SOULAGEON Pierre

Par Yves Lequin

Né le 23 août 1866 à Saint-Étienne (Loire) ; ouvrier plâtrier ; militant socialiste et syndicaliste de la Loire.

Pierre Soulageon adhéra en 1888 au Parti ouvrier stéphanois qui venait de reprendre ses activités, dans le petit groupe d’études des Jeunesses socialistes. L’année suivante, il créa une coopérative ouvrière de production des plâtriers-peintres, qui semble avoir été éphémère ; surtout, en 1890, il participa à la fondation de la Fédération des chambres syndicales et groupes corporatifs du Bâtiment, qui rassemblait neuf organisations ; il y prit une influence grandissante, ne tardant pas à en devenir le secrétaire. À ce titre, il fut le principal organisateur d’un congrès corporatif tenu à Saint-Étienne en 1891 ; en même temps, Soulageon était membre du conseil d’administration de la Bourse du Travail.
Mais, très vite, il refusa l’orientation modérée du Parti ouvrier stéphanois ; en novembre 1891, il alla représenter la Fédération du Bâtiment au IXe congrès national du POF, à Lyon, avec Mouret ; au début de 1892, il proclama son adhésion au guesdisme et, nommé membre de la commission de désignation des candidats socialistes pour les élections municipales du 1er mai, candidat lui-même, il s’opposa violemment à toute compromission avec les radicaux de Girodet ; en 1893, il prit la même position pour les législatives, dénonçant tout projet de « concentration » comme une trahison ; mais la tendance dure, qu’il incarnait avec Mouret et Benoît Dumas, ne fut pas suivie. La Bourse devint alors le champ clos de la lutte de tendances : Soulageon, qui avait déjà participé au congrès constitutif de la Fédération nationale des Bourses à Saint-Étienne en février 1892, avec mandat des syndicats de Cholet (Maine-et-Loire), fut désigné pour aller au IIe congrès, à Toulouse, et préféré à Laurent Crozier et Tardy, dont les attaches avec le possibilisme étaient connues ; mais à la mort de Chalumeau en novembre, Soulageon, candidat de l’aile révolutionnaire, fut écarté du secrétariat général qu’il postulait au profit du modéré Jules Ledin.
Il fit alors scission du Parti ouvrier en créant, au début de 1894, un nouveau groupe, « La Lutte des Classes », familièrement désigné, à cause de son programme révolutionnaire, sous le nom de « La Marmite ». Cette formation, avec Benoît Dumas, Argaud, proclama son adhésion au marxisme et entreprit une violente campagne contre Girodet et les radicaux d’une part, Jules Ledin et ses amis d’autre part. En même temps, bien qu’affaiblie par une scission au début de 1895, la « Lutte des Classes » fit un effort considérable de propagande et de recrutement, rallia Piger, et devint le noyau d’une « agglomération stéphanoise » opposée à l’union socialiste, de sympathies possibilistes ; dans les premiers mois de 1896, elle réussit à imposer aux autres formations l’unité socialiste, en dehors des radicaux, en vue des élections municipales : pratiquement, c’était une esquisse de réunion du socialisme stéphanois sur les positions révolutionnaires de Soulageon, dont l’influence devint considérable ; et, à la Bourse, au même moment, son ami Gilbert Cotte, le leader des mineurs, venait d’enlever le secrétariat à Jules Ledin.
Mais la campagne électorale, menée sur des thèmes sans équivoque, aboutit à un échec total : les militants des autres tendances reprirent aussitôt leur liberté en rejetant sur Soulageon les responsabilités de la défaite ; la « Lutte des Classes » elle-même se désagrégea à la fin de l’année. Une fois l’amertume passée, Soulageon tenta, avec Gilbert Cotte et Argaud, de rassembler à nouveau les collectivistes découragés ; en vain. Il recommença en janvier 1897, avec l’aide de Ranvier, sur un programme explicite d’adhésion au POF : le succès fut tout aussi médiocre ; la vieille méfiance stéphanoise pour le guesdisme restait entière ; ce n’est qu’en 1901 qu’Argaud réussira à constituer un groupe solide et cohérent.
Soulageon, par la suite, se rapprocha de Jules Ledin devenu maire de Saint-Étienne. Il avait été délégué aux congrès nationaux du Bâtiment à Bordeaux (1892) et à Paris (1893). Il représenta à nouveau la Bourse de Saint-Étienne au XIe congrès national corporatif — 5e de la CGT, à Paris (1900) ; au XIIe, à Lyon (1901) et au XVe à Amiens (1906). Il militait toujours au sein des syndicats de sa corporation et, en avril 1908, présida un meeting de Griffuelhes à Saint-Étienne, à l’occasion du congrès de la Fédération nationale du Bâtiment.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article85715, notice SOULAGEON Pierre par Yves Lequin, version mise en ligne le 30 mars 2010, dernière modification le 2 octobre 2022.

Par Yves Lequin

SOURCES : Arch. Nat. : F7/ 12 493. — Arch. Dép. Loire, 10 M 93, 10 M 96, 10 M 107 et 108, 10 M III, 10 M 113, 10 M 115, 92 M 70, 93 M 56 et 93 M 81.

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