HIC Marcel, dit MORRIS ou MAURICE, dit RÉGNIER

Par Jean-Michel Brabant, Rodolphe Prager

Né le 30 avril 1915 à Paris (XIVe arr.), mort le 28 décembre 1944 en déportation à Elrich ; journaliste ; membre des Jeunesses léninistes, des jeunesses socialistes, de la Jeunesse socialiste révolutionnaire et du Parti ouvrier internationaliste ; principal dirigeant trotskiste pendant l’occupation nazie.

Marcel Hic
Marcel Hic
Les congrès de la quatrième internationale, t.1

Marcel Hic, dont le père, de tendance anarchiste, travailla comme orfèvre, fit ses études au lycée Henri-IV à Paris, puis suivit les cours d’allemand en Faculté, obtint sa licence et fut reçu au diplôme d’études supérieures d’allemand. En 1933, Marcel Hic adhéra à l’organisation trotskiste de la Ligue communiste et participa à la constitution de son organisation de jeunesse, les Jeunesses léninistes. Avec la majorité de la Ligue, il rejoignit, en septembre 1934, le Parti SFIO et y milita dans la XIVe section de Paris. Élu à la commission exécutive de la Seine des Jeunesses socialistes, plus particulièrement chargé de la propagande en direction des entreprises, il fut l’un des signataires de la motion unitaire des tendances de gauche au congrès fédéral de la Seine du 21 juillet 1935 et délégué à ce titre au congrès national des JS des 28-29 juillet à Lille.

Marcel Hic, qui rencontra Léon Trotsky de passage à Paris du 11 au 13 juin 1935, avant son départ pour la Norvège, ne compta pas, curieusement, parmi les treize dirigeants parisiens exclus au congrès de Lille, dont la liste fut établie hâtivement. Membre du Comité central du Groupe bolchevik-léniniste, tendance trotskiste de la SFIO depuis septembre, Hic fut exclu à son tour de la SFIO, avec un groupe de responsables « adultes », le 2 octobre 1935. Il fit partie, avec d’autres militants, d’un « groupe tampon » cherchant à concilier à l’intérieur du GBL les tendances opposées de Pierre Naville et de Pierre Frank. Mais, ce fut dans la Jeunesse socialiste révolutionnaire née début 1936, que s’exerça surtout son activité. Ses nombreuses contributions sur les sujets les plus difficiles et ses rapports aux différents congrès le firent apparaître comme l’un des théoriciens de l’organisation. Il anima, en particulier, à partir de juillet 1937, le Bureau international des jeunes de la IVe Internationale et il fut l’un des rédacteurs des textes adoptés par la conférence internationale des jeunes de septembre 1938.

À la fondation du Parti ouvrier internationaliste, le 2 juin 1936, Marcel Hic devint membre du Comité central et appartint au comité de rédaction de l’hebdomadaire La Lutte ouvrière dont il fut le gérant d’avril à juin 1938. Il fut reconduit dans ses fonctions aux IIe et IIIe congrès du POI, en novembre 1937 et en janvier 1939. Il collabora également à la revue Quatrième Internationale. Le 3 septembre 1938, il assista à la conférence de fondation de la IVe Internationale et y remplit la fonction de secrétaire.

En 1938-1939, Marcel Hic fut l’un des plus résolus adversaires de l’adhésion collective du POI au Parti socialiste ouvrier et paysan de Marceau Pivert, dans une conjoncture où « le problème de la guerre domine tout », à ses yeux. Il exposa son point de vue dans une lettre adressée, le 8 décembre 1938, au Comité exécutif de la IVe Internationale qui, avec Trotsky, fut en faveur de « l’entrisme ». De même, il fit des observations critiques à l’égard de l’article de Trotsky : L’Heure de la décision approche (Bulletin intérieur du POI du 5 février 1939). Refusant de s’incliner devant la mise en demeure internationale de rejoindre le PSOP, en juin 1939, assortie d’une mesure de dissolution du POI, Marcel Hic se trouva en rupture de fait avec la IVe Internationale à l’approche de la guerre. Il anima jusqu’en mai 1940 un petit groupe informel de jeunes militants, dont Gérard Bloch, Maurice Laval et Lucienne Abraham (Michèle Mestre), très actifs au sein des Auberges de jeunesse. N’étant pas mobilisable pour raison de santé — il fit un séjour au sanatorium de Saint-Hilaire du Touvet (Isère) — son camarade et ami Élio Gabaï, journaliste à l’agence Havas, put le faire engager à l’agence, début septembre 1939, comme rédacteur-traducteur italien et allemand. Auparavant, il fut répétiteur, en 1938-1939, au cours secondaire « Godechoux ».

À l’approche de la Wehrmacht de Paris, le personnel de l’agence Havas fut replié à Tours, à Bordeaux puis à Clermont-Ferrand. De retour à Paris en juillet 1940, Hic œuvra au plus vite au rassemblement des trotskistes désunis et dispersés. Il réalisa la fusion avec le Comité de la IVe Internationale dirigé par Craipeau, reconnu par le Secrétariat international siégeant à New York. Le retour d’un certain nombre de dirigeants et de cadres démobilisés ou sortis de prison, ayant appartenus à l’ancienne majorité non-entriste du POI, assura une prééminence aux positions défendues par Hic. Intellectuel brillant, d’une solide culture marxiste, il fut, au long des années de la guerre, l’âme du mouvement, ce qui a fait dire qu’il en était le secrétaire général, bien que ce titre n’existât pas. Le cours qu’il imprima aux Comités pour la IVe Internationale, nouvelle appellation de l’organisation, d’inspiration nettement nationaliste en 1940-1941, au plus creux de la vague, provoqua de vives réactions internes. Il s’accorda à reconnaître, en 1943, que des formulations incorrectes ou équivoques avaient été mises en avant. On s’inquiéta à New York d’une position en retrait prise à l’encontre de la IVe Internationale, par rapport à 1938, suspectée de « dérive centriste ». En fait, le changement ne portait pas sur le fond, mais seulement sur les modalités et ce fut Hic qui s’employa le plus à renouer les contacts avec les trotskistes de l’Europe occupée et à mettre en place un Secrétariat européen de la IVe Internationale. Il y parvint en 1942, après une rencontre qui eut lieu en janvier à Saint-Hubert, dans les Ardennes belges, et qui réunit Hic, Craipeau, Guikovaty, côté français, et Abraham Léon-Wajnsztok et Henry Opta, côté belge. Le SE ainsi créé eut une trop faible assise et Hic dut le tenir à bout de bras jusqu’en 1943. De cette époque émergent surtout les « Thèses sur la question nationale » du SE de juillet 1942, l’un des documents les plus denses écrits par Marcel Hic, qui fit date, tentant de faire toute clarté sur un sujet âprement débattu. Il fut encore l’auteur de deux manifeste du SE : l’un de juin 1943, « Staline dissout le Komintern », l’autre du 30 juillet 1943, adressé « Aux ouvriers, paysans et soldats italiens », au moment de la chute de Mussolini (textes dans Les congrès de la IVe Internationale. II. L’Internationale dans la guerre 1940-1946, La Brèche).

Hic s’occupa également de la commission syndicale et suivit de près le « travail allemand ». Il eut des contacts avec les milieux dirigeants de la Résistance et fit communiquer à Londres des renseignements recueillis à l’agence qui l’employait. Il connut une première alerte lorsqu’il fut arrêté en décembre 1940 par la police française, à la suite d’une dénonciation. Faute de preuves, on le libéra en février 1941. C’est la Gestapo qui l’appréhenda, le 13 octobre 1943, dans l’immeuble de l’agence Havas. Averti des nombreuses arrestations survenues en Bretagne et également à Paris dès le 6 octobre, il abandonna son domicile, mais hésita à s’absenter de l’agence, bon poste d’observation. L’un des soldats allemands qui coopéraient avec les trotskistes à Brest à la diffusion de la littérature révolutionnaire, anti-hitlérienne, dans la Wehrmacht, Konrad Leplow, originaire de Hambourg, infiltré ou « retourné » par la Gestapo, venu à Paris en accord avec les camarades, courant septembre, rencontra des responsables trotskistes, y compris probablement Hic. Des filatures permirent de localiser les domiciles des principaux dirigeants et l’organisation tout entière faillit être emportée. L’alerte donnée après l’arrestation des époux Filiatre, les premiers touchés, permit à bon nombre de militants de s’échapper peu avant l’arrivée de la Gestapo. Incarcéré à la prison de Fresnes avec Roland Filiâtre, David Rousset et Philippe Fournié, Hic subit les interrogatoires et fut torturé rue des Saussaies et au siège de la Gestapo, avenue Foch. Après un court transit au camp de triage de Royalieu, il fut déporté à Buchenwald avec ses amis, le 27 janvier 1944. Sa qualité de traducteur fit espérer qu’il pourrait y demeurer. Il fut néanmoins transféré avec Filiatre à Dora — lieu redouté — le 23 mars. Tous deux avaient déclaré leur appartenance à la IVe Internationale à l’administration du camp contrôlée par les communistes allemands qui ne ménageaient pas les oppositionnels. Rousset et Fournié n’avaient pas voulu courir ce risque. Hic se retrouva ensuite à Elrich qui était pire que Dora. Il y occupa, toutefois, un emploi d’interprète dans un bureau. Mais refusant d’être complice du vol des maigres rations des internés, en usage dans l’« aristocratie » des camps, il fut assigné au travail le plus épuisant de terrassier. Sa faible constitution ne lui donna aucune chance de survie et il mourut dans des conditions atroces, rendu quasi aveugle, le 28 décembre 1944. David Rousset, auquel il était très lié, lui dédia, en août 1945, son ouvrage L’Univers concentrationnaire.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article87187, notice HIC Marcel, dit MORRIS ou MAURICE, dit RÉGNIER par Jean-Michel Brabant, Rodolphe Prager, version mise en ligne le 1er avril 2010, dernière modification le 8 décembre 2013.

Par Jean-Michel Brabant, Rodolphe Prager

Marcel Hic
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Les congrès de la quatrième internationale, t.1

SOURCES : Arch. Jean Maitron. — La Lutte ouvrière, 1936-1939. — La Vérité, 26 juillet 1945. — Les Trotskistes sous la terreur nazie, Paris 1945. — Bulletins intérieurs du POI des 25 décembre 1938 et 5 février 1939. — Fac-similé La Vérité 1940-1944, EDI 1978. — International Bulletin, New York, n° 3, décembre 1940. — Cahiers Léon Trotsky, n° 9, janvier 1982 et n° 12, décembre 1982. — Témoignages de Georgette et Élio Gabaï, de Gérard Bloch, de Roland et Yvonne Filiatre, de David Rousset et d’Émile Guikovaty.

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