TARBOURIECH Ernest, Hippolyte

Par Justinien Raymond

Né le 18 avril 1865 à Paris (Vie arr.), mort le 8 janvier 1911 à Paris (Ve arr.) ; avocat, professeur au collège des sciences sociales ; militant socialiste ; député du Jura (1910-1911).

Ernest Tarbouriech était le fils d’Ernest, Léopold Tarbouriech, professeur au collège Sainte Barbe, et d’Adélaïde Ledien, sans profession. Dans ce milieu bourgeois, il fit de solides études au collège où enseignait son père, puis à la faculté à Paris, et devint docteur en droit. Il s’inscrivit au barreau et exerça comme avocat à la Cour d’appel. Il enseigna en outre la législation et l’histoire du Droit moderne au collège libre des Sciences sociales dont il fut un des fondateurs en 1895.

Après avoir soutenu sa thèse en 1889 sur les assurances contre les accidents du travail, il devint un spécialiste de ce sujet et participa à la première session du Congrès international des accidents du travail. En 1895, il fut chargé au sein du cabinet d’André Lebon, ministre du Commerce et de l’Industrie, d’étudier la question qui aboutit au vote de la loi de 1898. il publia plusieurs ouvrages sur la question permettant de suivre son évolution d’une position strictement libérale en 1889 à une position socialiste.

L’affaire Dreyfus le prit tout entier ; il fut un des premiers adhérents de la Ligue des droits de l’Homme, appartint à son Comité central et c’est alors que, à l’âge mûr, il adhéra au socialisme. Quoique déjà professeur, il s’affilia en 1900 au groupe des étudiants collectivistes et, en septembre, il représenta le groupe n° 14 du Parti ouvrier de Calais (Pas-de-Calais) au congrès socialiste de Paris, salle Wagram. En 1902, il était au PSF et, au lendemain de l’unité de 1905, il appartint à la 5e section de la fédération socialiste de la Seine. Son adhésion présente une grande analogie avec celle de F. de Pressensé qui lui rendit cet hommage au bord de sa tombe en déclarant qu’il n’était pas venu au socialisme « dans un bouillonnement momentané d’enthousiasme juvénile, mais en toute maturité, après étude et réflexion [...]. Il n’était pas de ceux, ajouta-t-il, qui se font, au temps de la jeunesse, de la démagogie sans scrupules un moyen de parvenir rapidement, afin d’employer cyniquement leur maturité à servir les intérêts égoïstes, à renier leur passé et à châtier impitoyablement ceux qui ont eu la naïveté de prêter l’oreille à leurs déclarations » (L’Humanité, 12 janvier 1911).

Par la parole et par ses écrits, Tarbouriech se fit le propagateur du socialisme auprès des intellectuels. Il fut aussi un soutien ferme et constant du droit des femmes et il était vice-président de la Ligue qui en assurait la défense. Il était aussi membre du Comité de protection et de défense des indigènes. Au Congrès international d’Amsterdam (1904), parmi la délégation du PSF, il s’était rangé du côté de ceux qui, comme le Hollandais Van Kol et l’Allemand Bernstein, souhaitaient moraliser et non condamner l’action coloniale.

Il fut mêlé à toute la vie du Parti socialiste et ce dernier fut toute la vie de cet homme longtemps célibataire (l’acte de décès indique qu’il était célibataire au moment de sa mort). Et cet intellectuel prit une grande part à l’élaboration de la doctrine agraire du socialisme, surtout quand il eut été appelé par la fédération du Jura. Il avait été délégué de la Seine au congrès de Chalon-sur-Saône (1905). Il représenta le Jura le plus souvent avec la « citoyenne Tarbouriech » (sa sœur), aux congrès nationaux de Nancy (1907), Toulouse (1908), Saint-Étienne (1909), (avec la Fédération du Doubs), Nîmes (février 1910) et Paris (juillet 1910). À Saint-Étienne, il défendit l’idée que « les petits paysans constituent une classe qui est intermédiaire entre la classe prolétarienne et la classe capitaliste, mais dont les intérêts sont tous avec les prolétaires » (compte rendu, p. 233). Tarbouriech appartenait à la commission nommée par le congrès de Toulouse et chargée d’élaborer le programme agraire du Parti socialiste SFIO.

En 1906, les socialistes jurassiens posèrent sa candidature dans l’arr. de Saint-Claude où il recueillit 2 764 voix. « Il s’était, dit Ponard, merveilleusement adapté à l’esprit et à la pensée de notre fédération » (L’Humanité, 12 mars 1911). En 1910, Tarbouriech doubla presque le nombre de ses voix au premier tour de scrutin, en rassemblant 4 996 voix le 24 avril. Le 8 mai, il fut élu député par 6 731 suffrages sur 12 104 votants.

Mais le mal implacable qui avait déjà attaqué sa constitution délicate l’emporta, jeune encore, moins d’un an plus tard, à son domicile, 61 boulevard Saint-Germain.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article85819, notice TARBOURIECH Ernest, Hippolyte par Justinien Raymond, version mise en ligne le 30 mars 2010, dernière modification le 23 novembre 2022.

Par Justinien Raymond

ŒUVRE : Tarbouriech a collaboré à l’organe fédéral Le Jura socialiste, à L’Humanité (notamment un reportage sur les coopératives anglaises, en septembre 1908), à La Revue socialiste. — Essais sur la Propriété, Paris, 1904, in-18, 355 p. (Bibl. Nat. 8° R. 19 329). — La Cité future, essai d’une utopie scientifique, Paris, 1902, in-16, 484 p. (Bibl. Nat. 8° R. 17 011). Nous n’avons retenu que ces écrits spécifiquement socialistes.

SOURCES : Arch. Ass. Nat., dossier biographique. — Comptes rendus des congrès nationaux du Parti socialiste. — Hubert-Rouger, La France socialiste, op. cit., p. 163 et Les Fédérations socialistes II, op. cit., pp. 279-281. — L’Aurore, 17 janvier 1898. — L’Humanité, 12 mars 1911. — Hélène Heinzely, Le Mouvement socialiste devant les problèmes du féminisme, 1879-1914, DES, Paris (passim). — Madeleine Rebérioux, « Le Socialisme et la question coloniale. L’attitude de l’Internationale » in Le Mouvement social, n° 45, octobre-novembre 1963, pp. 13-15. — Biographie par Bernard Desmars, mise à jour en 2012 sur le site de l’Association d’études fouriéristes. — État civil de Paris.

ICONOGRAPHIE : La France socialiste, op. cit., p. 163.

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