VICHE Pierre, Louis, Henri

Par Justinien Raymond, Jean-Jacques Doré

Né le 27 mars 1877 à Rouen (Seine-Inférieure, Seine-Maritime), mort à Reims (Marne) le 27 avril 1910 ; ouvrier typographe puis imprimeur ; président de la Bourse du Travail de Rouen en 1906 ; militant socialiste ; coopérateur de Normandie.

Fils d’un garçon de restaurant, Pierre Viche, cheveux châtains, yeux gris bleus, grand pour l’époque (1 m. 78), militait au sein de la chambre syndicale des Ouvriers typographes de Rouen.

En 1900, il rejoignit le mouvement socialiste et en 1903, succéda à Ernest Lepez au secrétariat de la fédération socialiste de la Seine-Inférieure puis en 1905 et 1906 dans la fédération unifiée. Il représenta son parti aux élections du conseil municipal de Rouen et, en 1904, au conseil général dans le canton de Darnétal puis dans le quatrième canton de Rouen en 1907 où il recueillit 300 voix. Candidat aux élections législatives de 1906 dans la troisième circonscription de Rouen, 2 206 voix se portèrent sur son nom (le marquis de Pommery fut élu avec 11 335 voix).

Pierre Viche mena en parallèle une intense activité de syndicaliste et de coopérateur. Gérant du journal Le Semeur, il fut, avec Ernest Poisson, l’un des fondateurs de l’imprimerie coopérative de Rouen et prit, en janvier 1906, la présidence de la Bourse du Travail assisté de Lucien Alleaume (vice-président), Célestin Briot (secrétaire), Léon Torton (secrétaire adjoint) et Pimard (trésorier).

Les incidents de la célébration du 1er mai 1906 - rapportés par Le Journal de Rouen - témoignaient et de son influence sur la population ouvrière de l’agglomération rouennaise et du respect que lui portaient les autorités locales : « À la sortie du meeting de la Bourse du Travail, vers 11 heures du soir, une foule considérable se rassemble place de la basse-vieille-tour et un cortège se forme au son de La Carmagnole et de L’Internationale ; il emprunte le pont Corneille et se dirige vers le quartier Saint-Sever rive gauche avec à sa tête le citoyen Viche. Les gardiens de la paix tentent de lui bloquer le passage. Dans le corps à corps qui se produit, Monsieur Viche insulte les agents et prétend qu’étant candidat à la députation, la police n’a pas le droit de porter la main sur lui. Les gardiens de la paix, malgré ses protestations, l’entraînent vers le poste des Arts. C’est alors une galopade effrénée de tous les partisans du citoyen qui crient "Viche est arrêté ! délivrons Viche !" Les assaillants sont repoussés pendant que le typographe est entraîné au poste. Les agents sont injuriés et lapidés, plusieurs sont blessés. Monsieur Viche a tenté de s’expliquer sur son écart de langage et accusé les agents de brutalité. Il a du décliner son état civil mais a été remis en liberté devant la pression de la foule et l’intervention de ses amis. » D’autres, comme Léon Torton furent condamnés à des peines de prison ferme pour moins que cela.

Assistant comme délégué au XVe congrès national corporatif — 9e de la CGT — et à la conférence des Bourses du Travail tenus à Amiens du 8 au 16 octobre 1906, il fut rapporteur, au nom de la 3e commission, sur la question « des relations entre la Bourse des coopératives socialistes et la CGT » (cf. c. rendu pp. 192-197). Le rapport, qui fut adopté, précisait que dans l’immédiat, syndicalisme et coopération n’avaient pas à être liés « par une entente définitive » ; il invitait les syndiqués à devenir coopérateurs et les coopérateurs à adhérer à la CGT ; il estimait « que tout au moins les conseils d’administration des coopératives doivent être, à l’avenir, absolument et entièrement composés de travailleurs syndiqués et confédérés, seule considération qui assure aux employés des coopératives un caractère de sécurité dans les conflits qui peuvent surgir entre eux et les conseils d’administration. »

Le 23 janvier 1907, à propos des événements du Midi, P. Viche fut condamné pour délit de presse (apologie de " la grève généraliste insurrectionnelle") à trois mois de prison, peine ramenée à quinze jours. Affaibli par la maladie, il dut réduire ses activités, mais il continua à donner de nombreuses conférences à la Bourse du Travail de Rouen.

Il se maria à Rouen avec Juliette Nicolas le 11 mai 1908, ils avaient deux enfants et habitaient 93 rue Cauchoise.

Sa santé déclinant, les frères Lepez lui proposèrent de prendre la direction d’un des entrepôts de la coopérative des vignerons paysans de Gruissan (Hérault). Finalement la famille Viche quitta Rouen pour Nantes (Loire-Inférieure, Loire-Atlantique) en 1909 et début 1910, ils déménagèrent à Reims pour gérer les entrepôts d’une coopérative viticole ; ce fut là qu’il mourut le 27 avril 1910.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article86370, notice VICHE Pierre, Louis, Henri par Justinien Raymond, Jean-Jacques Doré, version mise en ligne le 27 janvier 2021, dernière modification le 27 octobre 2022.

Par Justinien Raymond, Jean-Jacques Doré

SOURCES : Arch. Dép. Seine-Maritime 10 MP 1406 Syndicats 1911-1917, 10 MP 406, État civil, Registre matricule militaire. — Arch. Mun. Rouen. — Hubert-Rouger, Les Fédérations socialistes II, op. cit., pp. 600, 603 et 613. — Compte rendu du congrès d’Amiens. — Direction des affaires sociales de la préfecture, dossiers non versés aux archives. — Le Journal de Rouen passim.

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