LELOUP Victor

Par Madeleine Rebérioux

Né en 1849 à Ferrière-en-Gâtinais (Loiret) ; mort en 1922 à Toucy (Yonne) ; taillandier ; militant socialiste.

Victor Leloup appartient à une lignée d’artisans taillandiers fabriquant des outils pour bûcherons et sabotiers, qui fut transplantée de Bretagne à Ferrière-en-Gâtinais, avant la Révolution de 1789, par un parent tabellion à l’abbaye de Ferrière. Dès 1858, le petit Victor, âgé de neuf ans, quittait l’école et commençait à apprendre le métier de ses pères. À dix-huit ans, en 1867, il entreprenait son tour de France. C’est au cours de ces déplacements qu’il rencontra des militants au contact desquels il devint socialiste et qu’il se mit à lire avec avidité.
En 1873, il s’établit à Saint-Fargeau, chef-lieu de canton de l’Yonne, en pleine Puisaye, dans une région où vivaient de nombreux bûcherons. Il déclarera plus tard (Réveil de l’Yonne, 27 décembre 1892) avoir fait partie dès 1880 des premiers groupes socialistes de la Puisaye. Ardemment guesdiste, il était tenu pour tel dans toute la région, et son fils a pu dire de lui qu’il avait « un Évangile, le Capital de Karl Marx ». Dans ce pays où les propriétaires châtelains contrôlaient toute la vie sociale, toute réunion publique était une lutte, pour laquelle Victor Leloup, « grand, blond, aux yeux bleus, à carrure athlétique, utilisant comme arme le manche de son fouet », faisait merveille. Les campagnes électorales aussi étaient difficiles : sans en être follement enthousiaste, Leloup encourageait tout au moins les candidats collectivistes, quand il y en avait, à se maintenir au second tour : ainsi fit-il en novembre 1891 pour Ringuier, candidat à une élection partielle dans la 1re circonscription d’Auxerre.
Dans cette rude région, Victor Leloup devint vite populaire auprès des opprimés. Élu conseiller municipal de Saint-Fargeau le 6 mai 1888, réélu le 25 mai 1890, sa carrière municipale (on ose à peine employer cette expression s’agissant d’un tel homme !) fut des plus mouvementées : le conseil municipal de Saint-Fargeau le choisit pour maire le 5 octobre 1890. Il ne le resta que jusqu’au 28 décembre. Réélu le 19 juillet 1891, il devint dès le 2 août deuxième adjoint, et premier adjoint le 15 novembre ; il garda cette fonction jusqu’au 30 avril 1892. Battu aux élections de mai 1892, il entra de nouveau au conseil en mai 1896 et y resta jusqu’en mai 1898. Il s’était signalé par de nombreuses initiatives qui ont acquis avec le temps un caractère légendaire : installation, pendant les grandes grèves de bûcherons, de soupes populaires, refus de pavoiser le 14 juillet, fête de la « République bourgeoise », alors que, au nom de la municipalité, il arborait le drapeau rouge le 1er mai.
Son groupe le présenta aux élections sénatoriales pour le canton de Saint-Fargeau le 3 janvier 1897, sur la base du programme du POF : il eut deux voix. Il allait bientôt être obligé de quitter la localité. La gendarmerie avec qui ses rapports étaient toujours tendus lui tint rigueur d’une histoire de braconnage. Lorsqu’on vint l’arrêter, il exigea de faire le tour des rues de Saint-Fargeau, menottes aux mains pour être vu de tous ses amis. Condamné à la perte temporaire de ses droits civiques pour insulte, à cette occasion, aux forces de l’ordre, il quitta définitivement la ville où, sur le faîtage de sa maison, on peut voir encore aujourd’hui, taillé dans la tôle et plusieurs fois grandeur nature, un « loup » pris au piège, commémorant son incarcération à la prison de Joigny.
C’est à Châteaurenard près de Montargis qu’il alla alors s’installer. Entré au conseil municipal en avril 1900, il fut à nouveau élu maire. On peut penser que la campagne fut passionnée. À son principal concurrent, l’ancien maire, un notaire, qui évoquait sa condamnation pour délit de droit commun, il répliqua dans une réunion publique ; « allez au bagne, vous y rencontrerez de nombreux notaires, mais vous n’y trouverez pas un seul taillandier ».
Battu en 1904, il revint dans l’Yonne à Toucy et cessa de militer. Selon « Verluisant » (E. Marcoux), secrétaire du groupe de Toucy, socialiste modéré, il était devenu « éclectique » (Travailleur socialiste de l’Yonne, 9 février 1907).

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article82449, notice LELOUP Victor par Madeleine Rebérioux, version mise en ligne le 30 mars 2010, dernière modification le 3 novembre 2018.

Par Madeleine Rebérioux

SOURCES : Le Réveil de l’Yonne. — Le Travailleur socialiste de l’Yonne. — Lettre du fils de Victor Leloup, en date du 25 septembre 1965. — Lettre du maire de Saint-Fargeau en date du 6 novembre 1967.

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