EDWARDS Alfred

Par Justinien Raymond

Né en 1856 à Constantinople ; mort à Paris, le 10 mars 1914 ; journaliste. Il servit quelque temps le mouvement socialiste pour des raisons très personnelles.

Le mouvement socialiste a eu ses serviteurs obscurs et dévoués ; il a suscité des héros ; il a eu des adhérents venus à lui par mode et qui l’ont quitté comme ils l’avaient rallié ; il a bénéficié du service inestimable d’intellectuels, de bourgeois lui apportant leur savoir, leur talent et l’aide matérielle ; il a charrié aussi des arrivistes de toutes origines ; gens du peuple que l’embourgeoisement a pervertis, intellectuels en quête de mandats électoraux et comptant sur le dévouement de militants et le soutien d’une organisation. Alfred Edwards offre le cas unique d’un multimillionnaire qui rallia le Parti socialiste et mit un journal à sa disposition pour combattre le ministère dirigé par un parent qu’il détestait.
Né d’un père Anglais et d’une mère Française, il était entré très jeune dans le journalisme, servit successivement Le Figaro, Le Gaulois et Le Clairon, puis fonda Le Matin. Il introduisit dans la presse parisienne les méthodes du « reportage » à l’américaine. Il avait nourri quelque temps des ambitions dramatiques et créé une troupe pour tournées en province, qui échoua. Alfred Edwards était le beau-frère et l’ennemi juré de Waldeck-Rousseau. Lorsque ce dernier, à l’issue de la bataille dreyfusarde, constitua un cabinet de défense républicaine où voisinaient le socialiste indépendant Millerand et le « Versaillais » général de Gallifet, et que les tendances révolutionnaires du socialisme se dressèrent contre lui, Edwards leur apporta son appui. En 1900, il fonda Le Petit Sou qui devint l’organe quotidien des guesdistes du POF et des blanquistes du PSR, la tribune de Guesde et de Vaillant. Le Petit Sou, était braqué contre le ministère et contre l’organe des socialistes ministériels, La Petite République, qu’il appelait La Petite Voleuse.
Edwards ne resta pas absolument dans la coulisse. Il fut délégué de la 2e circonscription électorale de Villefranche d’Aveyron, au congrès de la salle Wagram (1900), délégué de la fédération de la Seine au congrès de Lyon (1901) ; il parut parfois dans des réunions socialistes, jusqu’à Besançon en compagnie de Vaillant, et il demanda son adhésion au PSR. Celui-ci, embarrassé, trouva un motif de refus, le parti n’admettant pas les individus décorés (Edwards était chevalier de la Légion d’honneur). Ed. Vaillant fut chargé de l’en informer et de défendre le point de vue de ses amis. Alors, Edwards jeta son ruban et fut admis. Mais la disparition du ministère Waldeck-Rousseau en 1902 enleva au Petit Sou sa raison d’être et à Edwards le motif de son adhésion passagère au socialisme.
Il ne défraya plus que la chronique mondaine : sa seconde femme ayant demandé qu’à sa mort tous ses bijoux fussent confiés à son cercueil, sa sépulture fut profanée le lendemain même des obsèques : la troisième, actrice connue, se noya accidentellement dans le Rhin en août 1910.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article86600, notice EDWARDS Alfred par Justinien Raymond, version mise en ligne le 30 mars 2010, dernière modification le 30 mars 2010.

Par Justinien Raymond

SOURCES : Le Petit Sou. — L’Humanité, 11 mars 1914. — H. Perrin, Document de la Bourse du Travail de Besançon (n° 21).

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