VALETTE Aline (née GOUDEMAN Alphonsine, Eulalie)

Par Justinien Raymond

Née le 4 octobre 1850 à Lille (Nord) ; morte le 21 mars 1899 à Arcachon (Gironde) ; institutrice, puis inspectrice du travail à Paris ; militante socialiste et féministe ; dirigeante du Parti ouvrier.

Aline Valette, dans Le Socialiste du 26 mars 1899.

Aline Valette était la jumelle d’un garçon prénommé Georges Charles. Mariée le 16 octobre 1880 (Paris, 16e) à Jules Albert Antony Georges Valette, que l’on disait avocat, mais qui est réputé négociant sur l’acte de mariage, elle s’en serait séparée cinq ans plus tard, pour finalement divorcer le 18 mai 1889. Ils eurent deux fils, Georges et Silvio.

Acquise très jeune aux idées socialistes, Aline Valette était membre de l’entourage d’André Léo dès la fin des années 1860. Elle fut, avant l’unité de 1905, une des militantes les plus en vue du mouvement socialiste.
Elle appartenait au corps enseignant et exerça dans un établissement libre de Montmartre, puis à l’école mixte d’enseignement théorique et pratique de la rue Ganneron à Paris. Avec Marie Bonnevial et quelques autres collègues elle jeta les bases du premier syndicat de professeurs. Plus tard, devenue publiciste, elle adhéra au Syndicat des journalistes socialistes et, au tournant du siècle, elle appartenait à ses commissions d’étude et de propagande. Son camarade de combat, Ch. Vérecque, qui ne retient qu’elle comme militante dans son Dictionnaire du Socialisme, la présente comme une femme modeste et réservée au regard ouvert et doux.
Elle fut cependant, malgré une santé précaire, une militante active, à la pensée ferme et audacieuse, douée d’un réel talent oratoire et de dons d’organisation. Déléguée au premier et timide congrès ouvrier de la rue d’Arras, à Paris, en 1876, elle adhéra, dès sa naissance en 1879, au POF auquel elle resta fidèle au cours des scissions ultérieures. J. Guesde la tenait en haute estime, comme la seule femme qui eût, disait-il, compris le marxisme. Tout en participant activement à la vie intérieure du parti, elle se donna par la propagande orale et par le journal. Elle fut une des trois femmes à siéger parmi les 92 délégués du XIe congrès du POF à Paris en 1893. Elle fut portée au Conseil national, première femme à appartenir en France à la direction d’un parti, à laquelle au surplus, son appartement, 12, rue Notre-Dame de Lorette, servait de siège. Elle fut déléguée aux congrès nationaux de 1894, 1895, 1897 et aux congrès internationaux de 1889 et de 1891.

Mais A. Valette fut également une animatrice du mouvement féministe et, en ce domaine, la guesdiste qu’elle était se distinguait du maître et professait des idées originales. « Les socialistes, écrivit-elle, ont, pour le moment, une fâcheuse tendance à ne voir le rôle de producteur de la femme que dans son état d’ouvrière et à faire abstraction de son rôle social, infiniment plus important, de reproductrice de l’humanité elle-même [...] Comme ouvrière, elle doit, dans le Parti socialiste, travailler à la prise de possession des instruments de production ; comme femme, elle doit, dans le Parti sexualiste, travailler à prendre possession d’elle-même, car, dans la production de l’Espèce [...] elle est elle-même instrument de production » (Socialisme et Sexualisme, p. 72). A. Valette pensait que « la formule socialiste ne répond pas tout à fait à la révolution sexuelle que nous préparons. » (ibid., p. 74). Elle organisa des groupes de femmes et les rassembla en 1892 avec ceux qui existaient déjà en une Fédération nationale des Sociétés féministes dont elle devint secrétaire et qui, affiliée au POF, la délégua au congrès national de 1893 où elle fut élue au Conseil national.
Elle fonda et dirigea L’Harmonie sociale, « Organe des droits et des intérêts féminins », qui parut du 15 octobre 1892 jusqu’à juillet 1893. Ce fut un des premiers organes à poser les droits de la femme sur le plan socialiste.

Aline Valette était devenue inspectrice du travail des femmes et des enfants (Le Socialiste, 23 octobre 1892). Elle eut des démêlés avec l’administration du ministère du Travail. Le 4 février 1893, elle demanda à être inscrite sur les listes électorales à Asnières.
Elle rédigea un Cahier des doléances féminines, qui fut adopté le 26 mars 1893 par la Fédération française des Sociétés féministes, puis publié en une brochure de 21 pages massivement diffusée à l’occasion du 1er mai.

Son activité professionnelle et militante eut vite raison d’un corps fragile : sur la côte des Landes où elle était venue chercher le repos, Aline Valette, entourée de ses deux fils, mourut phtisique, à l’âge de quarante-huit ans. Lors de ses obsèques (23 mars 1899), Cachin et Roussel saluèrent sa dépouille au nom du POF. Le 31 janvier 1900, J. Guesde présida la cérémonie d’inauguration d’un monument élevé sur sa tombe.

En 1900, un groupe du Parti ouvrier à Calais lui rendit hommage en prenant le nom de Groupe Aline Valette. En 1904, la ville de Romilly-sur-Seine (Aube) donna son nom à une rue. Dans les années 1930, le groupe des femmes socialistes de Lille prit à son tour le nom de Groupe Aline Valette ; sa première secrétaire fut Marie-Louise Jamin.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article86187, notice VALETTE Aline (née GOUDEMAN Alphonsine, Eulalie) par Justinien Raymond, version mise en ligne le 30 mars 2010, dernière modification le 10 août 2022.

Par Justinien Raymond

Aline Valette, dans Le Socialiste du 26 mars 1899.

ŒUVRE : A. Valette collabora aux revues et journaux suivants : La Revue socialiste, Le Socialiste, La Petite République, Le Peuple (de Lyon), Le Matin, L’Harmonie sociale, La Revue féministe, fondée le 1er octobre 1895, La Fronde, lancée le 9 décembre 1897 et où elle rédigeait régulièrement « La tribune du travail » (une édition d’articles de La Fronde, Femmes et travail au XIXe siècle a paru en 1984).
Écrits divers : La Journée de la petite ménagère, paru pour la première fois en 1883 (4 rééditions de 1885 à 1898 au catalogue de la BnF). — Socialisme et Sexualisme, programme du parti socialiste féminin, Paris, 1893, en collaboration avec le Dr Z (Pierre Bonnier). Reproduit en annexe le Cahier des doléances féminines. — Elle serait également la rédactrice de L’Œuvre des libérées de Saint-Lazare, paru en 1889.

SOURCES : Arch. PPo., B. a/1290. — IISG Amsterdam, Fonds Descaves : 2 lettres d’elle datant de 1897 y sont conservées sous la cote 627 ; d’autres lettres de 1874, y figurent également à la cote 538 sous le nom de G. Alphonsine. — Ch. Vérecque, Dictionnaire du Socialisme, op. cit., pp. 486-487. — Sorgue, Le Mouvement socialiste, n° 6, 1er avril 1899, pp. 347-349. — Léon Osmin, Figures de jadis, pp. 84-87. — Andrée Marty-Capgras, « Pionnières », in Almanach populaire édité par le Parti socialiste, Paris, 1939, pp. 152 à 154. — Hélène Heinzely, Le Mouvement socialiste devant les problèmes du Féminisme (1879-1914), DES, Paris, s.d., 221 p. — Notes de Jean-Pierre Bonnet. — La Petite République, 23 mars 1899. — Notes de Julien Chuzeville. — Sylvie Schweitzer, Les inspectrices du travail, 1878-1974, Presses universitaires de Rennes, 2016, p. 34, 35, 44 et 151.

ICONOGRAPHIE : Le Socialiste, 26 mars 1899, p. 1. — A. Marty-Capgras, op. cit., p. 153. — Paul Louis, Le Parti socialiste en France (Encyclopédie socialiste), 1912, p. 29.

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