ROCHÉ Jean

Par Justinien Raymond

Né le 15 octobre 1865 à Albi (Tarn), mort le 4 septembre 1908 à Carmaux (Tarn) ; instituteur ; militant socialiste du Tarn.

Roché était le fils d’un ouvrier chapelier d’Albi qui fut militant lui-même. Jean Roché fit ses études au lycée d’Albi, obtint son brevet élémentaire et, le 26 mars 1884, fut nommé instituteur stagiaire à Saint-Juéry. Le 23 juillet 1886, il fut envoyé à Combefa (Tarn) où il entra en conflit avec le maire qui lui reprochait de mal exercer les fonctions de secrétaire de mairie dont il était, en outre, chargé. Sur plainte au préfet et demande de déplacement, une enquête administrative eut lieu : menée par l’inspecteur primaire, elle ne révéla aucune faute grave contre Roché.
Il sollicita alors un poste à Albi et ne l’obtint pas malgré une recommandation de Héral, député républicain du Tarn. En février 1887, il demanda un poste à Blaye-les-Mines, près de Carmaux. Pour l’éloigner du centre ouvrier où elle estimait sans doute sa présence peu souhaitable, l’administration l’envoya le 26 septembre 1887 aux Vidals, à Lacaune. En 1888, il exerça à Salles et, le 25 septembre 1890, reçut un poste d’adjoint à Carmaux. Très vite il se lia au mouvement ouvrier local, assura le secrétariat du syndicat des mineurs, adhéra en 1892 au Cercle d’études sociales alors affilié au CRC et il en fut à plusieurs reprises le secrétaire. Il mena une intense activité en faveur de l’école laïque, créant, le 25 janvier 1891, avec Jaurès et Calvignac, « Le Sou de l’École laïque » dont il devint secrétaire. Enfin, il adhéra à la Franc-Maçonnerie. Il se dépensa ouvertement au cours des grèves de 1892-1893 qui orientèrent la région vers le socialisme. Il participa activement aux deux campagnes électorales de 1893 qui virent le succès de Jaurès. Toute cette activité attira à Roché des ennemis irréductibles ; des plaintes parvinrent à ses chefs. Déjà déplacé à Arfons le 27 janvier 1893, il fut révoqué le 9 mars 1894.
Alors, il s’installa définitivement à Carmaux où il vécut assez difficilement, se consacrant totalement à l’action politique et sociale. Il devint le correspondant local de la Dépêche de Toulouse, ce qui lui vaudra des attaques de la part de socialistes intransigeants au moment où les rapports se tendront avec le parti radical. Il eut aussi maille à partir avec la justice. Accusé d’avoir circulé et stationné sans billet et sans autorisation dans l’enceinte du chemin de fer pendant la grève des verriers qu’il soutint activement, Jean Roché fut condamné le 9 novembre 1895 à 16 f d’amende. Secrétaire du Cercle d’études sociales, il fut condamné, le 11 avril 1897, à 11 f d’amende pour tapage nocturne et à 5 f pour exhibition d’emblèmes dans l’intérieur du Cercle à l’occasion de la proclamation du scrutin de ballottage des élections municipales complémentaires qui avaient été un succès socialiste. L’emblème était, bien entendu, le drapeau rouge. Cet incident entraîna d’ailleurs la dissolution du Cercle le 30 avril 1897. Le 9 avril 1898, J. Roché se vit à nouveau infliger 16 f d’amende pour infraction à la loi sur les syndicats, en qualité de dirigeant de la fédération ouvrière du Tarn, de l’Aveyron et de l’Hérault, qui fut contrainte de se dissoudre.
Depuis le 1er mai 1897, Roché était secrétaire de rédaction de l’organe socialiste local La Voix des Travailleurs qui disparut au début de l’année 1898. Il fut nommé administrateur délégué de l’Imprimerie des Travailleurs réunis de Carmaux qui publia, à partir du 20 mars 1898, le nouveau journal fédéral Le Cri des Travailleurs. De ce dernier, il devint bientôt le rédacteur en chef.
Le 4 décembre 1898, J. Roché fut élu secrétaire de la nouvelle fédération socialiste du Tarn créée ce jour-là. Indépendante, forte du prestige de Jaurès, elle attira peu à peu à elle tous les noyaux socialistes du département : à l’exception d’un petit groupe dissident de Carmaux, elle réalisait l’unité dans le département avant qu’elle fût accomplie à l’échelle nationale. J. Roché resta, jusqu’à sa mort, secrétaire de la fédération socialiste SFIO et la représenta toujours au Conseil national du Parti socialiste. Il assistait, de par ses fonctions mêmes, à tous les congrès fédéraux. Il fut délégué à maints congrès nationaux. Aux premières assises générales du socialisme français à Paris, salle Japy (décembre 1899), il figura porteur des quatre mandats du Cercle l’Union sociale et de la coopérative « La Revanche prolétarienne » de Carmaux, du Cercle d’études sociales de Rosières et du Cercle d’études économiques de Saint-Benoît. Il fut encore délégué aux deuxième et troisième congrès généraux, à Paris, salle Wagram (1900) et à Lyon (1901) ; aux congrès du PSF à Tours (1902) et à Bordeaux (1903) ; au congrès d’unité de la salle du Globe à Paris (avril 1905) et aux congrès nationaux de la SFIO à Chalon-sur-Saône (1905), Limoges (1906) et Nancy (1907) il fut, cette année-là, délégué au congrès socialiste international tenu à Stuttgart.
Cheville ouvrière de l’organisation dont Jaurès était le leader prestigieux et combattu, Jean Roché fut abreuvé de calomnies par les adversaires du socialisme et parfois attaqué à l’intérieur de son parti. La police, attentive aux dissensions des organisations révolutionnaires, ouvrit une enquête. Le commissaire de Carmaux conclut qu’il n’était pas possible de mettre en doute l’honorabilité de Roché « depuis qu’il est lancé dans la politique » (Arch. Dép. T. 1 744). Jaurès qui l’appréciait le défendit toujours. « C’est une grande perte pour nous, écrivit-il au lendemain de sa mort précoce et, pour moi, dont il fut l’ami si attentif si fidèle et si fier, une grande douleur » (L’Humanité, 7 septembre 1908).

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article85098, notice ROCHÉ Jean par Justinien Raymond, version mise en ligne le 30 mars 2010, dernière modification le 14 octobre 2022.

Par Justinien Raymond

ŒUVRE : J. Roché collabora à La Dépêche de Toulouse et aux deux organes fédéraux successifs, La Voix des Travailleurs et Le Cri des Travailleurs.

SOURCES : Arch. Dép. Tarn, IV M 2-75, T. 1-744, série U : relevé des jugements du tribunal correctionnel d’Albi. — Journaux cités. — Hubert-Rouger, Les Fédérations socialistes III, op. cit., p. 10 à 18, passim. — Jean Longuet, « Jean Roché » L’Humanité, 6 septembre 1908. — Œuvres de Jean Jaurès, tome 4, Le militant ouvrier, 1893-1897, édition établie par Alain Boscus, Fayard, 2017.

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