LÉTANG Stéphane, Gilbert

Par Justinien Raymond

Né le 19 février 1859 à Montluçon (Allier) ; mort le 17 juin 1941 à Lavault-Sainte-Anne, près de Montluçon ; ouvrier cordonnier, puis représentant de commerce ; militant et élu socialiste de l’Allier.

Létang apparut dans l’action dès l’éveil du mouvement syndical et socialiste de l’Allier. Le 15 août 1886, il lança une revue satirique qui ne dépassa pas le premier numéro et qui fut suivie pendant quelques semaines d’un hebdomadaire intitulé Le Pavé. L’année suivante, en octobre, il assista au deuxième congrès tenu à Montluçon de la Fédération nationale des syndicats.
En 1888, il fut élu pour quatre ans conseiller municipal de Montluçon et, cette même année, fut délégué au 3e congrès de la fédération nationale des syndicats qui se tint à Bordeaux-Le Bouscat. Il prit part à la fondation du journal hebdomadaire Le Travailleur, lancé le 14 juillet 1889, et il appartint à son comité de rédaction. Cette année-là, aux élections cantonales, il affronta le sénateur Chantemille, conseiller général sortant, et le général Boulanger, dans le canton de Montluçon-Est.
Bientôt, des malentendus entre militants tournèrent à de violentes querelles. Pour avoir incriminé un candidat socialiste dans une réunion de son adversaire, Létang fut exclu par le groupe socialiste de Montluçon qui comme tous ceux de l’Allier appartenait au POF. Alors, il porta son action sur Commentry et la division socialiste à l’échelle fédérale opposa les deux cités. Létang, actif, orateur incisif et spirituel, polémiste vigoureux, apparut comme le chef d’un des clans rivaux. Il apparut aussi, dans une large mesure, comme le responsable de cette scission au résultat d’un arbitrage rendu par une commission de discipline nommée par le congrès de Marseille du POF (1892) (auquel il participa), commission qui comprenait entre autres Jules Guesde et Paul Lafargue. Alors, les groupes de Commentry et de sa région, avec leur député Ch. Thivrier, adhérèrent au CRC. Létang fut un des militants les plus actifs et les plus en vue de la nouvelle fédération blanquiste et de son journal Le Tocsin populaire.
Il fut candidat socialiste révolutionnaire à l’élection complémentaire législative nécessitée par le décès de Christophe Thivrier dans la circonscription de Montluçon-Est. Le 13 octobre, il obtint 4 032 voix contre 6 391 à Vacher, républicain progressiste, et 2 831 à Boissier, radical-socialiste, sur 22 000 inscrits et 15 194 votants. Malgré le désistement de Boissier en sa faveur Létang échoua quinze jours plus tard avec 7 889 voix contre 8 261 à Vacher De nouveau présenté lors du renouvellement général de 1898, il recueillit 6 500 voix contre 8 535 à Vacher, député sortant, et 3 191 à Paul Constans, candidat de la fédération guesdiste rivale, sur 22 885 inscrits et 18 129 votants. Il bénéficia du désistement de Paul Constans. Au second tour de scrutin avec 9 311 suffrages, il devança Vacher de 4 voix, mais la commission départementale proclama ce dernier élu par 9 325 contre 9 322. Le 6 juillet, la Chambre des députés, en raison de fraudes constatées dans plusieurs communes, prononça l’invalidation de Vacher et l’admission de Létang.
Le 30 janvier 1899, à la Chambre des députés, dans la discussion du budget de l’Intérieur, Létang soutint l’amendement de Vaillant ayant pour objet la suppression des commissaires spéciaux. En décembre, porteur du mandat du Comité socialiste révolutionnaire de Montluçon et de deux des trois mandats de la circonscription de Montluçon-Est, il siégea au premier congrès général des organisations socialistes à Paris, salle Japy. Il y rappela que, député, il s’était porté aux grèves de Gueugnon, de Montceau-les-Mines, et se prononça contre la participation ministérielle des socialistes. « Il ne faut pas entrer dans les ministères sinon vous mettrez les socialistes révolutionnaires du côté de l’anarchie et des révoltés. » (Compte rendu, p. 139). Il représenta encore l’Allier au congrès de Lyon (1901).
Lors du renouvellement de la Chambre des députés en 1902, Létang ne se représenta pas et son siège alla au Dr Léon Thivrier. Trois ans après, il reprit une attitude de franc-tireur, resta en dehors du parti unifié, et, aux élections de 1906, il posa sa candidature en tant que candidat de la Fédération socialiste Révolutionnaire du Centre, dissidente de la SFIO contre Léon Thivrier, candidat de la SFIO. Il ne retrouva que 901 suffrages contre 9 192 à Thivrier.
Stéphane Létang continua à animer quelques groupes indépendants ayant pour organe Le Tocsin, jusqu’aux élections de 1910 après lesquelles il se retira de la vie politique active. Il vécut à Lavault-Sainte-Anne, continuant à s’intéresser aux problèmes politiques et sociaux, comme en témoigne sa conversation avec Daniel Halévy, matière d’un chapitre de l’ouvrage de ce dernier : Visites aux paysans du Centre.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article82598, notice LÉTANG Stéphane, Gilbert par Justinien Raymond, version mise en ligne le 30 mars 2010, dernière modification le 30 mars 2010.

Par Justinien Raymond

SOURCES : Arch. Ass. Nat., dossier biographique. — Hubert-Rouger, Les Fédérations socialistes I, op. cit., pp. 59-60. — Congrès général des organisations socialistes françaises, 3-8 décembre 1899. Compte rendu. — G. Rougeron, Les Consultations politiques dans le département de l’Allier. Le Personnel politique bourbonnais (1789-1963), Moulins, 1964. — Enquête auprès de M. Rougeron, sénateur de l’Allier. — Renseignements communiqués par G. Rougeron.

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