HAMON Augustin, Frédéric, Adolphe

Par Yves Le Floch, Justinien Raymond

Né le 20 janvier 1862 à Nantes (Loire-Inférieure, Loire-Atlantique), mort le 3 décembre 1945 à Port-Blanc-en-Penvénan (Côtes-du-Nord) ; homme de lettres ; militant socialiste des Côtes-du-Nord ; secrétaire du mouvement Amsterdam-Pleyel.

Originaire de Nantes, fils d’Augustin Hamon, ferblantier, et de Henriette Duval, Augustin Hamon suivit sa famille à Paris où il demeura à dater de 1868 — à l’exception d’un séjour à Montjean-sur-Loire (Maine-et-Loire) durant les combats de la Commune — et où il fit ses études au lycée Condorcet. Ayant péniblement obtenu son baccalauréat — il dut s’y présenter trois fois — il se contenta de ce titre et vécut en écrivant et en donnant des cours au Collège libre des sciences sociales de Paris et à l’Université nouvelle de Bruxelles. C’est dans cette dernière ville qu’il rencontra Henriette Rynenbrœck, collaboratrice de L’Humanité nouvelle, qu’il devait épouser en mars 1901 et avec qui il entreprit la plupart de ses travaux d’écrivain, tout particulièrement une traduction commune de l’œuvre de Bernard Shaw.

Militant anarchiste au début de sa vie, il dira lui-même plus tard être « venu » au socialisme en 1886 et la Bourse du Travail de Nantes le délégua en 1896 au congrès socialiste international de Londres. Plusieurs des brochures de propagande qu’il écrivit à cette époque portent sur l’anarchisme (Les Hommes et les théories de l’anarchie, 1893 — Psychologie de l’anarchiste-socialiste, 1895 — L’Anarchisme est-il du socialisme ? 1898 — Socialisme et anarchisme, étude sociologique, définition, 1905) et on ne peut parler de rupture chez Augustin Hamon qui ne refusait pas de livrer des textes aux Temps nouveaux (ainsi Patrie et internationalisme en 1896) et conserva longtemps de la sympathie pour les idées libertaires.

En 1904, Augustin Hamon quitta Paris pour venir dans les Côtes-du-Nord, à Camlez, près du Port-Blanc, puis, en 1906, à Penvénan où il s’installa dans la maison qu’il avait fait construire : Ty an Diaoul (la Maison du diable). Il devait y passer le restant de sa vie, à l’exception de quelques hivers à Paris avant la Seconde Guerre mondiale.

Franc-maçon depuis 1894, année durant laquelle il avait adhéré aux Chevaliers du Travail, loge fondée par des socialistes, il devint aussitôt Vénérable de la loge de Tréguier puis, en 1905, secrétaire de la Fédération maçonnique de Bretagne, qui se constituait. Ce fut lui qui fonda, avec E. Brilleaud, la loge de Saint-Brieuc. Augustin Hamon était également membre de l’Association des libres penseurs de France et fut délégué au congrès international de Paris, en septembre 1905.

Installé en Bretagne, et sans toutefois cesser d’écrire, il se lança dans l’action socialiste locale, collaborant avec Yves Le Lay à la fondation des premières sections de la région, notamment celle de Lannion en 1905. À son congrès de 1907, à Saint-Brieuc, la Fédération socialiste de Bretagne créa un mensuel, La Semence socialiste, dont il fut rédacteur en chef. Il fut également décidé, à ce congrès, la constitution de cinq Fédérations départementales remplaçant l’organisation régionale et, en décembre 1907, le congrès constitutif de la Fédération des Côtes-du-Nord fit d’Augustin Hamon son premier secrétaire. Il la représenta aux congrès nationaux de Toulouse (1908), Saint-Étienne (1909), Nîmes (février 1910), Paris (juillet 1910) et Lyon (1912). En décembre 1908, il démissionna du secrétariat à la suite d’un conflit interne — relaté par Louis Guilloux dans son roman La Maison du peuple — dû à l’alliance de la majorité du groupe de Saint-Brieuc avec des modérés aux élections municipales. Il accepta de reprendre ce poste, sur la demande du congrès fédéral de 1911, et le conserva jusqu’en 1914.

Augustin Hamon vécut à Londres durant la Première Guerre mondiale, enseignant à la London school of economics and political science, et y rédigea Les Leçons de la guerre mondiale. Il revint en France en 1917, publia ce livre à Paris, mettant son honneur à ne pas le soumettre préalablement à la censure, et fut interrogé par la justice à la suite de la réception, par la section socialiste de Lannion, de la pétition Longuet.

Il resta à la SFIO après la scission du Parti socialiste, mais sur des positions très peu « scissionnistes ». Il publia, en août 1921, dans La Grande Revue, un texte intitulé La Crise mondiale du socialisme, que la Fédération des Côtes-du-Nord édita en brochure l’année suivante, où il estimait que la séparation entre courants était peu tranchée et incapable d’entraver, l’heure venue, le retour à l’union. Il se mit également à écrire régulièrement en première page de L’Éveil breton — organe fédéral dont il devint gérant en 1921 — des articles de politique internationale souvent très prosoviétiques. En octobre 1921, la section de Penvénan demanda que Le Populaire cesse ses attaques contre les communistes et Augustin Hamon, délégué de la Fédération au congrès national, y défendit la thèse du regroupement des forces des deux partis « en vue d’une action commune ». Ainsi, au lendemain même de la scission, se manifestait chez Augustin Hamon une passion pour l’unité ouvrière qui ne devait pas le quitter de sa vie et qui dicta toutes ses prises de positions politiques.

Le congrès fédéral du 16 mars 1924 le désigna, sur proposition de sa section, comme membre de la liste socialiste aux élections législatives, liste qui n’obtint qu’une moyenne de 9 261 voix (9 206 pour Hamon) sur 114 529 votants. Il y figurait en troisième position, présenté comme « industriel à Penvenan ». Il était en effet vice-président de la coopérative agricole « La Solidarité trécorroise » qui organisait la vente de primeurs en Grande-Bretagne et qui fut absorbée en 1934 par la coopérative de Landerneau ; il était également administrateur d’une petite entreprise textile de sa commune.

Délégué avec Ruedel au congrès national de juin, il présida le congrès fédéral du 30 novembre qui vota l’alliance avec la gauche modérée aux élections municipales de 1925. On ne sait quelles positions Augustin Hamon y soutint mais il écrivit dans L’Éveil breton du 14 décembre un article important où il présentait la SFIO comme perdant toute nature prolétarienne et devenant peu à peu partie intégrante de la bourgeoisie. Il observa ensuite un silence d’une année, se contentant de ses articles de politique internationale, jusqu’à ce qu’en décembre 1925 la section de Penvénan publie un ordre du jour très violent, envisageant la prise du pouvoir par un Parti socialiste mué en comité de salut public. Au congrès fédéral qui suivit, le 27 du même mois, il défendit avec la gauche, et fit passer la motion de Le Normand pour la participation de la SFIO au gouvernement, avec le dessein stratégique de mettre fin à la politique de soutien et d’obliger les radicaux à se démasquer en refusant la présence des socialistes. Lors du congrès fédéral de mai 1926 qu’il présida, la gauche fit voter une motion allant dans le même sens mais demandant le front unique avec les communistes en cas de refus radical. C’était là la position fondamentale de la section de Penvénan — et donc d’Augustin Hamon — qui, dans un ordre du jour d’avril, avait demandé à ce « qu’une alliance avec les communistes soit permise quand l’intérêt du prolétariat est en jeu ».

La gauche de la Fédération, déjà majoritaire, se renforça durant plusieurs années. Augustin Hamon représentait le département au conseil national. Le congrès fédéral de 1927 vota deux ordres du jour blâmant la CAP et Le Populaire pour leur antisoviétisme. Cette situation ne se modifia qu’en 1930. Cette année vit deux événements importants sur le plan local : le premier fut la création à Lannion par Augustin Hamon et ses amis, à partir du mois de juillet, d’un journal, La Charrue rouge, et le second la réunion, le 26 octobre, du premier congrès des sections socialistes de l’arrondissement de Lannion. Augustin Hamon avait pratiquement cessé de collaborer à L’Éveil breton depuis 1926, envoyant des articles à L’Étincelle socialiste de Paris, et il allait pouvoir défendre et diffuser ses idées dans le nouveau journal, où le sigle SFIO n’apparaissait pas en manchette. D’autre part, les sections voisines de celle de Penvénan s’étaient rapprochées progressivement de ses positions, parfois au prix d’une lutte interne assez vive, comme ce fut le cas à Tréguier. Ainsi, s’institutionnalisa en 1930 un bastion de la gauche socialiste dans le Lannionais. Ce qui restait de la Fédération réagit et l’influence qu’avait sur lui Augustin Hamon en pâtit. La droite se renforça sensiblement à Saint-Brieuc autour de Brilleaud et le congrès fédéral de janvier 1931 vota un ordre du jour regrettant la création de La Charrue rouge. À l’intérieur même du Lannionais, la section de Trégastel ne cessa de mener une petite guerre d’opposition.

Cependant, la situation était ainsi plus claire et la gauche mieux armée. À côté d’attaques contre la direction du Parti et son groupe parlementaire et d’une active propagande prosoviétique, elle défendit ses positions très concrètement en suivant deux axes essentiels : l’antifascisme unitaire d’Amsterdam-Pleyel et le soutien aux luttes des petits fermiers contre les saisies.

En août 1932, Augustin Hamon était un des vingt membres de la SFIO présents, malgré l’opposition de l’Internationale, au congrès mondial d’Amsterdam contre la guerre et le fascisme et il devint le seul socialiste du secrétariat du comité. Il y était mandaté par la Fédération socialiste et par le syndicat unitaire de l’enseignement des Côtes-du-Nord. À son retour, il participa à de nombreux meetings en Bretagne, en Ille-et-Vilaine surtout, et La Charrue rouge reprit la propagande du comité mondial, publiant en première page de son numéro du 9 octobre le manifeste d’Amsterdam et tenant soigneusement ses lecteurs au courant de l’opposition formelle de la direction du Parti au mouvement.

Exactement à la même période, se constituèrent, sur l’initiative de militants communistes de Guingamp, des comités de défense paysanne regroupant les petits fermiers des arrondissements de Guingamp et de Lannion dont les propriétaires cherchaient à augmenter les baux et faisaient saisir ceux qui ne voulaient ou ne pouvaient pas payer. Des socialistes de Guingamp, notamment Augel, collaboraient de manière très unitaire à ce mouvement et les sections du Lannionais les appuyèrent (voir Le Maux). En décembre 1932, La Charrue rouge devint l’organe de liaison des comités paysans et, lorsque se constituèrent, en 1933, des syndicats adhérents à la CGPT, aucun socialiste du Lannionais ne chercha à faire profiter la CNP, puissante dans le département voisin du Finistère, de ce besoin d’organisation des petits fermiers.
En 1934, à la suite du départ de la droite néo-socialiste, assez forte à Saint-Brieuc, la Fédération dans son ensemble se rangea sur les positions de La Charrue rouge, évitant seulement, pour des raisons de discipline, l’affiliation à Amsterdam-Pleyel. Le congrès fédéral de juillet vota une motion présentée par Augustin Hamon sur la nécessité de l’unité.

Après cette victoire, que l’élection d’un député socialiste à Lannion en 1936 consacra, Augustin Hamon, très âgé, ralentit sensiblement son activité. Conseiller municipal de Penvénan depuis 1929, il n’avait plus à s’occuper de la coopérative, absorbée en 1934. La Charrue rouge cessa de paraître quelques mois en 1934 et revint en décembre comme « organe du Bloc ouvrier et paysan », étendant son audience mais ne donnant plus que très peu de nouvelles locales. Passant tous ses hivers à Paris, Hamon se remit à écrire et publia en 1936 et 1937 les trois premiers volumes des Maîtres de la France (Éditions sociales internationales). Durant la guerre, qu’il passa entièrement à Penvénan, il fit la première rédaction d’un quatrième volume, resté non publié, et prépara les cinquième et sixième. Il rédigea surtout un livre, inédit, intitulé : Les Jésuites dans la politique mondiale. Contribution à l’histoire de notre temps. La police vint l’interroger au début de la guerre, puis, sous Vichy, perquisitionna deux fois son appartement de Paris. Bien qu’il fût en relations avec la Résistance, son âge et la maladie lui interdirent de jouer le moindre rôle. Sa dernière prise de position politique fut de quitter la SFIO en 1944 pour adhérer au Parti communiste. Il devait mourir peu après, dans sa « Maison du diable », le 3 décembre 1945.

Augustin Hamon avait épousé, le 19 mars 1901 à Uccle (Belgique), une Bruxelloise, Henriette Rynenbrœck, collaboratrice de l’Humanité nouvelle. Avec elle, il traduisit la plupart des œuvres de Bernard Shaw. Henriette Hamon s’éteignit dans sa 94e année à Port-Blanc-en-Penvénan (Côtes-du-Nord) le 24 juin 1964.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article87193, notice HAMON Augustin, Frédéric, Adolphe par Yves Le Floch, Justinien Raymond, version mise en ligne le 18 décembre 2013, dernière modification le 18 décembre 2013.

Par Yves Le Floch, Justinien Raymond

ŒUVRE : Augustin Hamon collabora à de nombreux journaux. Sa production d’articles de presse se trouve contenue pour l’essentiel dans : La Semence socialiste, L’Éveil breton, L’Étincelle socialiste et La Charrue rouge.
Outre les ouvrages dont il est fait mention dans la biographie, il convient de citer : L’Agonie d’une société, Histoire d’aujourd’hui, Paris, 1889. — Psychologie du militaire professionnel, Bruxelles, 1894. — La France politique et sociale, Paris, 1891. — Le Socialisme et le congrès de Londres. Étude historique, Paris, 1897. — Au paysan, mon frère, sous le nom de Le Coat.

SOURCES : Arch. Dép. Côtes-du-Nord, T 2 et M, réunions diverses. — Hubert-Rouger, Les Fédérations socialistes I, op. cit., pp. 223-226. — Compère-Morel, Grand dictionnaire socialiste, op. cit., p. 368. — Comptes rendus des congrès du Parti socialiste SFIO. — Cl. Willard, La Correspondance de Charles Brunellière, socialiste nantais, 1880-1917, Paris, 1968. — J. Bossu, article nécrologique dans L’Idée libre, mars 1946. — L’Éveil breton. — La Charrue rouge. — Le Travailleur unitaire, décembre 1932 et juillet 1933. — Le Combat. — Notes d’Augustin Hamon rédigées en 1904 sur ses parents. — Notes de ses filles sur sa vie entre 1939 et 1945. — Georges Lefranc, Histoire du Front Populaire. — Dominique Le Page, Augustin Hamon (1852-1945), présentation biographique d’un "en-dehors", 1988.
Notes sur son ascendance rédigées par A. Hamon en 1904. Mlles Hamon ont bien voulu nous les communiquer en y ajoutant leurs propres renseignements. — État civil.

ICONOGRAPHIE : Les Fédérations socialistes, op. cit., p. 224.

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