Par Justinien Raymond
Né le 9 septembre 1877 à Froideconche (Haute-Saône) ; tué sur le front de Champagne le 12 juin 1915 ; professeur ; géographe ; militant socialiste de la Côte-d’Or.
Alphonse Mairey était le fils d’un petit cultivateur qui exerçait en outre la profession de meunier. Il eut donc une enfance de fils de la terre et, tout jeune, perdit son père dans un accident du travail au moulin.
Néanmoins, il put poursuivre ses études et devint bachelier de la Faculté de Nancy, licencié de la Faculté de Paris, agrégé d’histoire et de géographie. Il débuta au lycée de Lons-le-Saunier en octobre 1903, fut nommé au lycée de Dijon en octobre 1905, et bientôt, en qualité de maître de conférences, chargé d’un cours de géographie à la Faculté des Lettres de Dijon. Excellent professeur au témoignage de ses élèves, il éveillait des vocations ; des générations de lycéens ont étudié dans ses manuels de géographie. Il préparait une thèse sur la géographie économique de la Bourgogne qui ne put voir le jour, mais dont la matière rassemblée et en partie élaborée constitua le premier numéro des Cahiers bourguignons en 1911.
Universitaire rationaliste, militant dans la bataille autour de l’enfance, il n’y apportait aucun parti pris antireligieux : membre actif du Cercle laïque dijonnais, il dirigea le patronage de garçons, anima les œuvres postscolaires fondées sur les sports, le théâtre, les excursions géographiques et historiques.
Il apportait son aide au mouvement syndical et mettait beaucoup d’espoirs dans le développement de la coopération — il était le gendre du professeur coopérateur Joseph Cernesson. Il se dévoua en faveur de l’imprimerie coopérative ouvrière et de la boulangerie coopérative de la rue Condorcet fondée en 1907 et dénommée « La Maison du Peuple ». Il fut secrétaire de la première fédération coopérative de la Côte-d’Or vers 1910.
Mais il fut avant tout un militant socialiste et joua au côté de Bouhey-Allex un grand rôle au sein de la fédération de la Côte-d’Or, qu’il représenta au congrès de Lyon (1912), dont il devint le secrétaire et dont il fut l’élu au conseil municipal de Dijon, en mai 1912, avec Barabant. Il se présentait lui-même comme un « socialiste nettement réformiste » (Le Rappel socialiste, 11 septembre 1909). « Son socialisme était celui de Jaurès, inséparable de la démocratie et de la patrie [...]. Il était très préoccupé de l’œuvre constructive, positive du socialisme. » (cf. Litalien, op. cit.). Il accorda beaucoup d’attention à l’évolution des campagnes vers le socialisme. Ce dernier doit, pensait-il, « maintenir et développer la propriété collective, rendre sous les formes diverses la grande propriété à la nation afin que celle-ci la distribue aux prolétaires, consolider la petite propriété d’aujourd’hui en la débarrassant des parasites » (Les Cahiers bourguignons, n° 1), enfin transformer la mentalité paysanne par la pratique du syndicalisme et de la coopération. À la veille de la guerre, la propagande socialiste dans la Côte-d’Or se résumait « presque tout entière dans l’action de M.A. Mairey », selon un rapport de police.
L’internationalisme de Mairey « n’a jamais été de l’antipatriotisme » (cf. Litalien). Dès 1911, il prévoyait la guerre et n’hésitait pas sur la conduite à tenir. « Moi, le deuxième jour, je suis à Belfort » (ibid.), déclara-t-il dans une réunion de la section socialiste de Dijon. Il fit néanmoins campagne contre la loi militaire des trois ans, ce qui lui valut, en avril 1913, une manifestation hostile de la part d’une centaine d’étudiants nationalistes au sortir d’un cours de la Faculté des Lettres. Le 5 août 1914, Mairey fut mobilisé à Épinal comme sergent de la territoriale. Il demanda à passer dans l’armée active sous le coup de l’indignation que lui causa le bombardement de la cathédrale de Reims. Il obtint plusieurs citations pour sa conduite aux combats des 18, 19 mars et 18 avril 1915. Il était nommé lieutenant et proposé pour la Légion d’Honneur quand il fut tué au combat en Champagne.
Il avait eu trois enfants : Paul (1906-1916), Jean, né en 1907 et Denise née en (1911-1973). Cette dernière ne s’est pas mariée et a été administrateur civil au Ministère du Travail puis collaboratrice de Pierre Laroque.
Il fut l’auteur de plusieurs livres scolaires avec Fallex.
Par Justinien Raymond
ŒUVRE : À partir de 1908, Mairey donna de nombreux articles au Rappel socialiste de Dijon sous le pseudonyme de Labot. — Les Cahiers bourguignons publiés par la fédération socialiste de la Côte-d’Or, Dijon, Imprimerie ouvrière n° 1 et 2 (Voir biographie de J.-B. Bouhey).
SOURCES : Arch. Nat. F7/13 600, rapport du 22 août 1913. — R. Litalien, « Un éducateur socialiste, Alphonse Mairey » in Cahiers bourguignons, n° 3, Dijon, 1927 (allocution prononcée en 1926 dans une réunion du Cercle laïque dijonnais). — Le Rappel socialiste, articles nécrologiques dans les nos du 19 juin 1915 et 10 juin 1916. — Article de Barabant dans le n° du 22 mai 1915. — Hubert-Rouger, Les Fédérations socialistes II, op. cit., p. 58. — Renseignements communiqués par son petit-fils François Mairey, 2011.