ROLDES Maxence [ROLDES Jean, Baptiste, Maxence]

Par Justinien Raymond, Madeleine Rebérioux

Né le 13 septembre 1867 à Brantôme (Dordogne), mort le 21 mai 1958 à Thorigny-sur-Marne (Seine-et-Marne) ; cheminot employé ; journaliste ; militant socialiste de l’Yonne ; député (1932-1942).

[Assemblée nationale, Notices et portraits, 1936]

Fils de François Roldes, employé de la Compagnie du Chemin de fer, et de Marie Bertrand, sans profession, Maxence Roldes n’acheva pas ses études secondaires commencées au lycée de Périgueux qu’il quitta à l’âge de quatorze ans pour gagner sa vie comme employé de commerce avant de devenir, à Paris, en 1885, commis expéditionnaire à la Compagnie d’Orléans, il est par ailleurs propriétaire d’une petite boulangerie. De 1887 à 1890, il fit son service militaire.

C’est alors que commença une longue vie de militant, de journaliste et de propagandiste du socialisme et aussi de candidat, longtemps malheureux, à divers mandats électoraux. Après un bref passage au Parti ouvrier, avril-octobre 1893, il rallia le POSR dans le XIe arr. de Paris et se trouva donc dans le sillage d’Allemane bien qu’il ait été conduit à l’idée socialiste par la lecture du Socialisme intégral de Benoît Malon, qu’il ait été en rapport avec lui, et son collaborateur à la Revue socialiste où d’ailleurs il défendait Marx qui n’y était pas en odeur de sainteté. Selon Offerlé, il fut exclu du POSR en novembre 1893 pour s’être porté candidat dans le XIIIe arr. lors d’une élection partielle (Offerlé indique une autre source où Roldes parlait d’une démission consécutive à des discussions stériles au sein du groupe du XIe qui lui avait préféré Ranvier lors des municipales de 1893). Il devint socialiste indépendant avant de suivre Groussier à l’Alliance communiste révolutionnaire, groupement dissident qui, malgré son autonomie, gravitait dans le courant du blanquisme. Mais, toujours, il demeura un publiciste fécond, un propagandiste infatigable à l’éloquence abondante, à la voix grave détachant bien les syllabes, roulant les r. Pendant plus de quarante ans, lui qui devait, avec l’âge, devenir imberbe, glabre et chauve comme un clergyman, il promena à travers la France, sur les tréteaux des réunions publiques, sur les champs de grève où il allait encourager à la lutte, une barbe de fleuve et des cheveux abondants. Ce faisant, il n’améliorait certes pas sa situation matérielle de père de cinq enfants, et, en 1890-1891, il donna des leçons de mathématiques et d’histoire, participa à des œuvres postscolaires tout en assurant son service d’employé des chemins de fer. Son esprit ne manquait pas d’ailleurs d’un certain côté fantasque : en 1890, il songea à créer au Paraguay une coopérative agricole dont il destinait les revenus à la propagande socialiste en France. Il négocia avec les représentants du gouvernement paraguayen et réunit quelque trois cents volontaires. Vaillant, auquel il s’en ouvrit, lui fit renoncer à ce projet. À défaut du Chaco, il continua donc à défricher les terres françaises pour les convertir au socialisme.

Maxence Roldes parcourut à peu près tout le pays. Il était toujours sur la brèche. Un orateur désigné pour une réunion faisait-il défaut, on faisait appel à Maxence Roldes. Ainsi alla-t-il un jour de 1898 au Kursaal de Besançon contredire, au pied levé, le député d’Alger Sabatier qui devait traiter dans une réunion du parti radical de la « défense de la propriété ». La « déception momentanée » (cf. Henri Perrin, op. cit.), des socialistes bisontins à l’annonce de cet orateur non sollicité se transforma en enthousiasme devant une contradiction qui « fut un triomphe » et devant un « auditoire composé exclusivement de radicaux... conquis de haute lutte » (ibid.). Il fut d’ailleurs poursuivi pour avoir fait, à Besançon, l’apologie de la Commune : on était en plein mélinisme. Le lendemain, il fut à Morteau, le surlendemain à Montbéliard et les blanquistes du Doubs en firent leur délégué à Paris. En 1899, La Petite République et le Parti Socialiste Révolutionnaire l’envoyèrent comme reporter et comme militant aux grèves du Creusot et de Montceau-les-Mines. S’il sut exalter les ouvriers, il eut aussi le courage de s’interposer et d’éviter une effusion de sang, un jour de tension extrême, entre une troupe qui avait fait les premières sommations et une foule emportée. De cette expérience, il tira la leçon à Paris, salle Japy, au premier congrès général des organisations socialistes où il représentait deux groupes du Doubs, l’Union socialiste d’Audincourt et le Comité d’Union socialiste de Montbéliard. Il se prononça contre la participation ministérielle pour ne pas risquer de lier un socialiste à l’inévitable politique de classe d’un gouvernement bourgeois. Entre ces missions provinciales et il y en eut bien d’autres, notamment en Meurthe-et-Moselle, Maxence Roldes militait de façon continue dans la Seine et en Seine-et-Oise. Il finit cependant par s’attacher au département de l’Yonne où le conduisirent en 1899 les hasards du journalisme qu’il finit par exercer professionnellement. M. Gallot, député radical de ce département lui offrit le poste de rédacteur en chef de son journal L’Yonne dans lequel il lui serait loisible d’exposer la doctrine socialiste. Il se fixa à Auxerre et multiplia les conférences dans la région. Le 22 décembre 1899, le commissaire de police d’Auxerre, apparemment socialiste plus convaincu que Roldes, appréciait ainsi la conférence que ce dernier venait de faire sur « Idéalisme républicain et Socialisme » : « Langue châtiée, trop châtiée, car on entend la leçon apprise. Le mot est brillant, les images abondent, les antithèses vibrent. La phrase se déroule harmonieusement sonore, mais on la sent creuse. Ce n’est pas l’appel puissant, douloureux, qui fera avancer d’un pas vers le socialisme » (Arch. Dép. Yonne, III MI / 315). En mars 1900, ne s’estimant pas assez libre, il renonça à l’Yonne et entra au Petit Sou. Il poursuivit néanmoins sa vie militante dans le département. Après quatre ans de lutte angoissante pour la vie, il se résolut à accepter à nouveau l’aide d’un radical, sous la forme d’une place de secrétaire au ministère de la Guerre avec Maurice Berteaux. Le cabinet Rouvier, où Berteaux était ministre, dura du 24 janvier 1905 au 18 février 1906 : c’était la première année de semi-sécurité dans la vie militante de Maxence Roldes.

Maxence Roldes rentra alors dans l’appareil permanent de la SFIO dont il était naturellement membre depuis l’unité. De 1906 à 1912, il fut délégué permanent du Parti à la propagande : nul n’était mieux fait que lui pour ce poste en raison de son dévouement, de sa connaissance des milieux les plus divers et de son éloquence. En février 1912, il entra au secrétariat du groupe parlementaire socialiste. Il collaborait aussi régulièrement à l’Humanité : c’est lui qui y conduisit à l’automne de 1910 une longue campagne contre la vie chère dans le cadre de l’agitation que menait sur ce thème le Parti socialiste. Ces fonctions officielles facilitaient la confiance que de nombreuses fédérations mettaient en lui. Il représenta la Seine-et-Oise au congrès national de Limoges (1906), l’Ariège à Toulouse (1908), la Corrèze à Saint-Étienne (1909), la Corrèze et le Doubs à Nîmes (février 1910), le Doubs à Paris (juillet 1910), la Haute-Saône à Saint-Quentin (1911), la Corrèze et les Hautes-Pyrénées à Lyon (1912), le Maine-et-Loire à Brest (1913), Alger et Oran à Amiens (1914). Membre de la CAP de 1906 à 1907, il y rentra à nouveau en 1910 et devint secrétaire adjoint du Parti, fonction qu’il conserva jusqu’à la guerre.

Aussi ses campagnes électorales n’eurent-elles le plus souvent pas comme objectif de lui assurer le succès. En toute circonstance, il restait le délégué à la propagande. Il en avait été ainsi dès ses premières campagnes pour le conseil municipal de Paris. Il y échoua deux fois : dans le quartier Saint-Vincent-de-Paul (Xe arr.) en 1896 avec 1 070 voix sur 7 875 inscrits, et dans le quartier de la Folie-Méricourt (XIe arr.) en 1900 avec 2 067 suffrages sur plus de 11 000 inscrits. Aux élections partielles en 1894, candidat indépendant, il obtint 7,9 % dans le quartier Croulebarbe ; en 1899, candidat de l’ACR, il obtint 10,55 % dans le quartier de la Porte-Saint-Martin. Il se présenta également cinq fois aux élections législatives avant la guerre et il fut cinq fois battu. Le 8 mai 1898, dans la 2e circonscription du Xe arr. de Paris (Porte Saint-Denis et Porte Saint-Martin) il obtint 1 835 voix contre Henri Brisson élu par 6 916 voix. En 1902, dans la 1re circonscription d’Auxerre, il rassembla 2 105 voix. En 1906, dans la 2e circonscription de Corbeil (Seine-et-Oise), il atteignit 4 080 voix. En 1912, dans l’arr. de Tonnerre (Yonne), il passa grâce au désistement du radical (qui le dépassait pourtant de cent voix au premier tour) de 2 210 à 4 381 suffrages, mais Perreau-Pradier, le candidat de la droite, en recueillit 5 038 et fut élu. En 1914 enfin, dans la même circonscription, il augmenta encore, tant au premier tour (4 380) qu’au second (4 786) le nombre de ses voix, mais sans parvenir à arriver en tête : un déplacement de 90 voix et il l’emportait !

Au lendemain de la guerre, il demeura un militant de la fédération de l’Yonne. En 1928, candidat aux élections législatives dans la 2e circonscription de Joigny-Tonnerre, il groupa 4 006 voix contre 5 828 au modéré Perreau-Pradier élu au premier tour, sur 12 431 inscrits. En 1932, il passa dans la 1re circonscription de Joigny-Tonnerre. Sur 22 678 inscrits, il vint en tête ; grâce à une double candidature radical-socialiste et au scrutin de ballottage, il battit le député sortant Roche par 10 076 voix contre 8 531. Il conserva ce siège en 1936, au second tour, contre le même adversaire par 9 997 suffrages contre 8 144 sur 22 282 inscrits. Il était alors rentré à la SFIO après une brève dissidence dans le Parti dit néo-socialiste de Marcel Déat (novembre 1933) qu’il quitta pour avoir autorisé l’entrée d’Adrien Marquet dans le cabinet Doumergue « aux côtés d’hommes contre lesquels le parti s’est dressé, écrivit-il, non seulement sur le terrain politique, mais aussi sur celui de la moralité » (Le Populaire, 15 février 1934). Au cours de cette législature d’avant-guerre, Maxence Roldes présida le groupe parlementaire de la Coopération. Militant et élu d’une fédération rurale, il s’intéressait surtout à la coopération agricole. Il rapporta en 1936 la loi Chanal réglant les relations entre la Fédération nationale de Coopératives de consommation et l’Union des Coopératives agricoles.

Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, pour avoir voté, le 10 juillet 1940 à Vichy, les pleins pouvoirs au maréchal Pétain, Maxence Roldes fut exclu du Parti socialiste SFIO reconstitué au congrès de Paris (9-12 novembre 1944). Sa vie politique active était terminée. Cependant, en 1956, âgé de 89 ans, rentré au Parti socialiste, il fit encore campagne en faveur des candidats de la SFIO. Il devait mourir deux ans plus tard.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article8236, notice ROLDES Maxence [ROLDES Jean, Baptiste, Maxence] par Justinien Raymond, Madeleine Rebérioux, version mise en ligne le 3 septembre 2014, dernière modification le 19 avril 2023.

Par Justinien Raymond, Madeleine Rebérioux

[Assemblée nationale, Notices et portraits, 1936]

ŒUVRE : Maxence Roldes a collaboré aux journaux et revues suivants : L’Indépendant (de Bergerac) et La Revue socialiste, (en 1891), — La Commune qu’il fonda en juillet 1893, — L’Idée socialiste qu’il fonda et dirigea — Le Parti ouvrier, organe allemaniste. — La Petite République. — L’Yonne. — Les Hommes du Jour. — Le Petit Sou. — L’Action. — L’Humanité. — Le Populaire de Paris.

SOURCES : Arch. Nat. C. 5361, dossiers électoraux. — Arch. Ass. Nat., dossier biographique. — Arch. PPo. B a/ 1068 (rapport de police du 12 décembre 1897). — Arch. Dép. Saône-et-Loire, 41 M 6. — Arch. Dép. Yonne, III M 1/ 135. — Barthélemy Mayeras, « Maxence Roldes », in Les Hommes du Jour (n° du 27 avril 1912). — Congrès général des organisations socialistes (décembre 1879), op. cit, (p. 199-207 ; 431). — Hubert-Rouger, La France socialiste, op. cit., (p. 104-105 ; 108 ; 112) et Les Fédérations socialistes III, op. cit., (p. 172, 184, 259). — Louis Lévy, Vieilles histoires socialistes (p. 5 à 52, passim). — Henri Perrin, document dactylographié à la Bourse du Travail de Besançon. — Parti socialiste SFIO, Les décisions du congrès national extraordinaire... Paris (9-12 novembre 1944), p. 16. — Collections de l’Humanité et du Populaire. — Michel Offerlé, Les socialistes et Paris, 1881-1900. Des communards aux conseillers municipaux, thèse de doctorat d’État en science politique, Paris 1, 1979. — État civil en ligne cote FRAD024_5MI04808_041_0018_2.

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