VILAREM Louis

Par Jean Sagnes

Né et mort à Banyuls-sur-Mer (Pyrénées-Orientales), 16 novembre 1857-2 août 1928.

Rien ne semblait prédisposer ce militaire de carrière, ancien Saint-Cyrien, à se porter candidat à la députation dans la 1re circonscription de Béziers (Hérault) sous l’étiquette de « socialiste prolétaire » ! Mais en 1907, Louis Vilarem, commandant au 17e régiment d’infanterie de ligne, se trouvait, le 20 juin, à Agde lors de la fameuse mutinerie de ce régiment et, dès le 29 juin 1907, il était envoyé avec son unité à Gafsa et y demeurait jusqu’au 12 mai 1908.
Témoin de la mutinerie qu’il s’efforça d’arrêter dès le début, alors que la plupart des officiers du régiment, selon lui, étaient dépassés par les événements, L. Vilarem n’en fut pas moins très vite tenu en suspicion par ses supérieurs parce que, très proche des soldats, il comprit leur émotion sans approuver toutefois leur action.
Après que les mutins eurent regagné leur caserne de Béziers, le 21 juin, le régiment fut envoyé à Gap. Là, le 25 juin, fut constitué à partir des trois bataillons du régiment le bataillon d’épreuve comprenant les hommes tenus pour les plus actifs lors de la journée du 20 juin. Ce bataillon fut placé sous le commandement de Vilarem et embarqua à Villefranche-sur-Mer le 26. Ce jour-là, écrit Vilarem, « il n’y avait plus à se le dissimuler ; tout comme mes hommes, j’avais le cabriolet au poing. »
À Gafsa, alors que les ordres donnés étaient tout à fait opposés, Vilarem s’efforça d’adoucir le sort de ces soldats, persuadé qu’il était que la mutinerie avait été la conséquence d’une provocation policière. Ces événements qu’il a relatés dans une brochure datant de 1910, Une page d’histoire. — Pour mes soldats : la vérité sur le 17e d’infanterie, furent pour lui l’occasion d’une prise de conscience. Les dernières lignes de son livre montrent le chemin parcouru en quelques années par ce militaire discipliné : « Pourtant une chose a été bien douce à mon cœur de prolétaire : c’est le spectacle de l’aveulissement, de la terreur des représentants de cette société bourgeoise. Ce jour-là, j’ai vu clairement, ô régime d’hypocrisie, de mensonge et d’iniquité, que tu es au bord de l’abîme où la culbute finale va te précipiter. Puisque dans une escarmouche de guerre civile, les clairons du 17e ont failli sonner ton hallali, je distingue avec joie l’heure peu lointaine où un assaut préparé, combiné et étayé sur toutes les forces populaires, te couchera à jamais effondré, non dans le sang qui peut avoir sa gloire, mais dans la boue qui te couvrira de honte. Ce jour-là, je ne serai plus à tes côtés, mais bien en face ! »
C’est pour s’exprimer librement sur la révolte du 17e et la répression qui la suivit que Vilarem avait quitté l’armée le 10 juin 1908. Il était alors venu habiter Béziers. Sa brochure parut au début de 1910, et, le 24 avril de la même année, lors du premier tour des élections législatives, il était candidat dans la 1re circonscription de Béziers (cantons de Béziers 1 et 2, Agde et Capestang).
Le but principal de sa candidature était de protester contre l’attitude du gouvernement lors des événements de 1907. Officiellement il se présentait comme « socialiste indépendant ». Dans sa profession de foi, il se disait « socialiste prolétaire, patriote et militariste » ! Il insistait beaucoup sur le fait qu’il était sans fortune, « déshérité ». Par ailleurs son programme se résumait en quelques points : impôt sur le revenu, retraites ouvrières et, assez curieusement, liberté d’enseigner aux instituteurs sous le seul contrôle des pères de famille et non du gouvernement. Il s’agissait donc d’un socialisme bien édulcoré.
Les autorités, d’abord inquiètes de sa candidature qui risquait de raviver les souvenirs de 1907, se rassuraient bientôt à la lecture des rapports de police : Vilarem ne suscitait que fort peu d’enthousiasme. En fait, l’ancien commandant du 17e était un homme seul, sans comité de soutien, sans partisans, boycotté totalement par les journaux régionaux. Aussi n’obtint-il que 641 voix sur 22 766 suffrages exprimés. D’après la presse, il se serait alors désisté pour le député radical sortant Louis Lafferre, mais la chose n’est pas prouvée.
Louis Vilarem se retira ensuite dans sa ville natale de Banyuls-sur-Mer où il mourut dix-huit ans plus tard. Son incursion dans la vie politique comme socialiste ne paraît pas avoir eu de prolongement.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article86406, notice VILAREM Louis par Jean Sagnes, version mise en ligne le 30 mars 2010, dernière modification le 22 octobre 2017.

Par Jean Sagnes

ŒUVRE : Une page d’histoire. — Pour mes soldats : la vérité sur la mutinerie du 17e d’infanterie (Éditions de l’œuvre, 1910), in-8°, 60 p., plan.

SOURCES : Une page d’histoire... (op. cit.). — Arch. Dép. Hérault, 15 M 60 et 15 M 63. — Arch. Dép., Pyr.-Orient, I R 347. — Renseignements aimablement fournis par la mairie de Banyuls-sur-Mer (PO).

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