiers et ardoisières de la Compagnie Sainte-Anne à lutter contre les procédés du directeur Brassard qui, jouant sur une classification des roches, avait découvert un moyen de faire baisser les salaires. Mais en cette période de flambée d’anarchie, quelques troubles nuisirent au mouvement. Le syndicat se désagrégea, tandis qu’un syndicat catholique, inspiré par les autorités religieuses et agréé par le patron, se développa. Lambert-Hamaide n’en continua pas moins son action non seulement parmi ses camarades de travail, mais aussi au sein des corporations voisines. En 1899, il contribua à la fondation du syndicat des mouleurs. Son action déborda Fumay : en 1901, il soutint les ardoisiers de Rimogne en grève. Il dut finalement s’installer cabaretier à Fumay, tant son activité corporative lui rendait difficile le séjour à l’entreprise. Elle se doublait d’ailleurs d’une activité socialiste révolutionnaire qui le désignait comme une cible.
En 1886, il était secrétaire du syndicat des ouvriers ardoisiers de Fumay qui adhéra, le 1er février de l’année suivante, à la Fédération des Travailleurs socialistes des Ardennes. Il accompagna souvent J.-B. Clément lors de ses tournées de propagande dans le doigt de Givet et contribua à la naissance des chambres syndicales de Guéd’Hossus et de Foisches.En 1888, il y fut élu conseiller municipal. Il proposa au conseil d’allouer une somme de 500 F en faveur des pauvres et de leur distribuer un pain et une livre de viande pour célébrer le centenaire de la Révolution. La majorité rejeta sa proposition, elle vota néanmoins une somme de 100 F, ce qui fit dire à Lambert-Hamaïde : « 89 est à recommencer, mais cette fois non à l’avantage d’une classe mais de la société toute entière ». Il tenait une place assez grande dans la fédération pour être délégué à Châtellerault au congrès national possibiliste (10-14 octobre 1890), en compagnie de Grippon et de J.-B. Clément. C’est sur le refus de valider leurs mandats qu’éclata la scission amorcée dans la FTSF. Non sans protester, Lambert-Hamaide et ses deux camarades se retirèrent « d’un congrès où les questions personnelles devaient tenir plus de place que les questions qui intéressent les travailleurs » (Hubert-Rouger, op. cit., p. 12).
Aux côtés de J.-B. Clément, Lambert-Hamaide organisa la fédération ardennaise du POSR née de la scission de Châtellerault. Il consolida sa position politique à Fumay. Aux élections municipales de 1892, il conduisit la liste du POSR à Fumay : il fut réélu avec sept autres candidats socialistes.Vainqueur aux élections municipales de 1896 en tête d’une liste ouvrière, il devint maire de la ville et le demeura jusqu’en 1908. Anticlérical comme un bon allemaniste qu’il était, il mena la lutte contre l’Église dans sa commune au temps de la laïcisation », notamment celle de l’école communal des filles et le refus de création de deux écoles libres (le 28 septembre 1896), l’interdiction de processions de toute nature à caractère privé comme à caractère religieux dans la commune (18 janvier 1897). Dans le domaine scolaire et social, il mena une politique ambitieuse : création d’un cours complémentaire (1896) et d’une école de dessin géométrique et d’ornement (1899), gratuité des fournitures scolaires (1900), fondation d’un hôpital à assistance médicale gratuite (1900). Mais il s’attacha surtout à imposer aux compagnies ardoisières des conditions plus favorables à la ville et aux salariés. La commune, propriétaire du tréfonds, perçoit sur la production des compagnies une redevance qui lui permet d’en évaluer le profit. À chaque renouvellement du contrat de concession, elle peut en aménager les conditions. À Fumay, le premier contrat remontait à 1764. Au renouvellement de 1897, la municipalité ouvrière de Lambert-Hamaide obligea la compagnie à de substantielles concessions. Une ardoise sur trente sera remise à la ville, ou bien ce trentième de la production sera versé en espèces. Dans la commune ardoisière de Haybes, administrée par une municipalité conservatrice, la redevance était d’une ardoise sur cinquante-trois. Mais la grande nouveauté du contrat de 1897 était de fixer des limites de base aux salaires ouvriers, de donner des garanties aux vieux travailleurs des carrières, aux chômeurs, aux victimes d’accidents du travail. À ces derniers étaient assurés la moitié du salaire quotidien et les soins gratuits. Le contrat se préoccupait aussi de l’incidence qu’aurait sur les salaires l’introduction de machines. Conseiller prud’homal de 1891 à 1900.
En 1898, la fédération des Ardennes présenta la candidature de Lambert-Hamaide aux élections législatives dans l’arr. de Rocroi. Il recueillit 2 480 voix. En 1899, il participa au premier congrès général des organisations socialistes françaises à Paris, salle Japy. Il portait les mandats cumulés du groupe socialiste de Fumay, des syndicats des métallurgistes des Mazures et des ardoisiers de Rimogne, de la circonscription de Fumay.
En 1902, avec l’ensemble de la fédération ardennaise, Lambert-Hamaide adhéra au PSF. En 1903, il fut élu et en 1907, avec 1 901 voix, réélu au conseil d’arr. par le canton de Fumay. Il y siégeait encore à sa mort.

Il s’était marié le 28 sptembre 1872 avec Adèle Martin (décédée le 14 juin 1881) puis le 3 décembre 1881 avec Marie Henriette Hamaide (d’où le nom de Lambert-Hamaide, les listes de candidats aux élections municipales prouve que le double nom était un pratique courante à Fumay).
Décédé le 12 février 1912, Lambert-Hamaide eut des funérailles grandioses dont témoigne une photo.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article82051, notice LAMBERT-HAMAIDE Jean Léon [LAMBERT Jean-Baptiste, dit Jean Léon] par Henri Manceau, Justinien Raymond, version mise en ligne le 30 mars 2010, dernière modification le 24 avril 2018.

Par Henri Manceau, Justinien Raymond

Victoire socialiste à Fumay
Victoire socialiste à Fumay
Funérailles de Lambert-Hamaide
Funérailles de Lambert-Hamaide

SOURCES : Arch. Mun. Fumay. — Poggioli, Vingt ans d’évolution économique et sociale des ardoisières de Fumay (1919-1939). Mémoire de normalien, 1953. — Garand, « Lambert-Hamaide » in Le Réveil ardennais, décembre 1948. — Hubert-Rouger, Les Fédérations socialistes II, op. cit., p. 12 à 18, passim.— Didier Bigorne (sous la dir. de), Terres ardennaises, n° spécial, n°46 : Visages du mouvement ouvrier, Mars 1994. — État civil. — Notes de Jean-Claude Soudant.

ICONOGRAPHIE : Caricature de Tristan de Pyègne in Guide des Ardennes, 1899 « L’maire de Fumay », maigre, criant, la besace sur l’épaule, Le Père Peinard sous le bras.

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