TRESSAUD Frédéric, Alexandre, Napoléon

Né à Marseille (Bouches-du-Rhône) le 11 août 1861 ; ouvrier cordonnier à Marseille ; militant anarchiste, puis socialiste.

Dès l’âge de quinze ans, F. Tressaud prit part à l’action politique. Le 5 juillet 1876, poursuivi pour outrage à agent, il était acquitté (cf. Arch. Dép. M 2 III 56 B). Deux ans plus tard, il organisait le mouvement anarchiste à Marseille et il collaborait bientôt au journal anarchiste Le Révolté que Kropotkine et Élisée Reclus créaient à Genève le 22 février 1879.
Il représenta le « Cercle d’études sociales » de Marseille au 3e congrès ouvrier qui s’ouvrit dans cette ville le 20 octobre 1879 et fut un des membres importants du congrès. Il prit notamment la parole à propos de l’éducation qui, selon lui, devait être confiée aux Cercles d’études et non à la bourgeoisie qui ne consentirait jamais à la donner réellement ; il s’opposa aux motions xénophobes des autres délégués marseillais, Martin et Baculard, par exemple. Cette activité lui valut de faire partie de la commission de dix-neuf membres, chargée de l’exécution des décisions du congrès.
En mai 1881, Tressaud fut l’un des promoteurs du meeting de protestation contre l’exécution des nihilistes russes, meeting qui, tenu au Lazaret, quai de la Joliette, rassembla 20 000 personnes d’après d’Oussouville (10 000 d’après J. Coulet, Histoire du socialisme à Marseille, p. 16). Tressaud prononça un discours. Pour outrage à agent, il était condamné, le 31 mai, à vingt jours de prison avec Paule Mink (un mois) qui, pour la première fois depuis la Commune, avait arboré le drapeau rouge en ville.
En juin, Tressaud était délégué par les groupes socialistes de Marseille au congrès ouvrier régional de Cette qu’il présida. Ce congrès se déclara communiste-anarchiste par vingt-sept voix contre deux.
Le mois suivant, il signa une adresse — cf. La Révolution sociale, 6 mars 1881 — des anarchistes marseillais au congrès international anarchiste qui s’ouvrit à Londres — 14 juillet 1881 — adresse dans laquelle il était demandé au congrès d’adopter, pour la réorganisation de l’Internationale, les statuts de l’Association internationale des Travailleurs votés en 1873.
À la suite des violentes manifestations des mineurs de Montceau-les-Mines d’août 1882, et des attentats à la bombe perpétrés à Lyon, en octobre 1882, Tressaud, qui était allé habiter Lyon, fut impliqué dans le procès dit « Procès des 66 » qui s’ouvrit à Lyon devant le tribunal correctionnel, le 8 janvier 1883. Tressaud fut rangé dans la première catégorie des prévenus (Voir Bordat Toussaint). Après le réquisitoire, il lut une déclaration signée par quarante-sept prévenus, qui définissait la doctrine anarchiste dont ils se réclamaient. Il fut condamné, le 19 janvier 1883, à deux ans de prison, 500 f d’amende, dix ans de surveillance et cinq ans d’interdiction des droits civils. La cour d’appel de Lyon réduisit la peine, le 13 mars 1883, à un an de prison, 100 f d’amende et cinq ans d’interdiction des droits civils.
Amnistié, Tressaud revint se fixer à Marseille au début de mai 1884 et reprit son activité de propagandiste. En octobre 1888, il collaborait encore à l’International anarchiste.
C’est vers 1889 que Tressaud rejoignit, momentanément, les guesdistes. Il adhéra à l’Union socialiste révolutionnaire et combattit les possibilistes de la Voix du Peuple. Étienne Bellot fait de lui un portrait peu flatteur, l’accusant de vénalité et d’ignorance dans ses prétentions journalistiques, etc.
Il fut candidat de l’USR aux élections cantonales de 1889 à Salon-de-Provence, sans succès, puis aux élections législatives de la même année dans la 3e circonscription — la plus bourgeoise — de Marseille. Il n’obtint que 482 voix (2,7 % des inscrits). Sa candidature n’a servi qu’à compter les voix socialistes, écrivit Jean Coulet (op. cit., p. 88). Elle a fait le jeu de Charles Roux qui fut élu en enlevant des voix au radical Thourel qui avait quelques chances de vaincre, écrit Bellot (op. cit., p. 171).
Toujours en 1889, Tressaud fut délégué par l’USR et les chambres syndicales ouvrières de Marseille au congrès international de Paris. Il avait pour mandat de proposer et de faire adopter par le congrès une résolution tendant à organiser une journée mondiale annuelle de manifestation des travailleurs. À la suite de quoi, Bebel proposa le 1er Mai (D’Oussouville, op. cit.).
De retour à Marseille, Tressaud s’appliqua à organiser le 1er Mai 1890 dans la ville et dans le Midi. À l’appel des chambres syndicales, il y eut ce jour-là 50 000 manifestants à Marseille.
En 1892, Tressaud fut élu conseiller municipal de Marseille sur la liste Flaissières et nommé administrateur des hospices civils. Mais, l’année suivante, il fut accusé d’avoir trafiqué des bons de pain confiés par la municipalité. Condamné à deux mois de prison, il fut acquitté à Aix en appel.
Il se présenta aux élections législatives de 1893 dans la 4e circonscription de Marseille comme candidat socialiste révolutionnaire, en même temps que Jean Coulet, guesdiste, Vaulbert et Ollive, socialistes indépendants. Il dut se justifier des attaques portées contre lui à propos de l’affaire récente des bons de pain. Les anarchistes lui portèrent également la contradiction en réunion publique. La Marseillaise du Midi (organe de la Ligue du Midi) l’accusa enfin d’avoir trahi le socialisme. Il n’obtint que 808 voix au premier tour (4,3 %) et se retira au profit d’Ollive mieux placé. Mais lorsque ce dernier eut retiré sa candidature en faveur de Félix Abram, radical, Tressaud reposa sa candidature contre « le banquier juif et boulangiste » et obtint 5,6 % des voix des inscrits, soit 1 028. Ce fut le député sortant, le radical socialiste, qui fut élu.
En 1895, Tressaud ne se représenta pas aux élections municipales après la démission collective de la liste Flaissières. Il fut, par contre, la même année, élu conseiller général du canton de Roquevaire qui comprend le bassin minier de lignite.
En août 1895, il présenta au conseil général une motion avec Pierre Roux, contre l’expédition de Madagascar (cf. A. Olivesi, Le Mouvement social, n° 46, p. 41).
Tressaud fut encore candidat en 1897 à l’élection législative partielle d’Aix et en 1898 aux élections générales législatives contre Camille Pelletan dans la 2e circonscription d’Aix. Il échoua à chacune de ces élections de même qu’il échoua en 1901 lorsqu’il se représenta au conseil général. Echec encore aux élections législatives de 1902. Depuis longtemps il avait abandonné son métier de cordonnier et était devenu publiciste, puis employé de commerce en 1889.
En 1905, Tressaud était membre de la fédération socialiste autonome des Bouches-du-Rhône et donc socialiste indépendant. Il fut réélu en 1907 conseiller général du canton de Roquevaire, ce qui l’incita à tenter encore une fois sa chance aux élections législatives de 1910, mais il arriva en dernière position au premier tour.
Un rapport de 1910 le disait tenancier de bar et vivant surtout du métier de preneur de paris aux courses.
Le 24 juillet 1911, il fut surpris en flagrant délit, « faisant le bookmaker au domicile de sa maîtresse ». Ce sont là les propres termes du rapport du commissaire de la Sûreté adressé au préfet le 25 juillet (Arch. Dép. M 3/45).
Il fut condamné, par arrêt de la cour d’appel d’Aix, le 31 janvier 1912, à 500 f d’amende et à cinq ans d’interdiction des droits civiques. Son pourvoi en cassation fut rejeté, et Tressaud fut donc déclaré déchu de son mandat de conseiller général du canton de Roquevaire.
On le retrouve une dernière fois candidat, en 1920, aux élections sénatoriales, mais il n’obtint que 9 voix au premier tour.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article86104, notice TRESSAUD Frédéric, Alexandre, Napoléon , version mise en ligne le 30 mars 2010, dernière modification le 20 septembre 2014.

Collaborations : Le Révolté, Genève, 1er numéro : 22 février 1879. — Le Droit social, Lyon, 12 février-23 juillet 1882, et L’Étendard révolutionnaire qui lui succéda (30 juillet-15 octobre). — Le Travailleur (Marseille) mais nous ne pouvons préciser s’il s’agit du Travailleur, organe des corporations syndicales qui paraissait en 1880, ou du Travailleur qui parut en 1888. — Le Peuple (Marseille) dont il fut le gérant. — Le Petit Provençal (Marseille), 1893.

SOURCES : Arch. Nat. F7/12 448. — Arch. PPo., B a/1 476. — Arch. Dép. Rhône, M 2 III, 49, 49 bis, 52, 53 B, 56 B, M 3/45 et 50 bis, M 5/191, M 6/3 387, 3 390, 3 392 et 3 393. — Compte rendu du congrès de Marseille, 1879. — Dictionnaire biographique des Bouches-du-Rhône, 1900. — D’Oussouville, Historique du conseil général... — Hubert-Rouger, Les Fédérations socialistes (Bouches-du-Rhône) op. cit. — Jean Maitron, Histoire du Mouvement anarchiste..., op. cit. — Le Procès des anarchistes devant la police correctionnelle et la cour d’appel de Lyon, 1883. — Documentation fournie essentiellement par MM. A. Olivesi, L. Gaillard et R. Bianco.

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