LEFOL Émile, Pierre

Par Justinien Raymond

Né et mort à Montbard (Côte-d’Or), 9 juillet 1852-29 avril 1918 ; hôtelier ; militant socialiste de la Côte-d’Or ; député républicain socialiste de ce département (1910-1918).

Émile Lefol travailla comme cuisinier dans divers restaurants de Paris, puis, marié, s’établit restaurateur et hôtelier à Montbard (Côte-d’Or). Il y adhéra à la Libre Pensée et, en 1894, il était président du Comité radical-socialiste du canton en un temps où un tel groupement rassemblait tous les républicains de tendance socialiste. En juillet 1894, il présida une réunion publique donnée par deux députés socialistes. En juillet 1895, il se présenta au conseil d’arr. dans le canton de Montbard et échoua, mais il fut élu en 1901. Il était alors adhérent de la fédération socialiste de la Côte-d’Or et, avec elle, il entra en 1905 à la SFIO.
Pour pourvoir au siège devenu vacant dans l’arr. de Semur par la mort du député Debussy, la fédération socialiste posa la candidature de Lefol le 14 octobre 1906. Il y avait trois autres candidats de gauche. Au premier tour, bénéficiant de voix de droite qui visaient le favori radical-socialiste Gérard Varet, Lefol vint en deuxième position avec 3 197 voix, soit 21 % du nombre des inscrits dans l’arr., et 42 % à Montbard. Malgré la présence d’un candidat nouveau de droite, Lefol, maintenu au second tour de scrutin, s’éleva à 4 074 voix contre 5 915 à Gérard Varet, élu, et 4 177 au libéral Benoist. En 1907, Lefol fut réélu conseiller d’arr. et, en mai 1908, il fut élu conseiller municipal et maire de Montbard.
Bientôt, un conflit l’opposa aux conseillers socialistes touchant l’administration municipale et, le 24 avril 1909, il fut exclu de la section socialiste de Montbard. C’est comme républicain-socialiste qu’il se présenta à une élection partielle au conseil général en décembre. Le Rappel socialiste, à cette occasion, affirma que « le mot de socialisme n’a pas écorché sa bouche depuis de longs mois » (18 décembre 1909). En 1910, Lefol posa sa candidature comme socialiste indépendant aux élections législatives dans l’arr. de Semur. Le 28 avril, la fédération socialiste SFIO, « considérant que Lefol a été exclu du groupe socialiste de Montbard le 24 avril 1909, n’a pas fait appel, s’est déclaré partisan de toutes les libertés et adversaire de tous les monopoles, déclare qu’elle est étrangère à la candidature Lefol et laisse à celui-ci toute la responsabilité de sa conduite et de son attitude » (R. Long, op. cit., p. 102, n. 18). Lefol, soutenu par Le Bien public, organe de la droite catholique, rassembla 4 632 voix contre 5 834 au député sortant Varet et 2 462 au radical-socialiste Boisseau, soutenu par les socialistes. Au second tour, grâce à des voix de droite, au report d’électeurs de Boisseau malgré l’hostilité de ce dernier, Lefol fut élu par 7 611 suffrages sur 17 485 inscrits contre 6 408 à Gérard Varet. Le Rappel socialiste du 21 mai, sous la plume de Jean Gaumont, accusa le nouveau député de Semur d’avoir été élu avec les voix cléricales sur un programme antisocialiste et, en juin 1910, le congrès fédéral le flétrit comme un renégat du Parti socialiste. Il fut des 30 députés qui adoptèrent le 7 juin, la déclaration de principes à la base du groupe républicain socialiste constitué le 5 juillet 1910 et adhéra au parti fondé l’année suivante. Par ses votes, notamment contre la loi militaire des trois ans, il se rangea derrière Victor Augagneur contre Aristide Briand, une opposition à l’origine de la scission du parti en novembre 1913. Avec sa fédération de la Côte-d’Or, il participa au congrès tenu à Paris le 8 février 1914 pour rebâtir un parti républicain socialiste visant à être la charnière d’un bloc des gauches réunissant socialistes SFIO et radicaux socialistes. Cette orientation ne se traduisit pas dans sa circonscription aux élections législatives des 26 avril et 10 mai 1914. Lefol recueillit 3 895 voix au premier tour contre 5 140 au Dr Poillot, radical-socialiste soutenu par la fédération socialiste SFIO. Les journaux de droite qui l’avaient boudé le recommandèrent vivement pour le scrutin de ballottage et il l’emporta par 6 695 voix sur 16 918 inscrits contre 6 434. Au cours de ses deux législatures, Lefol siégea aux commissions du Commerce, de l’Industrie et du Travail.
Quand il mourut, à soixante-cinq ans, les conditions de ses succès politiques semblèrent oubliées. Le Rappel socialiste salua en lui un vieux républicain qui, même après son exclusion, avait « conservé de solides sympathies au parti et dans la classe ouvrière », un « libre penseur convaincu » qui « n’a jamais failli à la démocratie » et « aimait passionnément la République » (4 mai 1918).
À ses obsèques, Barabant, au nom de la Libre Pensée, fit l’éloge d’« un bon citoyen, un parfait honnête homme et un loyal camarade ». « Bon et brave homme, peu instruit et mal renseigné », ainsi le jugea Jean Gaumont. ILl repose au cimetière de Montbard.
Lefol appartint, en effet, à cette catégorie de militants venus au socialisme comme à un républicanisme d’avant-garde et qui l’abandonnent, l’intérêt électoral aidant, quand s’imposent des considérations doctrinales auxquelles ils sont toujours restés étrangers.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article82380, notice LEFOL Émile, Pierre par Justinien Raymond, version mise en ligne le 30 mars 2010, dernière modification le 5 juin 2022.

Par Justinien Raymond

SOURCES : Arch. Ass. Nat., dossier biographique. — Hubert-Rouger, Les Fédérations socialistes II, op. cit., pp. 57-58. — R. Long, Les Élections législatives en Côte-d’Or, Paris, 1958, 295 p. (pp. 102, 111, 112). — Yves Billard, Le Parti républicain socialiste de 1911 à 1934, thèse, histoire, Paris 4, 1993.

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