Par André Caudron, Jacques Debesse
Né le 5 juillet 1889 à Morlaix (Finistère), mort le 19 juillet 1984 à Villeneuve-Saint-Georges (Val-de-Marne) ; barde breton, journaliste, libraire (1919) ; militant de la Jeune République puis du Parti national breton ; écrivain, linguiste, cofondateur de la Nouvelle Revue de Bretagne (1947).
Fils d’Isaac-Marie Gourvil, garçon d’hôtel lors de sa naissance puis employé, et de Marie-Renée née L’Hostis, ménagère, Francis Gourvil commença son apprentissage de tailleur à l’âge de quatorze ans, puis fut ouvrier dans cette profession de 1906 à 1912. Son ami Louis Le Guennec lui avait révélé la « matière bretonne », sa langue, sa littérature, son histoire, et il avait publié en breton ses premiers ouvrages dès 1911, notamment une version remaniée de la vie des quatre fils Aymon. Une bourse du conseil général du Finistère lui permit alors de suivre les cours d’Anatole Le Braz et de Georges Dottin à l’université de Rennes. Il obtint en 1913 le diplôme des hautes études celtiques, décerné par la faculté des lettres.
Pendant la Première Guerre mondiale, Francis Gourvil, versé au contrôle postal, fut chargé de censurer les plis rédigés en langue bretonne. Il écrivit des chansons destinées à inciter ses compatriotes à souscrire pour l’emprunt de guerre. Rentré dans sa ville natale en 1919, il ouvrit une librairie à l’enseigne de « Ti-Breiz », en continuant ses recherches érudites et en participant à plusieurs sociétés savantes. Il entama une carrière de journaliste au quotidien l’Ouest-Éclair, proche de ses convictions démocrates chrétiennes. Il aimait écrire aussi pour La Tribune de Morlaix où il exprimait les choix politiques de la Jeune République, issue des milieux sillonnistes. Appartenant à cette frange gauche du catholicisme social, Francis Gourvil polémiqua durement avec Jules Sédillot et Yves Le Febvre durant l’affaire de La Terre des prêtres, œuvre romanesque puis théâtrale qui opposa les deux hommes de lettres francs-maçons aux milieux cléricaux (1932-1934).
Considéré comme un bon connaisseur des littératures celtiques, Francis Gourvil lança une revue éphémère, Monez Ar Vro, qui ne dura qu’un an, et entra ensuite au comité de rédaction de Buhez Breiz, « revue mensuelle d’études pour la défense des intérêts nationaux », autrement dits bretons. Très jeune, séduit par le thème du fédéralisme, il était devenu militant de l’Union régionaliste bretonne, puis du Parti nationaliste breton, fondé en 1911, transformé en Parti autonomiste breton (1927) et enfin en Parti national breton (PNB). Il se sépara de cette formation en 1938, en raison de son évolution vers le fascisme. Durant la Seconde Guerre mondiale, il s’efforça de calmer par la plume l’ardeur antisémite de certains nationalistes bretons. Entré dans la Résistance à l’instar d’Adolphe Le Goaziou, libraire lui aussi, il fut dénoncé auprès de la police allemande, arrêté et interné à Angers (Maine-et-Loire), Fresnes (Seine) enfin, soit au total six mois d’emprisonnement.
Membre du Comité local de libération de Morlaix, décoré de la Croix du Combattant volontaire 1939-1944, Fanch Gourvil se livra après guerre à une tâche de déconstruction de l’idéologie nationaliste bretonne. Elle lui valut de fortes inimitiés. Collaborant jusqu’en 1956 à Ouest-France, qui avait remplacé Ouest-Éclair, il s’investit également dans la Nouvelle Revue de Bretagne dont il avait été le fondateur en 1947 avec son ami Le Goaziou, membre du MRP.
À soixante-et-onze ans, en 1959, Fanch Gourvil publia encore une thèse soutenue à l’université de Rennes, thèse où il mettait en doute l’authenticité de la quasi-totalité des chants bretons rassemblés dans le Barzaz Breiz par Théodore Hersart de La Villemarqué. La controverse déchaîna les passions. En 1974, la thèse de Donatien Laurent voulut démontrer que l’hypothèse du vieux barde n’était pas fondée mais celui-ci continua de défendre son point de vue avec ténacité.
Personnage avide de découvertes, curieux de tout, Fanch Gourvil fit de nombreux déplacements tant que son état physique le permit, à bicyclette puis en vélomoteur, et voua la fin de sa longue vie aux études d’onomastique. Mort à l’âge de quatre-vingt-quinze ans, il avait eu sept enfants de son mariage, célébré le 25 octobre 1925 à Morlaix, avec Marguerite-Francine Salaün qui exerçait le métier de modiste. Le quatrième, Tristan Gourvil, fut militant CFTC-CFDT.
Par André Caudron, Jacques Debesse
ŒUVRE : Buez ar pevar mab Emon (La vie des 4 fils Aymon), Ar Gwaziou (Le Goaziou), Montroulez (Morlaix), 1911. – Soniou koz brezonek, La chanson bretonne au front, Imprimerie F. Simon, Rennes, 1916. – De l’Armor à l’Arrée : 12 images de Basse-Bretagne, À l’Enseigne de Ti-Breiz, Morlaix, 1927. – En Bretagne. De Saint-Brieuc à Brest et de Quimper à Vannes, Arthaud, Grenoble, 1929. – Soniou nevez ha soniou koz, Ti Breiz, Morlaix, 1930. – Un tour de Bretagne au XXe siècle, Éditions de Bretagne, Rennes, juillet 1938. – Les poupées de Bretagne marque de fabrique, illustrations de Jean-Adrien Mercier, Le Minor, Pont-l’Abbé, 1939. – Langue et littérature bretonnes, PUF, Que sais-je ?, 1952. – Morlaix entre mer et monts, Le Doaré, 1954. – Théodore-Claude-Henri Hersart de la Villemarqué (1815-1895) et le « Barzaz-Breiz », thèse, Imprimerie Oberthur, Rennes, 1960. – Noms de famille de Basse-Bretagne : matériaux pour servir à l’étude de l’anthroponymie bretonne, Éditions d’Artrey/Société française d’onomastique, 1966. – Noms de famille bretons d’origine toponymique, Société archéologique du Finistère, Quimper, 1970. – Nombreux articles de journaux et revues.
SOURCES : Arzel Even, « À propos d’un livre récent », Ar Vro, n° 7, septembre 1960. – Serge Duigou, introduction à La Terre des prêtres d’Yves Le Febvre, réédition, Le Signor, Pont-L’Abbé, 1980. – Tanguy Daniel, « Francis Gourvil (1889-1984) », Bulletin de la Société archéologique du Finistère, tome CXIII, 1984. – Donatien Laurent, Aux sources du Barzaz-Breiz : la mémoire d’un peuple, éditions Ar Men, 1989. – Yvon Tranvouez, notice in Michel Lagrée (dir.), Dictionnaire du monde religieux dans la France contemporaine, 3. La Bretagne, Beauchesne-Institut culturel de Bretagne, 1990. – Philippe Le Stum, Le néo-druidisme en Bretagne. Origine, naissance et développement, 1890-1914, éditions Ouest-France, Rennes, 1998.