MOMPLOT Prosper, Étienne, dit le Manitou

Par Yves Lequin, Claude Pennetier, compléments de Jean Vigouroux

Né le 13 janvier 1847 à Saunt-Just-près-Chomelix, commune devenue Bellevue-la-Montagne (Haute-Loire), mort le 22 juillet 1914 vraisemblablement à Firminy (Loire) ; divers métiers ; syndicaliste mineur ; militant syndicaliste de la Loire.

Fils de Jean-Pierre Momplot, tailleur d’habits et de Jeanne-Marie Boyer, Prosper Momplot était l’aîné d’une famille de huit enfants. Il aurait eu sous le Second empire, un prix de réthorique. C’était un petit homme d’un mètre 62, tout en rondeur, d’abord instituteur communal dans son village natal, peut-être révoqué, puis clerc de notaire chez Me Clarard, enfin homme d’affaires, légiste, marchand de biens. On ne sait comment il arriva dans le monde de la mine et y joua un rôle de premier plan. Sa présence dans les mines semble être tout à la fois un choix et une nécessité. Il semble que dans une affaire d’achat d’un moulin impraticable (le moulin Sigrand, rue Laplat) en raison des creusements de mines sous son sol, il se soit fait berner par la compagnie des mines qui lui avait fait croire par le notaire que s’il enchérissait le bien serait ensuite racheté discrètement par la compagnie. Il voua à celle-ci une haine sans limite. Il fit du moulin la boutique-cabaret de son frère.
C’est comme légiste qu’il devint dirigeant syndical des mines. Les mineurs étaient à la recherche d’un chef qui sache parler au directeur de la Compagnie. Il était épaulé par Eyraud, cafetier, secrétaire, à partir de février 1890. Prosper Momplot était bon orateur et avait une bonne plume. Ils engagèrent la polémique à propos de la mort de Jean Gauchet, 30 ans, d’un coup de grisou, dans un courrier adressé au journal Le Stéphanois.

Prosper Momplot fut le principal fondateur du syndicat des mineurs de Firminy et Roche-la-Molière (Loire) et, au début de 1890, il en assumait le secrétariat, avec l’aide de Brioude et Eyraud ; bien qu’en dehors de l’obédience de Michel Rondet, en juin, Momplot refusa de suivre l’agitation, partie de la base, qui secouait le bassin, et de respecter le mot d’ordre de grève générale adopté par la réunion des délégués de puits, le 8, à la Bourse du Travail de Saint-Étienne ; c’est en partie à cause de cette abstention que le mouvement échoua : le travail reprit le 17, et Momplot fut dénoncé par le comité de grève comme le principal responsable de la défaite ; son attitude semble en effet difficile à expliquer, le programme revendicatif, très concret, ne pouvait que convenir aux mineurs de Firminy, dont la situation matérielle était bien plus mauvaise que celle de leurs camarades du chef-lieu. En septembre, Prosper Momplot et ses amis le reprirent à leur compte et, le 5 octobre, déclenchèrent la grève sur leur territoire ; pour la première fois dans le bassin, les mécaniciens furent entraînés, et le préfet dut intervenir pour assurer l’entretien des puits. Le conflit dura trente-quatre jours pour près de 3 000 travailleurs ; il fut marqué par des vifs incidents et, le 13 novembre notamment, une cartouche de dynamite fut lancée sur la demeure d’un employé qui n’avait pas cessé le travail ; les mineurs de Saint-Étienne rejetèrent une solidarité qui leur avait été refusée en juin, et malgré l’aide pécuniaire de la municipalité de Firminy, le travail dut reprendre le 15 novembre, sur un aveu d’échec. L’influence de Prosper Momplot en fut irrémédiablement atteinte, et il céda le secrétariat à Jean-Pierre Eyraud ; au-delà de sa personne, l’idée syndicale elle-même avait reçu un rude coup, et pendant plusieurs années, l’organisation fut désertée par les militants ; ses responsables durent se contenter d’assurer une permanence assez fantomatique.
Il avait organisé et présidé un grand banquet des mineurs le 16 juillet 1890 avec un défilé précédé de tambours et clairons.
Le Manitou quitta Firminy et revint dans sa ville natale, Bellevue-la-Montagne, dont il devint maire le 16 juillet 1890. Il se présenta aux élections sénatoriales du 3 janvier 1896, sans succès. Il faut préciser que sa présentation était quelque peu fantaisiste : "Mon programme qui est certainement le vôtre ne sera pas long. Moi, je viens vous dire sans détours, sans aller chercher midi à quatorze heures : J’ai une envie fole d’être sénateur".
Il est parfois confondu avec son frère dont il était très proche, Philibert, marchand de vin et bougnat à Firminy rue Laplat.
Si on en croit les attaques de ses adversaires, Prosper Momplot se serait rapproché de la "sacristie" : "N’est pas Momplot l’église est bonne mère. Quand le diable a tout fait, il se fait prêtre (...) Retire-toi Momplot fils de satan, gibier de galère. Tu ne finiras tes jours que comme ton père." ’(sans qu’on comprenne cette allusion à son père).
En 1906, il habitait à Firminy avec Simone Sève, ménagère. Le recensement de 1906 le dit légiste.

Il mourut le 22 juillet 1914 dans sa 68e année. Les obsèques religieuses eurent lieu à Firminy puis au cimetière de Bellevue pour être inhumé dans le caveau de famille. Le faire-part signale sa femme Simone, née Sève, couturière stéphanoise, qu’il avait connu dans les années 1870 et avec laquelle il s’était marié à Saint-Étienne le 19 février 1898. Le couple eut quatre enfants : un fils docteur en pharmacie à Firminy et trois nièces, "les Momplottes", artistes du seconde degré, volontaire ou non, qui firent une carrière modeste mais nationale dans la chanson sous le pseudonyme des sœurs Rosio, dont Emma et Ita (trois chanteuses puis deux, l’une étant revenue cultiver les terres familiales). Elles enregistrèrent des disques et eurent un regain de notoriété dans les années 1960.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article83541, notice MOMPLOT Prosper, Étienne, dit le Manitou par Yves Lequin, Claude Pennetier, compléments de Jean Vigouroux, version mise en ligne le 30 mars 2010, dernière modification le 15 septembre 2021.

Par Yves Lequin, Claude Pennetier, compléments de Jean Vigouroux

SOURCES et BIBLIOGRAPHIE : Arch. Dép. Loire, 92 M 32 et 92 M 34, 93 M 27, ADL/21/M/43. — Pétrus Faure : Histoire du Mouvement ouvrier dans le bassin de la Loire, op. cit., pp. 249-252. — Notes, photos et dossier de Jean Vigouroux, juillet-août 2020.

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