Né et mort à Nevers (Nièvre), 11 mars 1858-10 avril 1912 ; ouvrier menuisier à Nevers ; militant syndicaliste actif : « son patron n’a pas à se plaindre de son travail » (rapport de police).
Louis Legros apparaît en pleine lumière à partir des années 1890 ; mais antérieurement il menait déjà une action militante ; il était alors conseiller municipal de Nevers (« républicain »).
En 1893, secrétaire adjoint de la chambre syndicale des menuisiers, il fut un de ceux qui songèrent à créer une Bourse du Travail à Nevers (fondée en décembre 1895 et de caractère réformiste) ; en 1896, trésorier de la Bourse, il fut un des signataires d’un appel en faveur d’une aide financière pour l’édification de la Verrerie ouvrière de Carmaux.
Mais, à cette époque, il était connu surtout par les ouvriers et les autorités de Nevers comme militant « anarchiste ». Il était lié à J.-B. Thuriaut (Thuriot), J. Gauthé, A. Barage l’anarcho-syndicaliste d’Imphy dont il était le gendre ; il fut l’objet d’une active surveillance au cours des années 1893 et 1894.
Son efficacité militante semble avoir été limitée par un caractère brouillon et des prises de position non dénuées de confusion. Les jugements portés sur sa personne ont été très divers. En fait, la meilleure vue sur l’« anarchisme » de Legros semble avoir été celle du commissaire spécial de Nevers qui, en janvier 1900 écrivait : « Socialiste révolutionnaire, mais non anarchiste. Fait partie de la fédération socialiste de la Nièvre. N’a jamais fait de propagande anarchiste. Rien ne permet de le considérer comme partisan de la propagande par le fait » ; et il concluait sur la nécessité de le rayer de la liste (ce qui n’était pas fait en 1905).
Entre-temps Legros était en effet allé porter sa confusion ailleurs. Membre de la fédération socialiste de la Nièvre fondée en 1897 (adhérente du POSR, puis autonome de 1899 à 1901 avant de rejoindre le PSF), il en fut le trésorier en 1898 et participa, la même année, à la campagne électorale de Combemorel dans la circonscription de Nevers ; mais il semble avoir assez vite rompu avec le Parti socialiste, au nom de l’autonomie de l’action syndicale, voulant concilier syndicalisme et action politique dans la seule activité syndicale ; il continuait cependant à s’affirmer « socialiste ».
Lorsqu’en janvier 1900, les syndicalistes de la Bourse de Nevers se séparèrent (en grande partie sur cette question des rapports avec le Parti socialiste), Legros fut secrétaire de la nouvelle union des syndicats dans laquelle il joua un rôle de premier plan ; son influence paraît alors avoir été surtout réelle dans le milieu bûcheron et dans la région de Saint-Saulge jusqu’alors peu touchée par le mouvement syndical.
En juin 1902, aux côtés de A. Ville de Chantenay-Saint-Imbert, il participa à Bourges à la création de la « Fédération des syndicats bûcherons et autres travaux similaires de France et des colonies » ; la même année, il travailla au regroupement du syndicalisme bûcheron dans la Nièvre et, le 30 août 1903, à Nevers, il participa au 2e congrès de la fédération.
En octobre 1904, une violente polémique l’opposa à Jean Defosse, secrétaire de la fédération syndicale rivale qui lui reprochait de chercher à attirer le syndicalisme bûcheron dans l’orbite du Parti socialiste (fédération nivernaise alors adhérente du PSF). Lorsque, en 1905, le syndicalisme nivernais retrouva son unité, il en demeura un des éléments les plus notables, continuant d’ailleurs à s’intéresser avant tout aux bûcherons ; dans cet esprit, il fonda, en marge de la Bourse, une union des syndicats ouvriers bûcherons qu’il chercha surtout à implanter dans l’arr. de Château-Chinon.
C’est sur ces bûcherons qu’il tenta d’appuyer sa candidature aux élections législatives de 1906, dans cette circonscription où il s’opposait à Combemorel, candidat du Parti socialiste. La préfecture vit en lui un « adversaire sérieux des socialistes collectivistes », en somme une candidature « heureuse », même si Legros fut antérieurement soupçonné d’anarchisme, « ce dont il s’est toujours défendu ».
Cependant, désavoué par les bûcherons (et ceux du canton de Saint-Saulge en particulier), attaqué par le journal de la fédération socialiste L’Observateur du Centre qui le présenta comme « libertaire », il n’obtint que 17 voix contre 243 à Combemorel (le radical Chandioux étant élu à ce premier tour avec 8 717 suffrages sur 16 377 votants pour 20 503 inscrits).
Les années qui suivirent ce curieux épisode le virent continuer son activité auprès des bûcherons, mais cette fois aux côtés des militants de la Bourse du Travail (en particulier en 1908-1909). Avec Devessière et Bornet, il représenta la fédération bûcheronne au congrès unique des fédérations terriennes adhérentes de la CGT (Bûcherons, Horticoles et Agricoles du Midi) réunies à Saint-Fargeau (Yonne) le 2 octobre 1908 pour étudier la possibilité de leur fusion en une grande union fédérative terrienne.
En 1910, il renouvela sa tentative électorale législative, cette fois à Nevers, où le candidat SFIO était Goiffon ; il n’obtint au premier tour que 62 voix contre 3 378 à Goiffon (10 365 votants et 18 835 inscrits).
L’année suivante, toujours membre de la commission administrative de la Bourse, il exprimait en février, dans Le Prolétaire de la Nièvre, son scepticisme à l’égard de l’action politique et ne voyait d’autre remède à la hausse des prix que la coopération.
Il mourut en avril 1912.
Marié, il était père d’une fille qui fut institutrice.
SOURCES : Arch. Nat. F7/13/567 et F7/13/609. Arch. Dép. Nièvre, série M., Anarchistes, 1892-1905 ; 1er mai, 1890 à 1898 ; élections de 1906. — L’Observateur du Centre, avril 1898-décembre 1911. — Le Prolétaire de la Nièvre (à partir de 1905). — A. Dunois, « Le mouvement bûcheron », Cahiers du Nivernais, mars 1909. — Compte rendu du 2e congrès de la Fédération des Bûcherons. — Compte rendu du congrès de Saint-Fargeau de 1908.