HOURDIN Georges, Frédéric. Pseudonyme : Jacques BALUAUD

Par André Caudron

Né le 3 janvier 1899 à Nantes (Loire-Inférieure, Loire-Atlantique), mort le 29 juin 1999 à Clamart (Hauts-de-Seine) ; journaliste, rédacteur en chef de Temps présent (1937-1940), directeur de La Vie catholique illustrée (1945), président du groupe Malesherbes (1963-1974), directeur de L’Actualité religieuse dans le monde (1953), de Croissance des jeunes nations (1961-1982).

Georges Hourdin
Georges Hourdin

Fils d’un marchand de bois breton, d’opinions socialistes, et d’une mère vendéenne et royaliste, Georges Hourdin ne se déprit jamais des valeurs bourgeoises de ses parents. Élève de l’école Saint-Stanislas de Nantes de la classe de onzième à la « philo », il voulait être officier de marine. À l’âge de dix-sept ans une mauvaise chute contraria ce projet et le frappa de sept années d’inactivité physique. Il consacra dès lors beaucoup de temps à la lecture. Passionné par la politique, opposé aux injustices sociales, il allait l’être aussi à toutes les formes de dictature et aux conservatismes de type clérical ou nationaliste.

À l’âge de vingt-cinq ans, il put reprendre ses études. Il fréquenta l’École libre des sciences politiques et la faculté de droit de Paris, obtint la licence en droit puis le diplôme d’études supérieures de droit public et d’économie politique. En 1924, avec l’abbé Picard de la Vacquerie, il fonda le Foyer international des étudiants catholiques dont il fut aussitôt président. En même temps, il était vice-président de la Fédération nationale des étudiants catholiques (FNEC), créée en 1922.

Ayant renoncé à l’agrégation, Georges Hourdin choisit de s’investir dans la politique. Il devint permanent du Parti démocrate populaire, chargé du secrétariat de son groupe parlementaire à la Chambre des députés (1926). Très vite, il cumula activité politique et journalisme. Il fut nommé, l’année suivante, secrétaire de rédaction du Petit démocrate, hebdomadaire de cette formation. Lié au journaliste Francisque Gay, il écrivit aussi régulièrement des articles pour d’autres publications démocrates chrétiennes : L’Aube, La Vie catholique, la revue Politique (1933-1939). Il signait parfois Jacques Baluaud, du nom de naissance de sa mère.

Il fut appelé en 1936 à prendre la codirection de La Vie catholique, alors en perte d’audience, et fut l’instigateur de sa fusion, l’année suivante, avec Temps présent lorsque celui-ci prit, sous la houlette d’Ella Sauvageot*, la succession de Sept, journal lancé en 1934 par les dominicains de La Tour-Maubourg, en particulier les pères Pierre Bernadot et Pierre Boisselot. Georges Hourdin avait abandonné ses fonctions de permanent après l’échec du PDP aux élections de 1936, infléchissant définitivement son itinéraire vers le journalisme conçu comme un moyen pour rapprocher le catholicisme des masses. Devenu rédacteur en chef de Temps présent au printemps 1938, il se fit alors des amis qui allaient devenir célèbres en politique ou dans l’édition, tels Paul Flamand, fondateur des éditions du Seuil, François Mauriac*, Robert Buron, Maurice Schumann* ou Georges Bidault.

L’invasion de 1940 interrompit ses activités de journaliste. Pendant l’occupation allemande, il fut secrétaire général du Centre national de coordination et d’action des mouvements familiaux et prit part à la création de la Maison de la Famille, 28 place Saint-Georges à Paris. Celle-ci était notamment chargée de la mise au point de la loi du 29 décembre 1942, dite « loi Gounot », sur l’organisation familiale. Il était aussi secrétaire général du Conseil supérieur de la famille. À cette époque, il s’engagea dans la Résistance au sein du groupe de la rue de Lille, créé en 1941 autour d’Émilien Amaury, fondateur de l’Office de publicité générale (OPG), auquel le régime de Vichy avait confié la propagande sur le thème de la famille. Le groupe clandestin, abrité dans les locaux de l’OPG, mit ses imprimeries au service des mouvements de résistance.

À l’automne 1944, Georges Hourdin fut l’un des fondateurs du MRP qui lui confia le secrétariat général de son groupe à l’Assemblée consultative provisoire (1944-1945). Dans le nouveau parti, il se voulait l’un des promoteurs d’un « travaillisme à la française » qui aurait permis de faire pièce à l’influence du communisme et au laïcisme de la SFIO. Échouant à rallier la direction du MRP à ses positions, il renonça à tout mandat électif mais présenta le rapport économique et social au congrès du mouvement en décembre 1945 et fut membre de sa commission exécutive jusqu’en 1954.

À la Libération, il avait contribué à la reparution de Temps présent mais laissé la place de rédacteur en chef à Hubert Beuve-Méry qui partit deux mois plus tard pour fonder Le Monde, puis à André Frossard. Georges Hourdin prit part au lancement de la revue Bonheur et de la Semaine économique et financière, et surtout fonda, avec Joseph Folliet, Ella Sauvageot et le père Boisselot, La Vie catholique illustrée dont le premier numéro parut le 8 juillet 1945. Sous la direction de Georges Hourdin et de Joseph Folliet, ce magazine hebdomadaire en héliogravure obtint un succès immédiat. Il donnait beaucoup de place à la photo et se voulait chrétien, populaire, familial et moderne. Son tirage atteignait 600 000 exemplaires deux ans plus tard. Le magazine était devenu la clef de voûte d’un nouveau groupe de presse qui, dirigé par Ella Sauvageot, avait pris le nom de Publications de la Vie catholique ; on l’appelait aussi groupe Malesherbes en raison de son adresse, 163 boulevard Malesherbes. Ses bénéfices furent réinvestis dans de nouvelles créations.

Le 22 janvier 1950, Georges Hourdin fut le cofondateur de Radio-Cinéma-Télévision qui allait devenir Télérama en juillet 1961. Indirectement, et malgré quelques réticences à l’égard de la ligne éditoriale, il permit aux dominicains et à Ella Sauvageot de publier le bimensuel La Quinzaine, organe du « progressisme chrétien ». Il participa plus activement à la parution, le 1er avril 1953, de L’Actualité religieuse dans le monde, destinée à « informer sur les événements et les courants de pensée qui se manifestaient dans les diverses chrétientés ». C’était une idée audacieuse à une époque où le Vatican détenait le monopole mondial de l’information religieuse catholique. Victime collatérale de la condamnation des prêtres-ouvriers et des théologiens dominicains, cette revue menacée de disparition ne dut sa survie, sous le titre d’Informations catholiques internationales – à partir du 1er avril 1955 –, qu’à la promesse, assumée par Georges Hourdin, d’en conformer le contenu aux attentes romaines. Désormais gérée et dirigée par Hourdin, elle assura au groupe Malesherbes une vaste audience au-delà des frontières.

Croissance des jeunes nations, créée le 1er mai 1961 sur une suggestion de l’économiste Gilbert Blardone, prolongea et renouvela cette ouverture du catholicisme français en direction des pays nouvellement indépendants. Georges Hourdin, son fondateur et directeur, voulait, à l’heure de la décolonisation, attirer l’attention sur l’émergence du tiers-monde et souligner la nécessaire solidarité entre le Nord et le Sud. Il contribuait ainsi à la formalisation, pour un large public, d’un tiers-mondisme catholique que le concile Vatican II (1962-1965) et l’encyclique Populorum progressio (1967) reconnaissaient et consacraient. Cette publication deviendra en 1990 Croissance, le monde en développement puis se transformera en Alternatives internationales au début des années 2000.

Lorsqu’en 1960 les dirigeants de la JEC (Jeunesse étudiante chrétienne) songèrent à un journal de masse où le politique aurait tenu une grande place, Georges Hourdin accueillit ce projet avec enthousiasme. Un numéro zéro du Cri, sorti en avril 1962, deux mois avant l’indépendance de l’Algérie, suscita la réprobation de Mgr Veuillot, président de la commission épiscopale du monde scolaire, mais il n’opposa finalement pas son veto à une parution qui commença à l’automne 1962. Les positions du journal, important dans la sphère du catholicisme étudiant, soulevaient des questions subversives par rapport à la morale enseignée par la hiérarchie ; elles lui valurent de vives critiques internes à l’Église. Malgré des tirages non négligeables, Le Cri disparut en 1965. Georges Hourdin, qui avait fondé le mensuel Images du mois en 1962 et le dirigea jusqu’en 1978, gardait la volonté de faire exister un journal d’actualité à destination du large public de ces « couches nouvelles » que constituaient alors les cadres, chrétiens ou non, militants syndicalistes ou politiques. Il reprit le titre du Cri, et le mensuel Le Cri du Monde sortit de novembre 1966 à 1970. La vente de 25 000 exemplaires n’était pas suffisante. Ce fut la dernière création de Georges Hourdin.

Ce grand journaliste, témoin et acteur passionné du XXe siècle, fut président directeur général des Publications de la Vie catholique de 1963 – succédant à Ella Sauvageot, morte accidentellement en 1962 – à 1974, année où il prit sa retraite. Il resta ensuite très actif. Directeur de Croissance des jeunes nations jusqu’en 1982, il continua d’écrire un article par semaine dans La Vie jusqu’en 1992. « Conciliaire sur le plan religieux et ouvert à gauche sur le plan politique », il donna de nombreux articles dans Le Monde et L’Express. Il fut, par ailleurs, l’auteur d’une trentaine de livres sur des thèmes d’actualité ou des personnalités en résonance avec l’époque. Trois de ces livres, Le malheur innocent, J’aime la vie, dit-elle enfin et On n’a plus besoin de toi sont liés à l’épreuve vécue par l’auteur et ses proches : l’accompagnement d’une enfant handicapée. Le dernier ouvrage de Georges Hourdin parut peu avant sa disparition à l’âge de cent ans.

Président du Centre national de la presse catholique (1957-1958), il avait été secrétaire général de la commission générale des Semaines sociales où il présenta plusieurs cours (1947, 1955, 1957). Membre actif de France Terre d’asile, il fut aussi vice-président du Syndicat de la presse hebdomadaire parisienne de 1962 à 1970.

Officier de la Légion d’honneur, médaille de la Résistance, Georges Hourdin eut huit enfants de son mariage avec Geneviève Oriolle, célébré le 10 mars 1931 dans le XVe arrondissement de Paris.

À sa mort, le président de la République, Jacques Chirac, salua cette « grande figure de la presse et des Lettres françaises », « un homme généreux, curieux de tout, posant sans cesse les vraies questions, des questions éclairées par une foi exigeante ». Une Association Georges Hourdin fut créée pour « faciliter les initiatives qui permettent la réflexion, la recherche, la formation et la communication sur les fondements du christianisme social et son expression dans le monde d’aujourd’hui », avec une attention toute particulière aux victimes de la pauvreté et de l’exclusion.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article87221, notice HOURDIN Georges, Frédéric. Pseudonyme : Jacques BALUAUD par André Caudron, version mise en ligne le 2 avril 2010, dernière modification le 14 avril 2016.

Par André Caudron

Georges Hourdin
Georges Hourdin

ŒUVRE : Mauriac, romancier chrétien, Temps Présent, 1944. – Balzac, romancier des passions, Temps Présent. 1950 – La Presse catholique, Fayard, 1957. – Le cas Françoise Sagan, Cerf, 1958, – L’Enfer et le Ciel de Bernard Buffet, Cerf, 1958. – La nouvelle vague croit-elle en Dieu ?, Cerf, 1959. – Saint Thomas More, Gabalda, 1959. – Camus le Juste, Cerf, 1960. – Pour une civilisation des loisirs, Calmann-Lévy, 1961. – Les femmes célibataires vous parlent, Cerf, 1962. – Simone de Beauvoir et la liberté, Cerf, 1962. – Pour les valeurs bourgeoises, Berger-Levrault, 1968. – Les chrétiens contre la société de consommation, Calmann-Lévy, 1969. – Bonhoeffer, une église pour demain, Cerf, 1969. – Catholiques et socialistes, Grasset, 1973. – Dieu en liberté, autobiographie, Stock, 1973. – Les jardiniers de Dieu, Calmann-Lévy, 1975. – Le Malheur innocent, Stock, 1976. – Pour le Concile, Stock, 1977. – La tentation communiste, Stock, 1978. – Réponse à la nouvelle droite, Stock, 1980. – La nouvelle droite et les chrétiens, Cerf, 1980. – Ce qui m’étonne, dit Dieu, c’est l’espérance, Salvator, 1981. – Lamennais, prophète et combattant de la liberté, Perrin, 1982. – J’aime la vie, dit-elle enfin, Desclée de Brouwer, 1983. – François, Claire et les autres, Desclée de Brouwer, 1984. – Au pape Jean-Paul II et aux évêques du Synode, sur la nécessité d’achever le Concile, Desclée de Brouwer, 1985. – L’abbé Grégoire, évêque et démocrate, Desclée de Brouwer, 1989. – Simone Weil, La Découverte, 1989. – Dieu m’a eu… mais je me débats encore, Desclée de Brouwer, 1992. – On n’a plus besoin de toi, Desclée de Brouwer, 1992. – Le Bonheur, Bartillat, 1994. – Le vieil homme et l’Église, Desclée de Brouwer, 1997. – Le vieil homme et la vie, Desclée de Brouwer, 1999.

SOURCES : Biographie de Georges Hourdin, site Internet, Association Georges Hourdin, sd. (2005). – Catholicisme, V, 1962 (Maurice Carité). – Henry Coston, Dictionnaire de la politique française, 1, 1967. – Who’s who in France, éditions Jacques Lafitte, 1969-1970. – Jacques Paugam, Georges Hourdin, entretien diffusé, France-Culture, 30 mars et 16 avril 1976, INA, 1986. – Alain de Mazery, La Vie, rencontre avec Georges Hourdin, Malesherbes Publications, 1987. – François Leprieur, Quand Rome condamne, Plon/Terre humaine, 1989. – Dictionnaire des intellectuels français, Le Seuil, 1996, notice établie par Yvon Tranvouez, p. 596-597. – Geneviève Laplagne, L’histoire de La Vie, Cerf, 1999. – Yvon Tranvouez, Catholiques et communistes. La crise du progressisme chrétien 1950-1955, Cerf, 2000. – Martine Sevegrand, Temps présent. Une aventure chrétienne (1937-1992). Tome 1 : L’hebdomadaire 1937-1947, Éditions du Temps présent, 2006. – Jacqueline Sauvageot, Ella Sauvageot, L’audace d’une femme de presse (1900-1962), Les Éditions de l’Atelier, 2006. – Notes de Tangi Cavalin et Nathalie Viet-Depaule.

rebonds ?
Les rebonds proposent trois biographies choisies aléatoirement en fonction de similarités thématiques (dictionnaires), chronologiques (périodes), géographiques (département) et socioprofessionnelles.
fiches auteur-e-s
Version imprimable