Par Antoine Olivesi, Jean-Marie Guillon
Né le 6 août 1907 à Oran ; employé des PTT ; militant syndicaliste CGTU à Marseille (Bouches-du-Rhône) ; membre du Parti communiste ; résistant ; directeur du journal La Marseillaise.
Marcel Guizard était le fils d’un courtier en vins et d’une employée des PTT. Après avoir obtenu son Brevet élémentaire en 1923, il devint, deux ans plus tard, agent manipulant des PTT à Marseille et travaillait au central télégraphique. Il fit son service militaire dans la Marine à Toulon (Var) en 1927 comme quartier maître transmissions puis chef de poste. Marié, père d’un enfant, ce fut un militant communiste et syndicaliste convaincu. Vers la fin de sa vie, il publia des souvenirs - Mémoires de Simon - centrés sur les années de guerre, où il se montre fier de son parcours militant, mais tendant à se donner un rôle vraisemblablement un peu supérieur à ce qu’il avait été. Il adhéra d’abord au syndicat autonome de sa catégorie puis, en 1928, à la Fédération postale de la CGTU. Il en devint le secrétaire adjoint régional à Marseille en 1934 et adhéra au Parti communiste en 1935 en même temps que Marcel Monteil. Jusqu’à la guerre, Marcel Guizard participa à plusieurs congrès et à de nombreuses grèves qui lui valurent d’être suspendu de son emploi, notamment en 1934 et en 1938. Il était chargé de Radio Liberté qui réclamait le pluralisme à la radio. Adversaire des « réformistes », il refusa de suivre la minute de silence pour le succès des négociations de Munich en septembre 1938 qui était demandée par le syndicat des commis et contrôleurs et, de ce fait, il aurait été mis en quarantaine. À la déclaration de guerre, il fut d’abord affecté spécial au central télégraphique jusqu’en décembre 1939, puis transféré au Ve Dépôt des équipages à Toulon, mais renvoyé en janvier 1940 à Marseille au centre de transmissions du Pharo, puis remis à la disposition du Ve Dépôt en mars et incorporé au 27e RTA à Cavaillon (Vaucluse) où se retrouvaient plusieurs militants communistes comme lui, puis au 141e RIA au col du Rousset dans le Vercors (Drôme). Il fut démobilisé en août 1940. Considéré comme suspect, figurant dans les fichiers de la police, il fut arrêté au tout début décembre 1940 et interné une semaine sur le Sinaïa en rade de Marseille avec de nombreux autres militants lors du voyage de Maréchal Pétain à Marseille. Il fut relevé de ses fonctions à la Poste le 12 février 1941 selon la loi du 17 juillet 1940 et, avec un camion, monta une affaire de transports avec son cousin. Il participa à la reconstitution du parti communiste clandestin à partir de la fin 1940 dans le quartier de La Plaine, étant le technique du trio qu’il formait avec Paul Allègre alias Paulo, technicien au central téléphonique de la rue Saint-Pierre qui était le politique et faisait la liaison avec la direction, et avec Marcel Monteil licencié des PTT comme lui. Monteil lui procurait le papier, l’encre et avait fourni la ronéo. Guizard tapait les stencils de L’Humanité, de Rouge-Midi, et les listes noires. Comme Monteil, il participait activement à la lutte contre le groupe dissident créé par Joseph Pastor, « infiltré par la police » selon lui. Les activités militantes devenant plus prenantes, il liquida son affaire et devint portefaix chez un grossiste en fruits et légumes dont il utilisait l’entrepôt, rue de Tilsitt, pour cacher le matériel de propagande.
Il avait été chargé de participer à la création du FN à Marseille par Georges Marrane. Il datait leur première rencontre dès le 15 avril 1941 ce qui est la situer cette rencontre quelques mois trop tôt. L’automne 1941 est plus vraisemblable. Marrane le mit en contact avec le Dr Paret, le Dr Gautier, Henri Simon, directeur du cadastre que Guizard dont le pseudonyme est Simon devait aider à former le comité directeur d’un FN dont la base était inexistante contrairement à ce qu’il laisse entendre en lui faisant jouer un rôle majeur dans les manifestations de 1942, celle du 14 juillet en particulier. Sa deuxième rencontre avec Marrane eut lieu fin août 1942. Marrane le muta à Nice (Alpes-Maritimes) pour développer le FN. Il devint alors clandestin. Lorsqu’il fut recherché par la police, sa femme fit croire qu’il l’avait quittée.
Arrivé à Nice le 2 septembre 1942, logé chez le cheminot Joseph Martino, il prit contact avec Ferdinand Guiraud alias Lamy, responsable communiste qui lui donna les directives et se mit au travail avec François Reboa qui avait créé le FN (il aurait compté alors une cinquantaine de membres). Il rencontra aussi Georges Bonnaire, objet de suspicion du parti pour avoir été libéré de son internement en Afrique du Nord. Pour vivre, alors qu’il comptait candidater comme peintre aux studios de La Victorine, le parti le fit entrer à la Miroiterie antiboise. À Nice, il participa à la campagne contre la Relève (l’envoi de volontaires, puis de requis en Allemagne) et à la préparation de la marche des femmes sur Vichy prévue le 11 novembre. Il rencontra Jean Médecin qui refusa d’entrer au comité de direction du FN zone Sud. En contact avec Raymond Comboul, responsable de Combat et, au début de 1943, des Mouvements unis de la Résistance (MUR), il négocia la signature de tracts communs aux mouvements clandestins, au FN et au PC, dont le premier fut diffusé le 20 octobre 1942. Il prétendit dans ses souvenirs avoir rencontré Max (Jean Moulin) à deux reprises à l’automne 1942 pour préparer ce tract ce qui est invraisemblable. L’arrestation de François Reboa le 30 avril 1943 et le démantèlement d’un groupe important de militants communistes qui suivit le conduisit à rester à Lyon (Rhône) où il avait été convoqué par Marrane pour préparer le 1er mai. Il intégra dès lors la direction FN zone Sud chapeauté, pour le parti, d’abord par Hubert Ruffe alias Laurent, délégué du Comité central, puis par Victor Joannès qui lui donnaient les consignes. Il fit la liaison avec les responsables régionaux du FN, en particulier Pierre Brandon dit Raoul à Toulouse, Alphonse Denis, ancien secrétaire du syndicat CGT des VRP à Limoges, Jacqueline Barjonet à Montpellier, Paul Rigon à Toulon, le Dr Paret et Monteil à Marseille. Il retrouva son ancien camarade marseillais Ramaciotti alias Jérôme, évadé de la prison de Saint-Étienne, à Montluçon où le parti l’avait mis à disposition du FN en 1944. Il fut également en contact avec Madeleine Braun. Jouant l’interface entre le PC et la Résistance non communiste, il fut chargé par Ruffe et la direction de zone de négocier avec Jacques Baumel, chargé de la mise en place des futurs préfets, la désignation de cinq communistes (Joannès en Lozère, Monjauvis dans la Loire, Chaintron en Haute-Vienne, Raoul Calas dans l‘Allier et lui-même pour l’Indre). Il était toujours à Lyon au moment de la Libération. Il fut convoqué à Paris le 5 septembre pour rendre compte à la direction du parti de la situation de la zone. Félicité par Jacques Duclos, il fut sollicité par Léon Mauvais et Raymond Guyot pour venir à Paris intégrer le secrétariat national du FN. Arrivé en octobre, il travailla alors avec Marcel Servin et Marcel Mugnier.
Dans ses attributions, il supervisait La Marseillaise. quotidien du FN (en fait du PCF) de la région marseillaise et fut envoyer pour l’inspecter ou plus exactement pour le reprendre en mains. Après avoir rencontré Denis Bizot et Ludovic Troin, il fit son rapport, critiquant l’absence de ligne, le partage des tâches entre trois administrateurs, le fait que trop peu de rédacteurs soient membres du parti, concluant qu’il fallait « un dirigeant capable de renverser la barre ». Sans doute se voyait-il dans ce rôle puisqu’il fut nommé par Pierre Villon directeur du journal en mars 1945. Il intégra également le bureau fédéral du PCF dans les Bouches-du-Rhône et y resta jusqu’en 1951. Muté dans l’Isère de 1951 à 1953, il dirigea, à Grenoble, le journal Les Allobroges.
De retour à Marseille, il dirigea de nouveau La Marseillaise jusqu’en 1970, ainsi que l’agence centrale de publicité à Paris. En 1958, il fut le candidat de son parti dans la 8e circonscription des Bouches-du-Rhône, aux élections législatives.
Marcel Guizard, vétéran du PC depuis 1970, était chevalier de la Légion d’honneur, et titulaire de la Croix de guerre avec palmes et de la médaille de la Résistance (décret du 3 août 1946). Son épouse, Andrée, postière également, fut conseillère municipale communiste de Marseille de 1945 à 1953 et neuvième adjointe au maire en 1946-1947 (municipalité Cristofol).
Par Antoine Olivesi, Jean-Marie Guillon
ŒUVRE : Mémoires de Simon 1941-1945, Marseille, imp. Seilpca, 1989, 375 p. (avec la collaboration de Michèle Lotiguet et Joël Jung)
SOURCES : Arch. Dép. Bouches-du-Rhône, V M 2/282 et 283, 76 W 68. — site internet Mémoire des hommes SHD Vincennes GR 16 P 281101 (nc). — Presse régionale. — H. Coston, Dictionnaire de la politique française, t. I, p. 519. — Réponse du militant au questionnaire.