ROUQUETTE Gustave

Né en 1863 ; ouvrier mineur ; dirigeant syndicaliste du Gard.

G. Rouquette fut embauché le 16 juillet 1889 par la Compagnie des Mines de La Grand’Combe (Gard). Dans ce secteur du bassin houiller du Gard jusque-là rebelle au syndicalisme (alors que Bessèges avait ouvert la voie dès 1886), il fut le fondateur, le 8 août 1896, du « syndicat des mineurs de La Grand’Combe » dont il fut le président. L’originalité de Rouquette réside dans le fait qu’il était républicain, très mesuré dans ses idées, favorable à un syndicalisme de conciliation. Il créa un syndicalisme de masse, d’orientation nettement réformiste, destiné à discuter avec le patronat et l’État des meilleurs moyens pour éviter au prolétariat de La Grand’Combe d’être trop affecté par la crise économique. Mais la compagnie, très puissante, ayant su jusqu’alors, par un habile paternalisme, se préserver de tout conflit avec son personnel, ne put tolérer l’existence d’un syndicat, même modéré. Aussi procéda-t-elle à une série de licenciements et de brimades contre les ouvriers syndiqués. Alors Rouquette se décida à employer le seul moyen de lutte disponible : la grève. Il entraîna avec lui la masse de ses camarades et la grève éclata le 4 octobre 1896. Dès le 7 octobre, Rouquette et quatre autres délégués furent reçus par le préfet du Gard, mais sans résultat. Le 9 octobre eut lieu à Alais une nouvelle réunion entre Rouquette et les quatre autres délégués d’une part, le sous-préfet et Graffin, directeur de la Compagnie, d’autre part. Le lendemain, au cours d’une réunion publique, Rouquette rendit compte des résultats de la réunion d’Alais, mais il les jugeait beaucoup trop médiocres pour justifier une reprise du travail. Il fut suivi en cela par la masse des ouvriers grévistes ; les autres durent rejoindre le mouvement. Rouquette dirigea à nouveau la délégation ouvrière reçue le 16 octobre par le juge de paix d’Alais ; au cours de l’entrevue un accord fut élaboré, accord largement favorable aux ouvriers (augmentation de salaires, aucun renvoi pour fait de grève, etc.). Pour la première fois, un syndicat et son président, Rouquette, avaient traité d’égal à égal avec la puissante Compagnie de La Grand’Combe et avaient obtenu des avantages appréciables.
Rouquette tira les leçons de ce succès et engagea ses camarades à franchir une nouvelle étape : se libérer de la surveillance pesante des « délégués à la sécurité des mineurs ». Ceux-ci, élus par les ouvriers, avaient toujours été des hommes dévoués à la Compagnie et leur rôle de surveillance débordait largement les questions de sécurité. Aussi Rouquette demanda-t-il à ses camarades que la chambre syndicale présentât ses propres candidats contre ceux de la Compagnie. Sa proposition fut adoptée et, les 10 et 17 janvier 1897, la chambre syndicale emporta tous les sièges.
Devant cette emprise croissante du syndicat, favorisée par la personnalité de son président, Rouquette, la compagnie prétexta la crise économique pour afficher, le 1er avril 1897, une liste de près de six cents noms d’ouvriers congédiés, parmi lesquels se trouvaient tous les dirigeants syndicaux, dont Rouquette. La veille de cet affichage, le bruit de ces licenciements ayant couru, Rouquette, à la tête d’une délégation de mineurs et de commerçants de la ville, avait quitté La Grand’Combe pour Paris où il devait être reçu par le ministre des Travaux publics et le président du conseil d’administration de la Compagnie. Après avoir rendu compte de cette mission dans une réunion publique tenue le 4 avril à La Grand’Combe, Rouquette, accompagné de quatre autres membres du syndicat fut reçu par Graffin, directeur de la Compagnie. Rouquette expliqua « Nous sommes venus vous demander si on ne pouvait pas éviter les renvois en chômant un jour ou deux par semaine et en mettant à la retraite des ouvriers qui y ont droit et qui sont, du fait de la caisse de retraite, à l’abri du besoin. » Graffin refusa cette solution, bien que Rouquette ait insisté sur le fait que la majorité des ouvriers était favorable au chômage partiel.
L’échec de cette ultime réunion détermina la grève qui commença le 12 avril 1897. Une commission de grévistes fut constituée dont Rouquette prit la tête, commission qui fut reçue les 13 et 14 avril par les autorités, mais sans résultat. Abandonnés, les grévistes plaçaient un dernier espoir dans l’interpellation que devaient faire à la Chambre les députés Basly et Lamendin le 29 mai. Celle-ci fut repoussée au 12 juin et ne donna rien : plus de mille ouvriers furent congédiés. D’une durée exceptionnelle, malgré la présence de la troupe dès le premier jour, ce mouvement gréviste détermina l’évolution de Rouquette et, avec lui, de beaucoup d’ouvriers de La Grand’Combe : ce républicain convaincu, confiant dans la bienveillance de la République pour le monde ouvrier, allait se tourner vers le socialisme, comme en témoigne le discours qu’il prononça le 14 juin 1897, alors que la grève était pratiquement terminée : « Le gouvernement de la République, après avoir reconnu la conduite digne d’attention des ouvriers, se déclare impuissant pour intervenir en leur faveur et les laisse à la merci du sort qui peut leur être fait par les compagnies minières. Considérant que la situation actuelle qui dure depuis 62 jours ne peut se prolonger plus par suite du vote émis par la Chambre le 12 juin, la commission des grévistes donne sa démission et, malgré l’insuccès de la grève, engage les camarades à se grouper autour du syndicat qui, à son tour, fera le nécessaire pour venir en aide aux plus nécessiteux. Elle invite les camarades, puisque la République ne peut ou ne veut rien faire pour eux, à se rallier au socialisme qui, au jour de son triomphe, tirera le prolétariat de l’avachissement où le laisse la soi-disant République. »
Beaucoup d’ouvriers, parmi les mille licenciés, partirent chercher du travail dans d’autres bassins miniers (Nord, Pas-de-Calais, Loire, Ardèche, Tarn). Rouquette resta à La Grand’Combe et fut choisi par les comités socialistes de Paris comme candidat ouvrier pour les élections législatives de mai 1898 dans la 2e circonscription d’Alais. Il trouva en face de lui le député De Ramel, candidat officiel de la Compagnie houillère, connu pour ses opinions réactionnaires et cléricales. Face à cet adversaire, bien implanté dans sa circonscription, Rouquette allait devoir livrer une rude bataille, handicapé qu’il était par le départ de beaucoup d’ouvriers licenciés. Il obtint néanmoins un beau succès puisque, avec 1 018 voix au premier tour, le 8 mai 1898, il réussit à mettre en ballottage De Ramel (1 526 voix) sur La Grand’Combe. Résultats globaux : 7 030 voix à Rouquette, 6 872 à De Ramel, 3 300 à autres candidats. De Ramel l’emporta cependant au second tour (9 541 voix contre 7 858) mais l’action de Rouquette, même battu, avait ouvert la voie à la conquête par le socialisme et la laïcité d’une région jusque-là dominée sans partage par les représentants les plus réactionnaires de l’idéologie cléricale.
Voir Michel B., Pebernet M. et Reboul E.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article85233, notice ROUQUETTE Gustave , version mise en ligne le 30 mars 2010, dernière modification le 14 août 2022.

SOURCES : Arch. Dép. Gard, 14 M 448 et 14 M 449. — Puech, La Compagnie des Mines de La Grand’Combe, Paris, 1901. — Hubert-Rouger, Les Fédérations socialistes I, op. cit., p. 326.

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