TROCLET Léon

Par Didier Bigorgne

Né le 14 février 1872 à Bagimont ( Belgique), mort le 7 octobre 1946 à Liège (Belgique) ; ouvrier couvreur en ardoise ; militant socialiste révolutionnaire dans les Ardennes, puis socialiste en Belgique ; député (1900-1904, 1907-1936, puis 1945-1946) et échevin (1933-1946) de Liège.

Fils d’un cultivateur de d’une mère au foyer, Léon Troclet naquit dans la province du Luxembourg, à quelques kilomètres de la frontière. Il arriva dans les Ardennes en 1885. Apprenti couvreur à Nouzon, il exerce ensuite son métier à Charleville.

En 1887, Léon Troclet participa à la fondation de la chambre syndicale du bâtiment qui adhèra à la Fédération des Travailleurs socialistes des Ardennes, alors affiliée à la FTSF. Il milita au côté de Jean Baptiste Clément*. Le 19 août 1891, parrainé par Jules Toupet et Auguste Badré, deux pionniers du mouvement socialiste ardennais, il fut admis au cercle d’études sociales l’Etincelle de Charleville qui avait suivi la fédération au POSR (Parti ouvrier socialiste révolutionnaire) après la scission au congrès de Châtellerault (9-15 octobre 1890). Léon Troclet ne tarda pas à se faire remarquer par ses propositions. Le 3 octobre, il se prononça contre la peine de mort et déposa un vœu pour en demander la suppression. Le 14 novembre, il proposa que fût ajouté au programme du POSR un texte de loi qui interdirait aux patrons occupant plus de cinq ouvriers « de vendre à boire, de l’épicerie ou tout autre objet servant à la consommation de leurs ouvriers ».

Léon Troclet fut élu secrétaire adjoint du cercle, le 17 septembre 1892. Il se distingua alors par ses prises de positions qui égratignaient les croyances et les institutions. Il dénonça le mariage et se prononça pour l’union libre (26 novembre 1892). Il s’attaqua au fléau de la prostitution (12 novembre 1892) qui se développait à Charleville. Il libéra son anticléricalisme en niant l’existence de Dieu (8 octobre 1893). Il s’éleva contre le chauvinisme patriotique (23 octobre 1893), critiqua l’armée et mit en garde les conscrits contre le danger d’une nouvelle guerre (29 septembre 1892).

Léon Troclet se forgea la réputation de spécialiste des questions internationales. Il encouragea les ouvriers belges, qui avaient déclenché la grève générale dans leur pays, à persévérer dans leur lutte pour la conquête de l’égalité politique (15 avril 1893). Il félicita les travailleurs allemands pour leur propagande antimilitariste qui avait eu pour principal résultat le rejet de la loi militaire par le Reichstag (27 mai 1893). Surtout, il condamna l’alliance franco-russe (15 octobre 1892) et les interventions militaires de la France au Dahomey et au Siam (28 juillet 1893).

A la fin du mois de décembre 1893, Léon Troclet, avec d’autres militants de nationalité belge, fut expulsé du territoire français. De retour dans sa Belgique natale, il s’installa à Liège et continua le combat socialiste. Il devint secrétaire de la Fédération liégeoise du Parti ouvrier Belge et créa le quotidien La Wallonie qui ne parut que dix jours. Il fut aussi l’un des fondateurs du cercle de propagande pour la province du Luxembourg, avec son journal Le Réveil du Luxembourg. Plus tard, en 1938, il contribua à l’organisation du premier congrès des socialistes wallons

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Dans le même temps, Léon Troclet maintint des relations avec les socialistes français. Il prêta sa plume au journal antimilitariste Le Conscrit d’Ardenne et effectua de fréquents séjours dans son département d’adoption. Sa dernière apparition dans les Ardennes fut le jour de l’inauguration du buste de Jean-Baptiste Clément à Nouzonville le 27 juin 1937. Devant une foule importante, au côté de Pierre Lareppe *(député maire communiste de la ville), de Marcel Cachin* (sénateur communiste et directeur de L’Humanité) et d’Emile Chausse *(ancien militant du POSR et président du conseil municipal de Paris), il prononça un discours dans lequel il rendit un vibrant hommage à son ancien compagnon de lutte.

Léon Troclet devint vite un élu. Conseiller provincial de Liège à partir de 1900, il fut député de Liège de 1900 à 1904, et conseiller communal de Liège en 1904 (jusqu’en 1946). Il redevint député de 1907 à 1936, puis du 21 octobre 1945 au 7 octobre 1946. Elu premier échevin de Liège en 1933, il remplit la fonction de bourgmestre du 13 janvier au 9 avril 1940, dans des conditions difficiles. Il retrouva son poste de premier échevin et l’occupa jusqu’à sa mort.
Léon Troclet milita pour un fédéralisme modéré. Le 20 octobre 1912, il participa à la création de l’Assemblée wallonne. Délégué de la région de Neufchâteau-Virton, il fut membre de son bureau permanent de 1925 à 1940. En 1913, il assista au congrès de la Ligue wallonne et y présenta un projet de fédéralisme avec la reconnaissance de trois régions, la Flandre, la Wallonie et l’agglomération de Bruxelles. Il anima aussi le congrès national wallon qui rassembla des milliers de manifestants à Liège, en 1945.

A la mort de Léon Troclet, les Liégeois reportèrent leur confiance sur son fils Léon-Eli Troclet, né le 14 juin 1902 à Liège, avocat de profession, qui fut élu député, puis sénateur, et devint ministre du Travail et de la Prévoyance sociale.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article86118, notice TROCLET Léon par Didier Bigorgne, version mise en ligne le 30 mars 2010, dernière modification le 6 novembre 2017.

Par Didier Bigorgne

Sources : Arch. de la Fédération des Travailleurs socialistes des Ardennes (médiathèque de Charleville –Mézières).— Registres du cercle d’études sociales L’Etincelle de Charleville, 1888 à 1896 (médiathèque de Charleville-Mézières).— L’Emancipateur,1891 à 1895.— Le Socialiste Ardennais, 4 juillet 1937.— Didier Bigorgne, Les allemanistes (1882-1905). Itinéraires, place et rôle dans le mouvement socialiste français, 2 volumes, Lille, Diffusion ANRT, 2003.— Didier Bigorgne, « Léon Troclet, immigré belge et socialiste révolutionnaire dans les Ardennes », La Vie Walonne, Liège, 1993.— Paul Delforge, « Troclet Léon », Encyclopédie du mouvement Wallon, notice 6012, tome III, juin 2001.— Notes de Pascale Leyder.— Etat civil de Vresse -sur-Semois (commune de Bagimont) et de Liège.

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