FERON-VRAU Camille [FERON-VRAU Camille, Edouard (FERON puis)]

Par André Caudron

Né le 23 juillet 1831 à Lille (Nord), mort le 30 mars 1908 à Lille ; médecin, industriel ; patron catholique ; animateur de l’Association catholique des patrons du Nord de la Corporation chrétienne de Saint-Nicolas et du Syndicat professionnel de l’industrie textile.

Second fils d’un commerçant, issu d’une famille de grands fermiers de Tourcoing par sa mère, Camille Feron fréquenta le lycée de sa ville natale. Répondant aux voeux paternels, il partit faire sa médecine à Paris (1849). Reçu docteur en 1858, il accueillit une clientèle d’indigents lillois comme médecin du bureau de bienfaisance de la paroisse Saint-Étienne, puis de la société de secours mutuels de Notre-Dame qu’il présidera longtemps. Professeur adjoint à l’Ecole nationale de médecine de Lille, il épousa en 1861 Marie Vrau, soeur de Philibert, ami d’enfance avec lequel il avait fondé un « Comité pour la recherche de la vérité ». Entré aux Conférences de Saint-Vincent de Paul en 1865, il en présidera le conseil particulier de Lille (1880-1887).
En 1866, Camille Feron-Vrau abandonna sa carrière médicale et devint l’associé de son beau-frère, fabricant de fil de lin. Il se chargea de la direction intérieure et des oeuvres sociales de l’usine, Philibert Vrau se réservant les rapports avec la clientèle et l’action catholique à laquelle il finit par se consacrer exclusivement. Camille, nommé président de l’Association des filtiers de Lille, était attiré par « l’économie charitable ». Rapporteur de l’oeuvre des vieillards indigents, fondateur du cercle Saint-Augustin pour les jeunes employés de commerce, il entra en relation avec le marquis de La Tour du Pin et rencontra Léon Harmel à Lyon, au IVe congrès de l’Union des oeuvres (1874). Depuis 1872, il présidait le premier cercle catholique d’ouvriers lillois, qu’il avait installé sous le vocable de Notre-Dame de la Treille. Il était aussi secrétaire du comité des cercles, au nombre de cinq à Lille en 1873.
Il créa une confrérie Saint-Nicolas dans son usine en 1877 et rédigea avec Frappé, secrétaire des Facultés catholiques de Lille, un « Appel » aux patrons chrétiens, publié à cent exemplaires (1878). L’année suivante, Feron-Vrau fut l’inspirateur et l’un des cinq signataires d’une « déclaration d’industriels chrétiens », rédigée par un jésuite, le R.P. Eugène Marquigny. Ces textes eurent peu d’effets mais une quarantaine de patrons, le 15 août 1884, fondaient l’Association catholique des patrons du Nord sous la présidence de l’abbé Louis Fichaux. Feron-Vrau en était vice-président.
Le premier, il tenta d’adapter à une grande cité industrielle les méthodes appliquées par Léon Harmel au Val des Bois. En 1885, avec l’aide du R.P. Charles Breck, autre jésuite, il mit sur pied la Corporation chrétienne de Saint-Nicolas, syndicat de l’industrie du fil, premier syndicat mixte apparu dans le Nord. Jusqu’en 1903, il présida le bureau de cette corporation comprenant en 1895 mille deux cent trente membres, patrons et ouvriers de six établissements ou isolés recrutés dans les cercles. Une société de secours mutuels, une caisse d’assistance, un économat domestique et d’autres oeuvres s’y rattachaient, le tout lié à la confrérie Notre-Dame de l’Usine. Six autres corporations naquirent à Lille en 1885 ; elles n’étaient plus que trois en 1906. La maison Vrau et Cie, avec ses institutions morales, charitables et religieuses, apparut longtemps comme le modèle de « l’usine chrétienne », de type paternaliste.
En 1890, Feron-Vrau fut élu président du Syndicat professionnel de l’industrie textile, né de la transformation de l’association des patrons du Nord. Il comparut le 9 juillet 1892 devant le tribunal correctionnel de Lille pour infraction à la loi de 1884, du fait de ses objectifs de nature religieuse. La dissolution du syndicat, confirmée par la cour de Douai et la cour de cassation, amena ses membres à poursuivre leurs activités dans les Conférences d’études sociales, animées à Mouvaux par le R.P. François Doyotte puis par le chanoine Fichaux. Feron-Vrau n’accepta pas facilement les « syndicats séparés » et la démocratie chrétienne. En conflit sur ce point avec Philibert Vrau, sans aller toutefois jusqu’à la rupture, il fut reçu en compagnie de Léon Harmel, le 2 avril 1895, par le pape Léon XIII. Les polémiques entre « l’école de Mouvaux » et les partisans de « l’école de Liège » semblèrent s’apaiser lorsque les deux hommes signèrent une déclaration commune, admettant l’existence de syndicats mixtes et de syndicats séparés, mais cet accord n’a guère satisfait les patrons du Nord qui n’avaient guère accepté l’encyclique Rerum novarum.
Feron-Vrau avait été en 1873 la cheville ouvrière de la commission chargée d’organiser une université catholique à Lille. Il fut le fondateur de la faculté libre de médecine et de pharmacie de Lille (1875), le promoteur des six établissements hospitaliers annexes, le maître-d’oeuvre de la création de l’Ecole industrielle, devenue H.E.I. (1885), et de l’Institut catholique des arts et métiers de Lille (1897). Il était aussi trésorier de la société chargée d’édifier la basilique Notre-Dame de la Treille à Lille et de l’oeuvre des églises neuves. Il écrivit avec Auguste Béchaux une étude sur les Habitations ouvrières à Lille en 1896 (Lille, 1899, 105 p.). Celle-ci l’a conduit à fonder la Société des logements ouvriers de Sainte-Marie-Madeleine. La cause de béatification de Philibert Vrau et de Camille Feron-Vrau, appelés « les deux frères » ou « les saints de Lille », fut introduite à Rome en 1912. Elle n’a pas abouti.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article86819, notice FERON-VRAU Camille [FERON-VRAU Camille, Edouard (FERON puis)] par André Caudron, version mise en ligne le 30 mars 2010, dernière modification le 2 août 2013.

Par André Caudron

SOURCES : Louis Baunard, Les deux Frères, Paris, Bonne Presse, 1911, 2 vol., 320 + 303 p. — (Henri Masquelier), Notice..., collection « Les Contemporains », Paris, 1920 — Victor Loiselet, « Le Centenaire de M. Camille Feron-Vrau », Conférences d’études sociales, 1931 — Robert Talmy, L’Association catholique des patrons du Nord, Lille, Facultés catholiques, 1962, 208 p. — Paul Feron-Vrau, Trente ans d’action catholique sur le terrain social, Paris, Bonne Presse, 1922, 128 p. — Facultés catholiques de Lille, 1908, 1931 — André Caudron, Dictionnaire du monde religieux dans la France contemporaine, IV. Lille Flandres, 1990 — Catholicisme, IV, 1956 (J. Morenval) — Dictionnaire de biographie française, XIII, 1975 (H. Beylard) — Emile Lesne, Histoire de la fondation de l’Université catholique de Lille, Lille, SAIEN, 1927 — Pierre Pierrard, La Vie ouvrière à Lille sous le Second Empire, Paris, Bloud et Gay, 1965 ; « Les Origines de l’enseignement supérieur catholique à Lille », Ensemble, n°1, 1975 — Courrier des ingénieurs H.E.I., juin 1985 — Centenaire de la Maison Philibert Vrau et Cie, Lille, 1919 — Bulletin mensuel des Corporations, 1er mai 1908 — Assemblée générale des catholiques du Nord et du Pas-de-Calais, Lille, 1889, 1894, 1895, 1902 — Conférences d’études sociales de Notre-Dame du Hautmont, 1894-1907 — Archives des jésuites de la province de Champagne, M 1582-3-5-8 — Archives départementales du Nord, M 157-6.

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