JUVIGNY Pierre

Par Gilles Morin

Né le 9 août 1920 à Charleville (Ardennes), mort le 27 novembre 1976 à Paris (XXe arr.) ; maître de Requêtes au Conseil d’État ; membre de la commission exécutive fédérale socialiste SFIO de la Seine ; membre de divers cabinets ministériels durant la IVe République ; membre du comité central de la Ligue des droits de l’Homme.

Fils de Théophile Juvigny, employé de commerce, et de son épouse, née Rose-Anna Derozier, sans profession, licencié en Droit, titulaire d’un diplôme d’études supérieures de droit public et d’économie politique, Pierre Juvigny fut reçu au concours du Conseil d’État où il entra comme auditeur. Il devint maître de Requêtes en 1954 et conseiller d’État de 1970 à octobre 1976, moment où il fut placé en congé de longue durée.

Il s’était marié le 19 juillet 1941 à Paris (XIIe arr.) avec Suzanne Létocart.

Militant de la SFIO depuis son adolescence (il aurait adhéré en 1936), Pierre Juvigny participa à divers cabinet ministériels tout au long de la IVe République. Il fut chargé de mission au ministère de l’Intérieur dans le cabinet d’Adrien Tixier*, de 1944 à 1946. Il exerça ensuite la fonction de conseiller technique au cabinet du ministère du Travail, puis collabora au cabinet du ministre de l’Éducation nationale en 1947 (Naegelen*), avant d’être nommé chef de cabinet de Daniel Mayer, au ministère du Travail en 1948-1949. Il redevint conseiller technique dans le cabinet du ministre de l’Éducation nationale en 1950 (PO Lapie). Nommé directeur général du Travail et de la main-d’oeuvre au ministère des Affaires sociales en mars 1956, il négocia la partie sociale du Traité de Rome instituant la CEE. Il démissionna de ce poste en janvier 1957 et réintégra sur sa demande ses fonctions au sein du Conseil d’État où il siégea à la section du Contentieux. Il fut encore membre de la commission de la main-d’œuvre au Commissariat général au Plan en juin 1956.

Ces fonctions conduisirent Pierre Juvigny à devenir l’un des représentants de la France à diverses réunions internationales, notamment à la conférence internationale du travail puis au BIT durant de nombreuses années. Il présida ainsi la commission de l’OIT qui créa la commission de conciliation et d’investigation en matière de Droits syndicaux. Collaborateur de René Cassin, il appartint à la commission sociale et humanitaire de l’Assemblée générale de l’ONU, exerça la fonction d’expert à la sous-commission des minorités de l’ONU et fut délégué adjoint de la France auprès de la commission des droits de l’homme de l’ONU à partir de 1951. Il participa de ce fait activement à l’élaboration des pactes internationaux des droits de l’homme. Il appartint ensuite à la délégation française auprès de l’UNESCO en 1953-1954 puis en 1958. Il a été dans les années 1963-1964 consultant en administration publique à l’ONU puis président de la commission spéciale de l’ONU pour la protection des minorités à partir de 1967 et jusqu’en 1972 au moins.

Administrateur des houillères d’Aquitaine de 1949 à 1952, Pierre Juvigny était encore membre de la délégation française auprès du Conseil économique et social dans les années soixante.

Fort de cette expérience de haut fonctionnaire en France et au niveau international, il participa à la formation des nouvelles élites de la République, enseigna à l’IEP et à l’École nationale d’administration et assuma des cours à l’Université de Grenoble. À partir de juillet 1957, il fut secrétaire général du Centre de formation des experts de coopération technique internationale à la FNSP.

S’il était soumis à une certaine réserve de part ses fonctions administratives, Pierre Juvigny n’en resta pas moins un militant socialiste actif. Membre de la commission exécutive de la 15e section de la Seine (celle de Marceau Pivert et André Philip*), il se rangeait dans le camp des adversaires de la politique de Guy Mollet. Proche de Daniel Mayer* et de la majorité fédérale de la Seine jusqu’en 1957, il fut candidat à la commission exécutive fédérale en 1955, fut élu membre suppléant de celle-ci en 1956, puis titulaire en 1957, avant de démissionner de cette fonction lors des événements de mai 1958.

Pierre Juvigny, déjà signataire de la motion Depreux au congrès de Toulouse de la SFIO en 1957, adhéra au Parti socialiste SFIO autonome (PSA) en septembre 1958. Il appartint à la commission exécutive de la 15e section du PSA. Il participa ensuite à la fondation du PSU, tout en étant membre du Club Jean Moulin et collabora à l’élaboration des ouvrages de celui-ci.
Militant parisien de la Ligue des droits de l’Homme, Juvigny fut élu membre du Comité central de la Ligue en 1958, année où Daniel Mayer accédant à la direction recruta dans les milieux minoritaires socialistes, faisant entrer encore Andrée Viénot*, puis les années suivantes, André Hauriou, Ady Brille et Robert Verdier*. Pierre Juvigny demeura à la direction de la Ligue jusqu’en 1967 au moins. Il était par ailleurs secrétaire général du centre de formation des experts de la coopération technique internationale en 1967 et contribua activement aux premières réflexions sur les droits de l’homme et l’informatique, publiant d’importants rapports sur la question.

Pierre Juvigny participa enfin à l’établissement de la mémoire de Léon Blum. Il se fit l’analyste de sa carrière juridique dans le livre jubilaire du Conseil d’État et dans l’ouvrage d’histoire consacré à l’institution et collabora à une communication sur la politique sociale du Front populaire qui parut dans les actes du colloque dirigé par Pierre Renouvin et René Rémond, Léon Blum chef de gouvernement 1936-1937, paru à
 Paris, aux Presses de la Fondation nationale des sciences politiques en 1967.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article87175, notice JUVIGNY Pierre par Gilles Morin, version mise en ligne le 31 mars 2010, dernière modification le 17 juillet 2011.

Par Gilles Morin

ŒUVRE : Comme juriste, Pierre Juvigny publia de nombreux articles, parmi lesquels on citera « Un grand commissaire du gouvernement : Léon Blum », in Livre jubilaire du Conseil d’État, Paris, Sirey, 1952, p. 323-336. — « Léon Blum », in Le Conseil d’Etat. Son histoire à travers les documents d’époque 1799-1974, Paris, éd. du CNRS, 1974. — « Informatique et droits de l’homme », Institut français des sciences administratives, L’informatique dans l’administration, cahier n°4, Paris, Éditions Cujas, 1969, p. 87-93.

SOURCES : Arch. Nat., F/60/586 ; fonds André Seurat. — Le Combat social, juin 1957. — Archives de l’OURS, dossiers Seine, fonds C. Fuzier. — Who’s Who in France, 1967 et 1972. — Gilles Morin, De l’opposition socialiste à la Guerre d’Algérie au Parti socialiste autonome (1954-1960), un courant socialiste de la SFIO au PSU, thèse pour le doctorat d’histoire contemporaine, Université de Paris 1, 1992. — État civil.

rebonds ?
Les rebonds proposent trois biographies choisies aléatoirement en fonction de similarités thématiques (dictionnaires), chronologiques (périodes), géographiques (département) et socioprofessionnelles.
Version imprimable