ROUSSEL Léon, Gustave

Par Justinien Raymond

Né dans le Jura en 1865 ; mort à Oyonnax (Ain) le 7 novembre 1898 ; ouvrier typographe ; militant syndicaliste et socialiste du Doubs et de l’Ain.

Léon Roussel
Léon Roussel

La vie professionnelle et militante de Roussel s’est déroulée tout entière dans le pays jurassien. Il passa son enfance et sa prime jeunesse dans son département natal, le Jura. Il fut un des premiers à y manifester la pensée socialiste, alors que depuis 1889 il était ouvrier typographe à Besançon et militait sur les plans syndical et politique. Il portera finalement son action dans l’Ain et, alors, elle sera essentiellement politique.
Ouvrier typographe, ouvrier spécialisé, Roussel était à l’aise dans le milieu des travailleurs bisontins de la fin du XIXe siècle, formé surtout par les salariés de l’industrie dominante, la montre, plus artisans encore qu’ouvriers spécialisés. S’il ne fut pas le créateur des premiers syndicats peu à peu dégagés de groupements corporatistes réunissant patrons et salariés, il a été le champion de leur union, de leur fédération. Il multiplia les contacts entre militants d’organisations syndicales restés jusque-là enfermés dans leurs préoccupations étroitement professionnelles. Le 24 septembre 1891, une réunion de dix-neuf d’entre eux représentant cinq syndicats, convoquée à son initiative, jeta les bases de la fédération ouvrière de Besançon et de Franche-Comté. Roussel en fut élu secrétaire général et il domina de sa forte personnalité le comité fédéral. Sans souplesse, franc et rude, autoritaire même, il s’imposait, heurtait des susceptibilités, soulevait bien des critiques sous le manteau, mais était invariablement réélu à son poste, même après de fracassantes démissions comme en novembre 1892 et en mai 1893. Il maintint l’union contre toutes les tendances corporatistes de dissociation. Il l’imposa à l’opinion, aux employeurs, aux pouvoirs publics, tout en défendant jalousement contre eux l’indépendance du syndicalisme. Animateur, propagandiste, ne reculant devant aucune tâche, il fut aussi le vrai père de la Bourse du Travail de Besançon, suscita l’organisation d’une caisse de secours aux grévistes. Attentif à tous les problèmes de la vie ouvrière, il fut le promoteur d’une coopérative de consommation. Aux dires d’un de ses compagnons écrivant longtemps après la mort de Roussel, il fut un « militant de grande valeur » (Manuscrit de Graizely, Bourse du Travail de Besançon, 1914).
Dans le même temps où il déployait cette intense activité syndicaliste, Roussel menait le combat sur le terrain politique. À son arrivée à Besançon, il jeta les bases d’un groupe socialiste qui rassembla rapidement une cinquantaine de membres et s’affilia au POSR quand celui-ci naquit en 1890 d’une scission de la FTSF. Les animateurs de la fédération ouvrière s’y retrouvaient à peu près tous. Roussel et ses amis tentèrent de lancer le journal Le Tisonnier bisontin qui vivota pendant quelques mois. Roussel porta la parole socialiste dans le département du Doubs et aussi dans son Jura natal. Au début de 1891, il représenta les socialistes bisontins à une réunion où siégèrent aussi des militants venus du Jura, de la Haute-Saône et de la Côte-d’Or : ce fut l’origine de la fédération ouvrière de Besançon et de Franche-Comté ralliée au POSR et à laquelle s’agrégeront plus tard les groupes socialistes de l’Ain. Roussel la représenta au congrès du POSR à Saint-Quentin (1895). Au sein de l’organisation politique, il jouissait du même prestige que dans les groupes syndicaux. Il réussit à y maintenir l’union entre les éléments anarchisants et les diverses tendances socialistes. Non qu’il ait imposé le triomphe d’une doctrine. Il était assez indifférent aux débats idéologiques : c’est là l’aspect négatif de son rôle. Il maintint l’union dans l’action, par son ascendant. Son départ de Besançon en 1894 fut bientôt suivi d’une scission qui entraîna les uns vers le PSR, tandis que les autres demeuraient fidèles au POSR.
Dans l’Ain où il allait combattre désormais, c’est au POSR que Roussel resta attaché. Ce fut même à l’instigation de Jean Allemane qu’il accepta d’assumer à Oyonnax la direction de l’imprimerie ouvrière qui imprimait alors Le Jura socialiste et l’Éclaireur de l’Ain. En militant socialiste qu’il était avant tout, malgré son rôle dans le syndicalisme bisontin, Roussel se donna tout entier à l’action politique. Outre la direction de l’imprimerie, il assura une active propagande, fondant plusieurs groupes socialistes qui, étoffant l’organisation dans l’Ain, y permirent la création d’une fédération autonome détachée de celle de l’Est. À sa naissance, à Ambérieu, le 10 décembre 1897, il fut nommé à son comité directeur provisoire de dix membres. Roussel était aussi sur la brèche dans les batailles électorales. En 1898, il recueillit 528 voix dans le canton d’Oyonnax après une ardente campagne pour le conseil général contre le candidat républicain conservateur Dupuis.
C’est au cours d’une élection législative partielle dans l’arr. de Nantua où il soutenait H. Ponard que Roussel, au sortir d’une réunion publique à Belleydoux, contracta une pneumonie qui devait l’emporter en huit jours. Si sa mort ne fut pas un coup aussi grave pour l’organisation socialiste locale que le fut à Besançon son départ, c’est qu’il eut ici un digne successeur en la personne de Jean Donier.
Aux côtés de Roussel, secrétaire de la fédération ouvrière en septembre 1891, se trouvaient Bouvier, Grandjean et Matil, secrétaires adjoints, Simon et Zelveger, trésorier et trésorier adjoint.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article85254, notice ROUSSEL Léon, Gustave par Justinien Raymond, version mise en ligne le 30 mars 2010, dernière modification le 30 avril 2013.

Par Justinien Raymond

Léon Roussel
Léon Roussel

SOURCES : Jean Charles, « Les débuts de l’organisation ouvrière à Besançon, 1874-1904 », in Le Mouvement social, n° 40, juillet-septembre 1962, p. 22. — Hubert-Rouger, Les Fédérations socialistes I, op. cit., pp. 10-13 et Les Fédérations socialistes II, op. cit., pp. 62-68 et 261, — Manuscrit Graizely, Bourse du Travail, Besançon, 1914.

ICONOGRAPHIE : Les Fédérations socialistes II, op. cit., p. 68.

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