ESCALIER Jean, Jules

Par Yves Lequin

Né à Jaujac (Ardèche), le 6 mars 1863 ; ouvrier mineur ; militant syndicaliste de la Loire.

Venu travailler à Saint-Étienne vers 1894, Escalier devint mineur à Cote-Chaude et milita rapidement dans le syndicat créé en 1889 pour lutter contre l’influence de Michel Rondet et toujours animé par Gilbert Cotte. Élu délégué mineur de la circonscription de Beaubrun, il fut invalidé : il n’avait pas le temps de travail nécessaire pour accéder à la fonction. Pendant quelque temps, Escalier semble avoir cherché sa voie : dans la même année 1896, il fut délégué des mineurs de Saint-Étienne au Ve congrès national des Bourses du Travail et au 2e congrès de la CGT, à Tours, en septembre, et candidat sur une liste conservatrice aux élections municipales de Saint-Genest-Lerpt (Loire) : ce dernier fait ne devait pas être oublié par certains militants. En même temps, il devenait administrateur de la Bourse du Travail de Saint-Étienne, où il fut dès lors le chef de file de la fraction ultra-révolutionnaire.
Au sein du syndicat des mineurs, il participa tout naturellement à la lutte contre l’influence de Michel Rondet et des modérés, et fut de cette pléiade de militants, tels Beauregard et Brioude, qui secondèrent Gilbert Cotte dans la reconstitution, au début de 1897, de la fédération régionale des mineurs de la Loire et contribuèrent au réveil de l’action revendicative ; représentant du syndicat de Cote-Chaude au Comité fédéral, il fut l’un des organisateurs de la grève générale du bassin en décembre 1899, qui aboutit en janvier 1900 à l’arbitrage Jaurès-Grüner, à l’augmentation des salaires et à la réduction du travail. Lorsque, quelques mois plus tard, G. Cotte devint secrétaire de la Fédération nationale, Escalier y fut son collaborateur immédiat.
Mais les négociations poursuivies pendant toute l’année 1901, les tergiversations du secrétaire national, malgré plusieurs tests successifs en faveur de la grève générale, séparèrent vite Escalier de la majorité ; il s’en prit vivement à G. Cotte, et tenta vainement d’entraîner les mineurs stéphanois dans un mouvement de solidarité avec les grévistes de Montceau-les-Mines ; aussi fut-il, en mars, exclu du Comité fédéral de la Loire, et, en mai, du Bureau national ; dans ces deux fonctions, il fut remplacé par Galmiche, un ami de Cotte. En mars 1902, délégué au congrès d’Alais, il s’opposa au vote d’ajournement de la grève générale, et, avec les autres représentants de la Loire, Beauregard, Joubert, revint à Saint-Étienne sans attendre la fin des assises. Là, il participa avec Merzet à la campagne de dénonciation de la Fédération nationale et en faveur de l’adhésion directe des syndicats révolutionnaires à la CGT. En octobre 1902, sur place, il fut l’un des principaux animateurs de la grève générale des mineurs dans la Loire ; le 3 novembre, il était membre de la délégation habilitée à discuter avec les compagnies, et, le 13, il marcha en tête de la manifestation monstre des mineurs aux côtés de son ami Beauregard, mais aussi de G. Cotte, de Galmiche, des députés Aristide Briand et Piger, du maire de Saint-Étienne Jules Ledin. Porté par l’élan révolutionnaire de la base, il envisagea, avec Merzet, la création d’une organisation nationale dissidente révolutionnaire, contre G. Cotte et ses nouveaux amis du Nord et du Pas-de-Calais ; cependant, il ne fut pas réélu en mars 1903 à la direction de la fédération régionale, bien que celle-ci eût rompu avec G. Cotte. Escalier continua à polémiquer ; ses violences irraisonnées, ses contradictions et ses oscillations idéologiques (ne dénonçait-il pas, en 1902, à Lyon, l’instruction obligatoire, qui empêchait les enfants d’ouvriers d’apporter un supplément d’argent frais à la maison) en faisaient une cible de choix pour des adversaires prompts à soupçonner la vieille collusion des extrêmes : à Alais, Escalier avait été dénoncé comme un agent des compagnies. Certaines incohérences de son action, soulignées par le préfet de la Loire en mars 1902 (préfet de la Loire au ministre de l’Intérieur, 15 mars 1902, Arch. Dép. Loire, 93 M 49) pouvaient donner prise à l’accusation. En fait, Escalier semble avoir été plus un meneur, un tempérament qu’un penseur logique ou un théoricien.
En 1906, Escalier militait toujours au sein du syndicat des mineurs de la Loire ; en 1906, il joua un rôle dirigeant dans l’agitation née de la catastrophe de Courrières : plusieurs milliers de mineurs cessèrent le travail trois jours en avril et obtinrent un relèvement des salaires ; en mai, un second arrêt imposa à certaines compagnies rebelles le respect de la convention qui venait d’être signée. Le 1er mai 1906, Escalier conduisit avec Beauregard et le député Piger un cortège de quinze mille manifestants, le plus important jamais réuni à Saint-Étienne pour la Fête du Travail. Mais son rôle le fit renvoyer par sa compagnie, après treize ans de service, et, mis à l’index, il dut quitter Saint-Étienne. Au début de 1914, il était fixé en Meurthe-et-Moselle et, quelques mois auparavant, il était revenu faire dans la Loire une série de conférences sur les revendications minières.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article86633, notice ESCALIER Jean, Jules par Yves Lequin, version mise en ligne le 30 mars 2010, dernière modification le 14 août 2022.

Par Yves Lequin

SOURCES ET BIBLIOGRAPHIE : Arch. Nat. F7/12 492 et F7/12 781. — Arch. Dép. Loire, 10 M 92, 92 M 71, 92 M 83, 92 M 103 et 104, 92 M 110 à 118, 92 M 138 et 139, 93 M 22, 93 M 26 et 93 M 37. — Petrus Faure, Histoire du mouvement ouvrier dans le département de la Loire, Saint-Étienne, 1956, pp. 280-293.

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