HIBOUT Paul, Clément

Par Éric Belouet

Né le 30 août 1908 à Argenteuil (Seine-et-Oise, Val-d’Oise), mort le 12 avril 2000 à Paris (XIVe arr.) ; postier ; militant jociste de Seine-et-Oise, permanent de la JOC (1932-1938) ; syndicaliste CFTC ; partisan de la Charte du travail ; interdit à vie de toute activité syndicale en 1946.

Né d’un père jardinier-horticulteur, originaire du Vexin, et d’une mère concierge, venue des Côtes-du-Nord, tous deux croyants non pratiquants, Paul Hibout était l’aîné de six enfants (quatre étaient encore vivants en 1920). Il fréquenta l’école primaire publique jusqu’en 1918 puis l’école primaire privée de 1918 à 1920. Au cours de cette dernière période, il fit partie de la Maîtrise paroissiale. Il obtint le certificat d’études primaires en juin 1920 et entra en juillet aux PTT, d’abord comme facteur télégraphiste à Argenteuil jusqu’en 1925 puis comme agent manipulant à Paris, dans le quartier de l’Opéra. De mai 1929 à septembre 1930, il effectua son service militaire au 18e régiment du génie à Nancy (Meurthe-et-Moselle). La fréquentation de l’animateur et de l’aumônier du foyer militaire Jeanne-d’Arc l’incita à renouer avec la pratique religieuse, abandonnée depuis son entrée aux PTT. Au retour du service militaire, il fut nommé au bureau central PTT de Paris-Bourse et contribua à la création du syndicat chrétien des PTT.

À la suite d’une mission paroissiale, Paul Hibout adhéra à la JOC en 1930 et devint, la même année, président de la section d’Argenteuil-Centre puis, en 1931, président de la fédération jociste d’Argenteuil. Il participa ainsi au premier pèlerinage jociste à Rome en septembre 1931.

Sollicité par André Hess*, secrétaire général de la JOC, pour devenir permanent national du mouvement, Paul Hibout obtint des PTT sa mise en disponibilité pour convenances personnelles et prit ses nouvelles fonctions le 1er novembre 1932. Il était alors chargé de la coordination des huit fédérations jocistes de la région parisienne et représentait la JOC aux comités diocésains de l’ACJF de Paris, Versailles et Meaux. De 1934 à fin 1936, il fut l’un des responsables du Service national jociste d’aide aux jeunes chômeurs tout en conservant la charge de la région parisienne. En même temps, il participa à la création d’une permanence régionale pour les jeunes chômeurs. En janvier 1935, la JOC internationale et la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) ayant lancé une pétition internationale sur le thème du chômage des jeunes, il prit une part active à son organisation en France (elle recueillit 21 300 signatures de chômeurs âgés de 13 à 25 ans). Il conduisit la délégation française lorsque la pétition fut présentée au Bureau international du travail à Genève le 4 juin 1935.

En 1936, Paul Hibout fut chargé d’animer, avec Joseph Folliet et Henri Ghéon, l’assemblée jubilaire au congrès du cinquantième anniversaire de l’ACJF, dont il était entré au comité général en 1935. L’année suivante, il fut l’un des organisateurs du congrès du Xe anniversaire de la JOC et assuma plus particulièrement l’exécution du chœur parlé lors de la cérémonie de clôture au Parc des princes le 18 juillet. Il quitta la JOC quelques mois après ce congrès jubilaire et, sollicité par Gaston Tessier*, secrétaire général de la CFTC, fut, d’avril 1938 à septembre 1939, secrétaire adjoint de l’Union régionale des syndicats chrétiens de la région parisienne, responsable du service « cours et sessions ». Il collabora également pendant cette période aux Écoles normales ouvrières de la CFTC, animées par Paul Vignaux* et Jean Pérès*.

Mobilisé puis fait prisonnier le 20 juin 1940 dans la forêt de Rambervillers (Vosges), Paul Hibout fut envoyé au camp de Baccarat (Meurthe-et-Moselle). À l’occasion d’une visite de ce camp en juillet 1920, l’abbé Rodhain, aumônier du service des soldats et prisonniers, lui aurait demandé de revenir à Paris pour encadrer les jeunes chômeurs. Selon son témoignage, Paul Hibout aurait décliné l’offre pour rester avec ses compagnons de captivité. Mais, libéré le 24 août 1940 avec le contingent des cheminots et employés PTT recensés parmi les prisonniers du camp, il rentra à Paris. Le 15 septembre 1940, à la demande de Georges Lamirand, secrétaire général à la Jeunesse, et – selon le témoignage de Paul Hibout – avec l’approbation de l’abbé Guérin*, aumônier général de la JOC, il devint commissaire régional au travail des jeunes, chargé de mission auprès du ministre du Travail, délégué auprès du secrétaire général de l’Action catholique française, Mgr Courbe. Paul Hibout occupa ce poste jusqu’à la suppression de ce service en août 1944. Il avait été aussi chargé de mission au cabinet du secrétaire général à la Jeunesse. À la Libération, il fut jugé en tant que fonctionnaire de Vichy par la Chambre civique de Seine-et-Oise et acquitté en 1945.

Durant toute la période de l’Occupation, Paul Hibout, l’un des membres les plus influents de la Fédération des syndicats d’employés, techniciens et chefs de service de l’ex-CFTC, conserva en outre une activité syndicale et fut l’un des plus actifs responsables de la minorité de l’ancienne confédération chrétienne qui adopta une attitude « collaboratrice » à l’égard du gouvernement de Vichy, en prenant notamment fait et cause pour la Charte du travail. En juin 1942, il participa à la création du Comité d’information ouvrière et sociale (CIOS), institué pour favoriser l’application de la Charte. Le 16 juillet 1942, il signa une note sur l’attitude récente en zone occupée des principaux dirigeants du syndicalisme chrétien à l’égard du gouvernement et de l’épiscopat français. Le 13 décembre 1942, Gaston Tessier*, souhaitant « administrer la preuve flagrante que les participationnistes (favorables à la Charte) étaient des minoritaires », convoqua les responsables d’unions départementales et de fédérations à une réunion. La thèse participationniste y fut défendue par Paul Hibout, tandis que ses opposants se rassemblèrent derrière Charlemagne Broutin. La motion Broutin l’emporta finalement sur la motion Hibout par 34 UD contre 16 (plus une abstention), mais Paul Hibout refusa de suivre la discipline syndicale et annonça la création d’un « Comité d’organisation syndical chrétien pour l’application de la Charte du Travail ». Faisant ainsi acte de scission, il fut pris à partie par d’autres minoritaires dénonçant son intransigeance. Il conserva cette attitude jusqu’au-boutiste jusqu’en 1944, publiant notamment le 6 août 1943 un article dans Voix françaises qui lui valut une lettre véhémente de Gaston Tessier lui reprochant « d’étaler au grand jour les discussions au sein de l’ex-confédération et de tenter de débaucher de bons syndicalistes pour leur faire servir une cause perdue et les compromettre gravement » (Michel Launay, op. cit.). L’engagement sans réserve de Paul Hibout en faveur de Vichy et de la Charte du travail lui valut, en mars 1946, d’être interdit à vie de toute activité syndicale par la Commission nationale d’épuration syndicale.

Mais les activités de Paul Hibout au cours de cette période ne s’arrêtèrent pas là. S’étant lié d’amitié avec le HitlerJugend Bannführer Heinz Schmidt, chargé à l’ambassade d’Allemagne à Paris de la propagande auprès des mouvements de jeunesse, qui souhaitait instituer une « convention » entre les mouvements de jeunesse catholique français et les jeunesses hitlériennes, Paul Hibout, profitant de son statut d’ancien dirigeant jociste, effectua en décembre 1943 une démarche infructueuse auprès d’Henri Bourdais – alors vice-président de la JOC pour la zone nord –, pour tenter, avec l’appui de Mgr Courbe, de faire accepter par la JOC l’idée d’un modus vivendi.

De la fin 1944 à juin 1947, Paul Hibout fut secrétaire délégué à l’Économie coopérative, centre d’études et de liaison créé pour promouvoir une structuration coopérative de l’organisation économique. Dans le cadre de cette activité, il anima colloques et congrès, notamment à Lourdes et à Paris. Il s’était marié le 10 septembre 1946 à Paris (XVe arr.) avec Yvonne Boutin, originaire de Rennes, animatrice de la bande rennaise des Compagnes de Saint-François (créées en 1929 par Joseph Folliet). Le couple allait adopter un enfant.

De juillet 1947 à septembre 1972, Paul Hibout fut permanent de la Fédération nationale d’action catholique (FNAC), devenue en 1954 l’Action catholique générale des hommes (ACGH). Il prit part à la constitution du CCFD en 1961 et fut membre de son comité national de 1961 à 1972, puis trésorier national de 1972 à 1981. De 1973 à 1985, il fut également président du Service de coopération au développement.

Responsable, de 1975 à 1979, du Comité national de liaison des organismes chrétiens de coopération internationale qui mirent en place la concertation européenne des OCCI, Paul Hibout fut actif au cours de cette période dans de nombreuses œuvres catholiques : Comité contre la faim et pour le développement, aide au Tiers-Monde, service missionnaire des malades et handicapés, etc. À partir de 1972, année de sa retraite, il anima ou dirigea en outre de nombreux services en divers domaines de la « Coopération missionnaire » et de l’action des chrétiens pour le « Développement solidaire des peuples ».

Une autre activité de Paul Hibout lui valut d’être au cœur d’une polémique. Il s’agit de sa fonction de délégué national du Comité « Fidélité », créé dans le sillage de la béatification de Marcel Callo en 1987 afin d’obtenir la béatification collective des « martyrs de l’apostolat organisé au sein du STO », parmi lesquels figurent une vingtaine de jocistes. Parallèlement, les évêques français prirent la décision d’introduire la cause collective des « martyrs du STO » et de lui donner comme promoteur Mgr Charles Molette. Dans un ouvrage, En haine de l’évangile, paru en 1993, ce dernier multiplia les attaques — jugées « personnelles, inutiles et déplacées » par Émile Poulat (op. cit.) ─ à l’encontre de Paul Hibout, auquel il reprochait non sans raison d’être mal placé, compte tenu de son passé, pour défendre la cause de la béatification. De fait, cette dernière s’en trouva totalement bloquée et les diverses tentatives de la hiérarchie catholique pour parvenir à une conciliation entre Mgr Molette et Paul Hibout demeurèrent infructueuses, au point que l’organisation d’une journée de prières commémorant le cinquantenaire des « martyrs du STO » dut être annulée.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article87206, notice HIBOUT Paul, Clément par Éric Belouet, version mise en ligne le 2 avril 2010, dernière modification le 6 avril 2010.

Par Éric Belouet

SOURCES : Entretiens avec Paul Hibout, Paris, 27 juillet 1995 et 6 janvier 1997. — Archives diocésaines de Cambrai, fonds Guerry, 3 Z 11, inv. 19. — Charles Molette, « En haine de l’Évangile ». Victimes du décret de persécution nazi du 3 décembre 1943 contre l’apostolat catholique français à l’œuvre parmi les travailleurs requis en Allemagne 1943-1945, Fayard, 1993, p. 29, 53, 57-58, 80-81, 84, 94 et 149-150. — Jocistes dans la tourmente. Histoire des Jocistes (JOC-JOCF) de la région parisienne, 1937-1947, Éditions Témoignage Chrétien/Éditions ouvrières, 1989. — Xavier de Montclos et al., Églises et Chrétiens dans la Seconde Guerre mondiale, Lyon, PUL, t. 2 : La France, 1982 (notamment les contributions de Michel Launay, « Le syndicalisme chrétien et la Charte du travail », p. 184-225 et de René Rémond, « De la résistance spirituelle à la lutte armée », p. 415). — Notice DBMOF (non signée mais rédigée sur la seule base du témoignage de Paul Hibout lui-même). — Jean-Pierre Coco, Joseph Debès, 1937, L’élan jociste, Éditions ouvrières, 1989. — Jean-Pierre Le Crom, Syndicats nous voilà !, Éditions de l’Atelier, 1995, p. 192. — Henri Bourdais, La JOC sous l’occupation allemande, Éditions de l’Atelier, 1995, p. 81, 100, 106 et 198-201. — Émile Poulat, « La JOC, la guerre et le nazisme. À propos du livre d’Henri Bourdais », Cahiers de l’atelier, n° 470, novembre-décembre 1996, p. 90-99. — Carole Saudejaud, Le syndicalisme chrétien sous l’Occupation, Perrin, 1999. — Documentation du Comité « Fidélité » et archives personnelles de P. Hibout relatives à sa polémique avec Charles Molette, transmises par P. Hibout. — Notes de Louisette Battais, d’André Caudron et de Nathalie Viet-Depaule.

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