ROUX-COSTADAU Ferdinand, Bienvenu, Henri, écrit parfois ROUX-COSTADEAU

Par Justinien Raymond

Né aux Mées (Basses-Alpes, Alpes-de-Haute-Provence) le 23 avril 1875 ; mort à Saint-Maurice (Seine) le 12 février 1946 ; instituteur ; militant socialiste de la Drôme ; député, il fit une longue carrière politique hors du parti socialiste.

Henri Roux était le fils de Ferdinand, François et de Marie, Suzanne Comte, son épouse, tous deux cultivateurs, petits propriétaires-exploitants qui firent tous les sacrifices nécessaires pour permettre à leur enfant de mettre à profit ses dispositions intellectuelles. Après l’école primaire et l’école primaire supérieure, il entra à l’école normale d’instituteurs de Valence (Drôme) d’où il sortit à vingt ans titulaire du Brevet supérieur et instituteur.
Il exerça tour à tour, à Upie, à Buis-les-Baronniers et aux Épars de Saint-Sorlin. Le 12 avril 1898, à Nyons, il épousa une collègue, Joséphine, Alice, Marguerite Costadau, née le 15 décembre 1874 à Montguers. Il prit son nom en lui donnant le sien. Le 1er octobre 1903, les deux époux furent nommés à Saint-Mamans, dans un paysage de collines assises au pied du Vercors, dans une région qui deviendra le fief électoral de Roux-Costadau. Il était là quand, à l’assemblée de Tournon, le 26 juin 1904, il donna son adhésion au socialisme en s’affiliant à titre d’isolé à la fédération autonome Drôme-Ardèche animée par Jules Nadi. Il en devint tout de suite un propagandiste actif, se déplaçant plus souvent à bicyclette qu’en train comme beaucoup de militants de ce temps. Il fit porter son effort sur le Sud du département de la Drôme, patrie de sa femme où le patois, provençal comme aux Mées, lui permettait un contact familier avec les populations. Il donna de nombreuses conférences à Dieulefit, à Buis-les-Baronnies et dans toute la région travaillée autrefois par les sociétés secrètes républicaines et qui s’agita lors du coup d’État du 2 décembre. Il participa au congrès fédéral de Saillans (1905) qui rendit effective l’unité dans la Drôme et dans l’Ardèche. Il était à l’époque très anticlérical et très antimilitariste. Il était en vue dans le corps enseignant : en 1904, ses collègues l’avaient élu au conseil départemental.
Pour les élections législatives de 1906, la fédération de la Drôme posa la candidature de Roux-Costadau dans la 1re circonscription de Valence, dans cette plaine ceinturée par la Drôme, le Rhône et l’Isère où les petits propriétaires ruraux constituaient la large majorité du corps électoral. Il recueillit 2 564 voix sur 19 458 suffrages exprimés et se retira en faveur du candidat républicain Louis Dumont qu’il battra en 1910. Il poursuivit sa propagande, soutenu par sa femme, et tous deux furent en butte aux tracasseries de l’administration. Au troisième congrès de la fédération unifiée, à Valence (22 septembre 1907), treize réunions étaient portées à son actif depuis moins d’un an, en dehors des réunions électorales. Pour avoir déclaré en public que mériteraient d’être fusillés les gouvernants qui refuseraient l’arbitrage offert par l’Allemagne en cas de tension internationale, Roux-Costadau fut révoqué le 1er juin 1909.
Libre de son temps, il se consacra plus activement encore à la propagande, faisant porter son effort sur l’Ardèche englobée dans la fédération, sans négliger la région de Valence, de Saulce, de Mirmande, Livron, Bourg-lès-Valence où il prenait sérieusement racine. À nouveau candidat en 1910 aux élections législatives, Roux-Costadau tripla le nombre de ses voix de 1906 : il en obtint 6 425 sur 17 973 suffrages exprimés. Le député sortant Louis Dumont se retira, mais lui suscita un adversaire, Chalamet. Au second tour de scrutin, Roux-Costadau, avec 7 977 voix sur 19 634 suffrages exprimés, l’emporta dans une élection triangulaire sans atteindre la majorité absolue. Après ce succès, il présida le congrès fédéral de Flaviac le 18 septembre 1910 et aida Nadi dans sa campagne cantonale de Grand-Serre. Il participa encore au congrès fédéral de Die (26 mars 1911) ; la veille, il avait parlé dans une grande réunion publique en compagnie de Nadi et de Lhoste, député de Seine-et-Marne. Du 18 au 27 octobre 1911, il accompagna le délégué permanent à la propagande, Ernest Poisson, en tournée dans la Drôme. On le vit encore au congrès de Romans (1912) qui se prononça formellement pour la représentation proportionnelle que prônait l’ensemble du Parti socialiste.
Quelques mois plus tard, en septembre 1912, la fédération de la Drôme prononça son exclusion de la SFIO pour avoir voté contre la représentation proportionnelle qu’il avait inscrite dans son programme en 1910. On lui reprochait aussi de mal s’acquitter de sa cotisation d’élu. Roux-Costadau prit aisément son parti de cette mesure disciplinaire : il déclara ne pas faire appel de cette décision et au qualificatif de renégat que lui décochait Le Prolétaire de la Drôme, l’organe fédéral, il répondit par de vives attaques contre la fédération et ses militants, contre le Parti socialiste, contre les « dogmes », les « carcans », les « chaînes », par des communiqués dans la presse locale. Lors d’une campagne électorale de 1928, il prétendit encore avoir quitté la SFIO à cause de son dogmatisme. Il déclara même s’y être inscrit par distraction. Cette prétendue légèreté est démentie par la patience et l’opiniâtreté qu’il mit à conquérir un siège parlementaire sous l’égide du socialisme. La vérité est qu’il fut à son tour conquis par sa circonscription et, quand elle s’éloigna du socialisme, il s’en éloigna avec elle. La majorité de ses électeurs, petits propriétaires, même gênés, n’étaient nullement collectivistes, mais, par tradition, anticléricaux et démocrates. Après avoir un moment embrassé le socialisme, cette région amorça un revirement vers la droite, vers le conservatisme social qu’elle n’a cessé de poursuivre jusqu’à nos jours.
S’il garda quelques positions de gauche, s’il vota contre la loi des trois ans, au renouvellement de la Chambre des Députés en 1914, Roux-Costadau se présenta comme un sauvage, un homme seul déterminé à agir librement, à l’écart des partis. Le Parti socialiste lui opposa en vain Bonnardel. Roux-Costadau le distança largement par 4 690 voix contre 1 191 sur 17 856 suffrages exprimés et il l’emporta au second tour avec 7 271 sur 18 573, dans une nouvelle élection triangulaire, se classant en tête dans toutes les villes et les communes ouvrières. Pendant la guerre, il prit des positions pacifistes, se rendit en Suisse à la conférence socialiste de Kienthal (avril 1916). En 1919, le scrutin de liste l’élimina : il n’était pas connu hors de sa circonscription et il retrouva le même nombre de voix qu’en 1914 (7 282). Dans les mêmes conditions, il fut encore battu en 1924 par la puissante coalition du Cartel des gauches de Nadi et du radical Archimbaud. En 1928, le retour au scrutin d’arr. semblait devoir lui rendre ses chances. Mais il avait perdu le contact avec ses électeurs, s’était fixé à Paris dans le XVe arr., et le Parti socialiste lui opposa un solide adversaire en la personne de Jules Moch. Roux-Costadau tomba à 1 511 voix et se retira tandis que le candidat de la SFIO venait en tête avec 7 257 et l’emportait au scrutin de ballottage.
Il poursuivit alors à Paris une carrière de journaliste politique, assurant lui-même la parution de la Libre Opinion, des lendemains de la Première Guerre mondiale à la fin de la IIIe République. Son évolution vers la droite se confirma. Il s’en prit bientôt aux fonctionnaires, critiqua le suffrage universel, demanda la réforme des institutions, la restauration de l’autorité de l’État et le retour à la terre. Il se proclamait volontiers admirateur de Mussolini. En 1936, il combattit vivement le Front populaire, et son journal prospéra, recueillant une abondante publicité. Toutefois, il évita de se compromettre avec le régime de Vichy, bien qu’il ait cru longtemps, jusqu’au-delà de juin 1944, à la victoire de l’Allemagne. À la Libération, il renonça à reprendre la publication de son journal et devint secrétaire général de La Victoire que Gustave Hervé se proposait de reprendre quand il mourut.
Roux-Costadau resta donc fidèle aux idées politiques prônées dans La Libre Opinion. Il partageait son temps entre Paris, où il faisait quelque peu de représentation, et sa maison de Grignan (Drôme). L’homme, petit et brun, était au physique très méridional ; il l’était aussi au moral, par sa vivacité, sa verve, son aisance de plume et de parole dont il s’enchantait volontiers. Il a été finalement un solitaire, non dépourvu d’ambition, qui ne s’attarda pas dans le socialisme quand il en eut été revêtu d’un mandat.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article85307, notice ROUX-COSTADAU Ferdinand, Bienvenu, Henri, écrit parfois ROUX-COSTADEAU par Justinien Raymond, version mise en ligne le 30 mars 2010, dernière modification le 1er février 2019.

Par Justinien Raymond

ŒUVRE : Roux-Costadau collabora au Prolétaire de la Drôme, organe de la fédération socialiste, et à La Libre Opinion, qui était son journal.

SOURCES : Arch. Dép. Drôme, 9 M, 11 M, 10 T. 30 — 3 B. — Arch. Mun. Valence, 38 I 18. — Arch. Ass. Nat., dossier biographique. — Registre d’immatriculation de l’école de Saint-Mamans (Drôme). — Hubert-Rouger, Les Fédérations socialistes I, op. cit., pp. 254 à 267, passim. — Collections du Prolétaire de la Drôme et de la Drôme socialiste. — L’Humanité, 9 juin 1910 et 6 octobre 1912. — Renseignements tirés des archives privées de M. Boutoux, maire de Montguers (Drôme).

ICONOGRAPHIE : La France socialiste, op. cit., p. 383.

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