JARGOT Paul, Alexandre

Par Laurent Besse

Né le 31 mars 1925 à La Folatière (commune rattachée au Pont-de-Beauvoisin, Isère), mort le 4 juillet 2003 à Saint-Paul-les-Monestier (Isère) ; exploitant agricole puis enseignant ; militant catholique dans le syndicalisme agricole, militant d’éducation populaire et de la démocratie locale, président de la FFMJC, membre du PCF ; maire de Crolles, conseiller régional, sénateur de l’Isère.

Paul Jargot
Paul Jargot
Photographie figurant sur l’annonce du décès par la mairie de Crolles

Fils d’un agriculteur modeste, Paul Jargot entra au petit séminaire de Voreppe puis au grand séminaire de La Tronche. Une crise d’épilepsie l’écarta de la prêtrise. Titulaire du baccalauréat, il devint en 1944 moniteur à mi-temps à la Maison familiale d’apprentissage rural (centre de formation agricole) de Crolles, petit bourg du Grésivaudan, où il devint moniteur à mi-temps puis directeur toujours à mi-temps. Paul Jargot se maria en septembre 1947 à Bernin (Isère) avec la fille d’un agriculteur de Bernin, village voisin. Le couple eut quatre enfants. Paul Jargot reprit une petite exploitation agricole.

Il milita dans la JAC (Jeunesse agricole catholique) et créa une équipe de football qui réunissait des jeunes de sa génération. Il s’engagea parallèlement dans le syndicalisme agricole, fut de 1950 à 1953 secrétaire du Centre départemental des jeunes agriculteurs puis membre du conseil d’administration de la Fédération départementale des syndicats d’exploitants agricoles (1947-1960). Il fonda une CUMA (coopérative d’utilisation du matériel agricole). Parallèlement un CETA (centre d’étude des techniques agricoles) et un centre de gestion étaient créés. Sous le patronage du curé de Crolles, Paul Jargot initia la création d’un centre de formation populaire, où des enseignants de l’université de Grenoble et des syndicalistes ouvriers venaient débattre. En 1951, fut fondé le FREP (foyer régional d’éducation populaire puis permanente) de Crolles, dont Paul Jargot fut le directeur puis le président. Ce foyer disposait des locaux permettant l’hébergement et la formation de stagiaires. Il était également actif dans le Mouvement de la paix. La CUMA regroupa rapidement une centaine de coopérateurs et son noyau se présenta aux élections municipales de 1953. Paul Jargot anima une liste de candidats. Cette équipe composée de nombreux paysans-ouvriers fut élue contre toute attente, face au patron des sirops Teisseire, maire sortant. Élu conseiller municipal, il fut désigné comme maire de Crolles sur une liste appuyée par le PCF. « Présenté par le PCF », battu aux élections cantonales de 1958 par Aimé Paquet, figure des républicains indépendants, Paul Jargot fut réélu maire, apparenté PCF de Crolles en 1959. Sur le plan professionnel, il entra comme rédacteur à la mairie de Villard-Bonnot en 1958. En 1962, il devint assistant puis CTP, conseiller technique et pédagogique, au Secrétariat d’État de la Jeunesse et aux Sports pour l’académie de Grenoble. Il occupait depuis plusieurs années une place importante au sein de Peuple et culture Isère et d’autres mouvements comme les MJC (maisons des jeunes et de la culture) et l’ADELS (association pour la démocratie locale et sociale), dans un département où le militantisme d’éducation populaire occupait une place très importante depuis la Libération. Il participa à la création de l’IUT Carrières sociales de Grenoble en 1967 et y devint maître-assistant associé, responsable de la filière animation sociale et socioculturelle.

Maire, Paul Jargot engagea sa commune dans une vaste expérience qu’il a décrite comme de « participation-développement ». Dès 1953, il inaugura des réunions périodiques avec la population (« les États-généraux ») pour recueillir les avis et propositions qu’il mit en application lors du remembrement mais, au-delà, avec l’élaboration d’un plan d’urbanisme qui visait à récupérer 400 ha de terres inondables par l’Isère pour les mettre en culture et pour créer une zone industrielle, le tout contribuant à l’assainissement de sa commune engagé dans le cadre de la CUMA. Grâce à la mobilisation des agriculteurs la commune réussit à acheter à un prix unique à quatre-vingts petits propriétaires des parcelles pour créer une zone industrielle de 15 ha et, d’autre part, à créer une réserve agricole où toute autre activité était interdite pour vingt-cinq ans. L’élaboration du « plan d’urbanisme », antérieur aux lois foncières de 1967, et pensé comme un plan de développement, fut présentée comme un modèle de large participation des habitants. L’étape suivante consista, à partir de 1965, à créer une structure de développement intercommunal du Grésivaudan qui devint le Groupement d’études pour l’aménagement du Grésivaudan. Il s’efforçait de faire collaborer élus (de toute couleur politique) et « forces vives ». En février 1965, Paul Jargot fut à l’initiative d’un des premiers syndicats de développement intercommunal et de la création à Crolles et, toujours en lien avec des universitaires grenoblois, du CDFCS (centre départemental de formation communale et sociale) devenu en 1984 le CIFODEL (centre d’information et de formation des élus locaux de l’Isère). Cette création et ses initiatives de maire contribuèrent à lui donner une audience auprès des élus locaux de l’Isère et des départements voisins.

Depuis 1962, membre du conseil d’administration de la fédération nationale des MJC, vice-président de la FFMJC (fédération française des MJC) depuis 1965, Paul Jargot incarnait la montée du pouvoir des élus provinciaux dans la fédération face à la génération des fondateurs et aux techniciens. La démission surprise du président André Philip le 31 mars 1968 conduisit Paul Jargot à assurer l’intérim. Lors de l’assemblée générale tenue à Grenoble en novembre 1968, Paul Jargot fut, au terme de débats très houleux, désigné comme président de la FFMJC, face à Gilbert Hillairet. Un des aspects majeurs des conflits porta sur l’appartenance de Paul Jargot au PCF qui n’aurait pas été révélée. Paul Jargot aurait en fait adhéré en mai ou juin 1968, selon Jean-Paul Jargot, son fils aîné qui prit sa carte au même moment ; Selon la biographie remplie pour le PCF, il adhéra en mars 1970, année reprise dans sa biographie établie par les services du Sénat. Dans le conflit qui devait éclater entre la FFMJC et son ministère de tutelle dès décembre 1968, Paul Jargot incarna la tendance fidèle à une fédération maintenue, s’appuyant sur le corps des directeurs de MJC. Devant le risque de voir le ministre Comiti détruire la fédération, il fit partie de ceux qui estimèrent fin 1969 qu’il était impossible de ne pas se soumettre aux injonctions gouvernementales mais qu’il fallait poursuivre la lutte à long terme pour reconstruire une FFMJC unie. Président jusqu’en 1976, Paul Jargot conduisit la bataille contre un gouvernement hostile, tout en s’efforçant de réfuter l’idée d’une mainmise du PCF sur la fédération et de favoriser le pouvoir des élus des MJC, contre celui des techniciens, salariés de la FFMJC. Il se heurta parfois avec le puissant syndicat FERC-CGT des directeurs, où les communistes étaient nombreux. Il se retira au profit de Robert Lenoir*, élu CDS de Dunkerque qui, selon le témoignage de ce dernier, aurait eu pour Paul Jargot l’avantage d’être chrétien, bon gestionnaire, provincial et homme de caractère. Séparé de son épouse, Paul Jargot vivait depuis 1975 avec Béatrice de Hauteclocque, directrice de MJC, membre du PCF, dont il eut un fils. Membre du comité de la section communiste de Crolles, membre de la commission de la fédération communiste des élus, Paul Jargot suivit les cours de l’école centrale d’un mois du PCF en août 1975. Paul Jargot fut un dirigeant départemental et national du Mouvement de la Paix. Il fit partie du comité directeur de l’association des maires de France. Il fut membre de la CGT (1960-1962), de la Fédération de l’éducation nationale (1962-1974) et du SNESup (1972-1974).

Le 22 septembre 1974, Paul Jargot fut élu sénateur PCF de l’Isère à la place de Georges Kioulou, maire d’Echirolles, initialement pressenti mais malade. Il parvint à rallier de nombreux électeurs non-communistes. Au Sénat, membre de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation dont il fut secrétaire à partir de 1980, il se pencha en particulier sur les questions agricoles. En 1980, il participa à la création d’un groupe parlementaire de défense des producteurs de tabac. Battu aux élections législatives de juin 1981 dans la 1re circonscription de l’Isère (Grenoble-Est), il fut également défait lors des élections sénatoriales de septembre 1983 à la tête de la liste communiste. Ses proches aiment à décrire un communiste fidèle mais disposant de peu de soutien dans le PCF isérois. Il avait été en revanche une nouvelle fois réélu maire de Crolles en mars 1983. Il lança de nouveaux États généraux de la commune. Ses combats portaient également désormais sur la défense de l’emploi. Il s’engagea très fortement pour la garantie d’emprunt à des entreprises en difficultés (papeteries de France à Lancey), contre le PCF mais également contre une partie de son conseil municipal. C’est dans ce contexte qu’il démissionna en 1986, après trente-trois ans de mandat, au cours desquels la population de Crolles avait triplé. Le premier adjoint Jean-Claude Paturel qui lui succéda devait poursuivre la politique d’expansion. Dès 1983, Paul Jargot avait négocié avec Thomson qui cherchait à investir dans la région grenobloise. Cela déboucha sur l’implantation de ST Microélectronics, l’un des plus importants investissements industriels jamais réalisés en France, sur les réserves foncières constituées du temps de Paul Jargot. Après son retrait de la vie politique active, Paul Jargot continua à militer dans différentes associations d’aides à l’emploi et aux associations jusqu’à dans les années 1990. Il s’efforça également de faire vivre le FREP, pour lequel il fit appel à Paul Markidès*, communiste et militant d’éducation populaire qu’il avait connu à la FFMJC.

C’est un homme déjà touché par la maladie que Marie-Georges Buffet décora de Légion d’honneur en juin 2000. Paul Jargot eut des obsèques religieuses à Crolles. Un hommage lui fut rendu à la Maison familiale. La ville de Crolles donna son nom à un espace culturel.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article87229, notice JARGOT Paul, Alexandre par Laurent Besse, version mise en ligne le 29 avril 2010, dernière modification le 26 septembre 2016.

Par Laurent Besse

Paul Jargot
Paul Jargot
Photographie figurant sur l’annonce du décès par la mairie de Crolles

ŒUVRE : « Le Grésivaudan, expérience démocratique de développement », Éducation permanente, octobre-décembre 1972, p. 21-32.

SOURCES : Arch. comité national du PCF. – Archives de la FFMJC et du ministère de la Jeunesse et des Sports. — Site du Sénat : http://www.senat.fr/senfic/jargot_p… — Entretiens avec Paul Jansen, Jean-Paul Jargot, Paul Markidès, Marc Malet, Robert Lenoir, — Dictionnaire des parlementaires français. — Laurent Besse, Les MJC 1959-1981. De l’été des blousons noirs à l’été des Minguettes, PUR, 2008. — Notes de Jacques Girault.

rebonds ?
Les rebonds proposent trois biographies choisies aléatoirement en fonction de similarités thématiques (dictionnaires), chronologiques (périodes), géographiques (département) et socioprofessionnelles.
fiches auteur-e-s
Version imprimable