SAGNOL Jean, dit Joannès

Par Yves Lequin, Justinien Raymond

Né à Saint-Étienne (Loire) le 13 avril 1863 ; mort le 23 février 1946 à Saint-Rambert-sur-Loire (Loire) ; ouvrier rubannier ; militant socialiste de la Loire.

Sagnol avait travaillé jusqu’à l’âge de vingt ans comme ouvrier passementier à Saint-Étienne ; il n’avait fréquenté que l’école primaire, mais conserva toujours un goût de l’étude et un vaste appétit de lectures. Cet autodidacte avait acquis suffisamment d’instruction pour devenir secrétaire, à Cannes, de Benoît Malon, dont il avait fait la connaissance pendant son service militaire ; il vivait chez la belle-sœur du leader socialiste. Il conservait cependant des relations avec Saint-Étienne, et, en 1884, notamment, il participa à l’agitation des ouvriers sans travail, aux côtés de Crozier.
Après un séjour en Italie au cours duquel il assista au congrès pacifiste de Milan (février 1889), Sagnol revint définitivement dans la Loire. Là, il devint vite un des membres les plus en vue du Parti ouvrier stéphanois, participant à toutes les grandes luttes du moment, contre le boulangisme notamment. En mars 1890, il fut présenté par le PO et élu conseiller municipal de Saint-Étienne ; mais son influence s’amenuisa très vite ; ses ressources financières paraissaient suspectes à certains ; accusé d’avoir fait acheter par la ville 2 800 m2 de landes appartenant à son beau-père, un cafetier chez lequel se tenaient les réunions socialistes, au prix de 5 f le mètre carré, il fut expulsé du Parti ouvrier. Sagnol n’en continua pas moins à militer.
Il est assez difficile de définir exactement sa ligne politique qu’on ne peut rattacher à aucun des grands courants qui se partageaient le socialisme français ; cette indépendance vis-à-vis des idéologies fait de Sagnol un représentant typique des militants stéphanois de cette fin du XIXe siècle. Tout au plus peut-on déceler des tendances générales dans son action, dont la place relative varia selon les périodes ; au début de sa vie militante, il consacra une part importante de ses activités à la lutte anti-belliciste : il avait créé, avec Crozier, le comité stéphanois de la lutte contre la guerre, et avait été un des orateurs au meeting organisé par cette formation et le Parti ouvrier, le 25 mai 1889, à Saint-Étienne ; il collaborait au journal Guerre à la guerre et s’était rendu, en mars 1890, au deuxième congrès pacifiste de Cannes. C’était un modéré : de juin à novembre 1891, il fut, à la place de Laurent Crozier condamné, le rédacteur en chef du Réveil des Mineurs, devenu l’organe de la Fédération nationale de cette corporation ; mais ses articles furent désavoués et il dut céder la place. En 1896, dans une conférence, il se prononça pour un « socialisme municipal », la forme la plus rationnelle, et la décentralisation, définissant le socialisme lui-même comme une « association de toutes les forces sociales, en vue du bien-être général, la communion des intérêts, des sentiments... » (Arch. Dép. Loire, 10 M 112).
En 1900, il fut à nouveau élu conseiller municipal, sur la liste de Jules Ledin, le maire socialiste ; il semble avoir hésité à ce moment-là sur le chemin à prendre : en octobre, il était signalé comme un des rares socialistes stéphanois hostiles à la participation ministérielle, et on associait même son nom à celui du marxiste Argaud ; mais, en novembre, c’est lui qui présida le congrès constitutif, à Saint-Étienne, d’une fédération socialiste autonome de la Loire qui n’incluait pas les groupes guesdistes ; il en devint le secrétaire lorsqu’elle adhéra au Parti socialiste français. Il l’était encore en 1905, et fut délégué à Paris au congrès d’unification, comme il l’avait été au congrès de Lyon en 1901. C’est avec lui que Ferdinand Faure, le secrétaire de la fédération de la Loire du PS de F., s’entendit en juin pour appliquer dans le département les décisions d’unité.
Mais Sagnol et ses amis, Briand, Augé et Charpentier, tergiversèrent ; ce n’est qu’en décembre qu’ils rejoignirent la fédération SFIO créée sans eux en juillet par les éléments révolutionnaires ; Sagnol n’occupa aucune fonction au bureau fédéral, mais, entre-temps, il était devenu conseiller général et adjoint au maire de Saint-Étienne. Son passage à la SFIO fut de courte durée : il suivit Briand devenu ministre du cabinet Sarrien, avec d’ailleurs la majorité des militants de la Loire ; il fut un des trois candidats à se réclamer du socialisme aux élections législatives de 1906, dans la 2e circonscription de Saint-Étienne ; il n’obtint que 1 349 voix et fut battu.
Tout en continuant à militer à la Ligue des Droits de l’homme et du citoyen, il resta actif dans la fédération socialiste autonome de la Loire rangée derrière Briand. C’est à ce titre qu’il représenta le département à la conférence inter-fédérale fondatrice du Parti républicain socialiste les 9 et 10 juillet 1911.
Demeurées stéphanoises, ses activités professionnelles changèrent. Publiciste au premier mariage, le 30 avril 1890 à Saint-Étienne puis, après divorce du 27 juin 1907, il était négociant au deuxième, le 8 février 1908 à Saint-Cyprien (Loire), et enfin après un précoce veuvage, industriel au troisième, le 14 août 1919 à La Garenne-Colombes (Hauts-de-Seine).
Il décéda le 23 février 1946 à la maison de retraite de Saint-Rambert-sur-Loire.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article85360, notice SAGNOL Jean, dit Joannès par Yves Lequin, Justinien Raymond, version mise en ligne le 30 mars 2010, dernière modification le 30 juin 2021.

Par Yves Lequin, Justinien Raymond

SOURCES : Arch. Nat., F7/ 12 199 et F7/ 12 499. — Arch. Dép. Loire, 10 M 85 et 86, 10 M 96, 10 M 112, 10 M 122, 10 M 125, 18 M 48 et 19 M 11. — Arch. Dép. Hauts-de-Seine, état civil. — Hubert Rouger, Les Fédérations socialistes II, op. cit., pp. 314-318, passim. — Yves Billard, Le Parti républicain-socialiste de 1911 à 1934, thèse, histoire, Paris 4, 1993. — Notes Roland Andréani.

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