RENOUX Louis, [RENOUX, Philippe, Louis]

Par Gilles Pichavant

Né le 9 février 1870 à Saint-Léger-des-Vignes (Nièvre), mort le 1er janvier 1958 à Carmaux (Tarn) ; ouvrier verrier, souffleur, voyageur de commerce, directeur général ; Syndicaliste CGT, coopérateur ; militant socialiste du Tarn ; administrateur de la Verrerie ouvrière d’Albi (Tarn).

Ouvrier verrier. Fils de verrier, il naquit le 9 février 1870 à Saint-Léger-des-Vignes (Nièvre) ou ses parents s’étaient installés en 1860, la famille étant originaire de Nérondes (Cher). Ses frères Philippe*, Laurent, Armand étaient eux aussi verriers comme le père Pierre. En 1882, la famille s’établit à Carmaux où Louis fit son apprentissage à la verrerie Sainte Clothilde. Il devint souffleur à un moment où la mécanisation commençait à rendre le métier inutile, et faisait baisser les salaires. C’est dans ce contexte difficile qu’il s’investit dans le syndicalisme, dans un syndicat constitué essentiellement de souffleurs, et dont les principaux militants avaient une moyenne d’age de 26 ans.

En 1895, Louis Renoux fut donc l’un des principaux dirigeants du syndicat des verriers de Carmaux, avant et pendant la grève de la verrerie Sainte Clothilde. La grève débuta après le licenciement du délégué syndical Marien Baudot (le 31 juillet 1895), mis à pied après avoir assisté au congrès de Marseille de la fédération des verriers. La direction répondit à la grève par un lock-out, mettant 1 200 ouvriers au chômage. Ils firent appel à Jaurès. Dans un premier temps, les ouvriers consentirent à se soumettent, acceptant de reprendre le travail et de payer de leurs poches les salaires des militants mis à pied. Mais le patron saisit l’occasion pour faire le ménage : le 7 août 1895, il annonça par voie d’affiche qu’il se réservait de choisir ceux des ouvriers qu’il reprendrait lors de la réouverture de l’usine, excluant explicitement les syndicalistes, tous souffleurs, c’est à dire les ouvriers les mieux payés. Louis Renoux se trouva donc licencié.

La grève rebondit, et le syndicat des verriers tenta d’empêcher patron de casser la grève avec des « jaunes » — le terme n’était pas encore en vigueur — qu’il faisait venir de partout pour rallumer les fours. Mais en fin août, il était loin du compte, avec seulement 60 ouvriers alors qu’il lui en fallait 200 pour faire marcher le four, et parmi ceux-ci il n’y avait que trois souffleurs. Victime d’un attentat, vraisemblablement monté de toute pièce car le syndicat veillait à imposer un calme des plus parfait, le patron retourna l’opinion publique avec l’aide du préfet. La grève fut un échec.

Mais l’ensemble des courants socialistes soutinrent les grévistes, et une souscription fut lancée, avec l’aide de La Dépêche et La Petite République, afin de créer une verrerie ouvrière, c’est à dire autogérée (mot anachronique), avec l’appui de Jaurès, qui affirma « Il faut vivre. Il faut que vous viviez... il y aura une verrerie aux verriers où trouveront un abri ceux que l’arbitraire patronal veut chasser et affamer ». Militant syndicaliste et socialiste, Louis Renoux soutint la position de Jean Jaurès, dans la forme que devait prendre la Verrerie Ouvrière d’Abi : les actionnaires étaient des coopératives et des syndicats, faisant de la VOA une entreprise dont la classe ouvrière était actionnaire. Avec l’aide française et internationale, ils obtinrent un capital suffisant, tandis qu’une donatrice, convaincue par Rochefort, offrit 100 000 francs pour l’achat du terrain.

En début 1896 les grévistes de Carmaux se transformèrent en terrassiers et en maçon, et construisirent de leurs mains la verrerie ouvrière d’Albi (Tarn). Louis Renoux fut de ceux-là. Il devint l’un des administrateurs fondateurs de la verrerie. Le 2 mars 1896, Louis Renoux se vit attribuer 144 actions, d’une valeur de 14 400 francs, sur un total de 5000 actions provisoirement réparties entre les 15 administrateurs. Le 15 octobre 1896, la verrerie fut inaugurée en présence de Jean Jaurès, de Rochefort, et de nombreux députés et maires socialistes. Cent soixante quinze municipalités socialistes et sept cent syndicats étaient représentés, ainsi que onze cent groupes ou cercles politiques, et soixante-cinq coopératives. C’est Rochefort qui eut l’honneur de mettre le feu au premier four.

Jaurès poussait à la constitution définitive de la société le plus vite possible (dés que le 1/4 du capital aurait été réuni) comme l’atteste une lettre du 16 décembre 1896. Après la vente de tickets de "tombola" les actions furent définitivement réparties au prorata des ventes en janvier 1897. La Verrerie Ouvrière fut constituée en société anonyme au capital de 500 000 Francs, 5000 actions d’une valeur de 100 Francs étant réparties entre des syndicats et des coopératives (5/8e), et le syndicat des verriers d’Albi (3/8e), 6 actions étant attribuées aux verriers administrateurs et "fondateurs". Louis Renoux reçut l’action n°6.

Les débuts de la verrerie ouvrière furent difficiles. Les premiers salaires furent misérables. Loin d’être un havre de paix sociale, elle connut son premier conflit social dès la fin 1896, avec le licenciement de quatre militants verriers, anarchistes — dont Eugène Guégnot* l’un des 12 principaux militants du syndicat de Carmaux — licenciés par leur camarade Jean Marien Baudot, secrétaire du syndicat, et socialiste. La verrerie connut la grève dans les années 1910 et 1920.

En 1903, Louis Renoux fut, avec tous les administrateurs de la verrerie, délégué au congrès de la fédération du verre qui venait de se reconstituer. Faisant désormais partie des directeurs de la verrerie, il faisait aussi partie des chefs du syndicat, ce qui était cependant en contradiction avec les statuts de la fédération. Avec Boyanique — lui aussi ancien gréviste de Carmaux —, il défendait, à l’époque, l’idée, que « puisque le prolétariat est notre employeur, nous pensons ne devoir jamais faire appel à la grève », ce que l’histoire contredit bientôt. Il fut de nouveau délégué du syndicat des verriers de la Verrerie ouvrière d’Albi, au congrès de 1906. En 1912, il réorganisa, avec l’ingénieur Cyril Spinetta, la production de la VOA. Cependant cela provoqua une crise qui conduisit à la démission de Spinetta (Voir Émile Bonnardel).

Militant socialiste, il fut l’un des représentants de la Fédération socialiste SFIO du Tarn au congrès national de Lyon en 1912 — Voir Clermont-Guiraud.

Devenu commercial de la Verrerie Ouvrière d’Albi, de la période de la mise en route des premiers fours (1896) à 1914, il parcourut l’Europe pour vendre les produits de la VO mis à l’index par le patronat verrier. Mobilisé en 1914, il combattit jusqu’en 1916 avec le grade d’adjudant. Il fut le Directeur Général de la VOA jusqu’à sa retraite en 1935. Par la suite, il dirigera l’Aurore Sociale (coopérative de la VOA).

Au début des années 1890, à Carmaux, des liens forts s’étaient noués avec Michel Aucouturier — dont il fut le témoin de Vincent Auriol (1er président de la IVe République) lors du mariage de celui ci avec Michelle Aucouturier, sa fille, en 1912 — avec Marien Baudot — dont il épousa la nièce, Léontine, en 1894 — et aussi avec Jean Jaurès.

Louis Renoux s’était marié le 22 décembre 1894, à Carmaux (Tarn), avec Léontine Baudot, nièce de Jean (Marien) Baudot. A noter les témoins à son mariage : Charpentier Maximilien*, 35 ans, syndicaliste Verrier, futur administrateur de la VO d’Albi ; Michel Aucouturier, 30 ans, syndicaliste verrier, conseiller municipal de Carmaux, futur administrateur de la VO ; Jean (Marien) Baudot, 26 ans, oncle de la mariée, militant syndical victime de la répression, à l’origine de la grève de Carmaux, futur administrateur de la VO ; Berthon Philosa, 34 ans, militant syndicaliste des mineurs, socialiste. Louis Renoux mourut le 1er janvier 1958 à Carmaux.

Il avait été fait chevalier de la légion d’Honneur, et reçut les Palmes Académiques pour son action en faveur des écoles professionnelles.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article84898, notice RENOUX Louis, [RENOUX, Philippe, Louis] par Gilles Pichavant, version mise en ligne le 30 mars 2010, dernière modification le 25 octobre 2019.

Par Gilles Pichavant

Action nominative de la Verrerie ouvrière d'Albi (La N°6), attribuée à Louis Renoux
Action nominative de la Verrerie ouvrière d’Albi (La N°6), attribuée à Louis Renoux

SOURCES : Bulletin trimestriel de l’Institut français d’histoire sociale, 1971-07, Les verriers de Carmaux (1856-1895).— Musée social, 1901-11, La verrerie ouvrière d’Albi, 2e partie, fonctionnement et résultats. — La France Judiciaire, 1897L’Humanité, 9 septembre 1906. — Lettre de Jaurès du 16 février 1896, dans l’ouvrage de Marcelle Auclair, La Vie de Jean Jaurès : Ou la France d’avant 1914, Seuil, 1954. — témoignage et archives de Jean-Marc Renoux, arrière petit-fils de Louis Renoux. — État civil.

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