HAINCHELIN Charles, Lucien [Pseudonymes dans la résistance : ACHELIN C., HENRY Lucien, CHASSAGNE Henri, AGNON C., LOTHRINGER, KO-KO-RIOU-KAI, PETITHENRY, MÉTENIER, Dubois)

Par Nicole Racine, Eric Panthou

Né le 2 août 1901 à Reims (Marne), mort le 26 août 1944 à Thiers (Puy-de-Dôme), lors des combats pour la libération de la ville ; professeur d’histoire et historien ; membre du Parti communiste ; résistant au sein des FTP.

Archives municipales de Thiers

Le père de Charles Hainchelin, Lucien Basile Alexandre Hainchelin, était instituteur à Branscourt dans le canton de Ville-en-Tardenois (Marne) et syndicaliste ardent. Sa mère était née Anne Marie Charlotte Mary. La guerre de 1914 éprouva durement la famille Hainchelin : le père fut mortellement blessé devant Verdun en 1916, et la jeune sœur de Charles fut brûlée vive accidentellement dans la maison où sa mère s’était réfugiée ; les biens de la famille Hainchelin furent détruits. Charles fut adopté par la Nation en octobre 1918.

En juillet 1917, Charles Hainchelin fut admis à l’École normale d’instituteurs de la Marne alors repliée à Orléans puis à Versailles et enfin à Châlons et fit ses études dans des conditions difficiles. « En octobre 1920 — écrit son ami Georges Sadoul* — quand il rejoint son premier poste d’instituteur dans une école primaire de Reims, ce jeune homme de dix-neuf ans, que sa mauvaise santé dispensera du service militaire, a déjà acquis, par les dures expériences de la vie, les convictions pour lesquelles il mourra, vingt-cinq ans plus tard, et il hait profondément la guerre et l’oppression ». Fin 1919, Charles Hainchelin adhéra au Comité de la IIIe Internationale (voir F. Loriot) et fut, dès le lendemain de la scission de Tours, membre du Parti communiste. Jeune instituteur à Reims (Marne), puis à Albert (Somme), il fut un militant communiste convaincu. Il se maria le 4 août 1926 à Reims avec Marthe Prulhière.

Au moment de l’occupation de la Ruhr, Charles Hainchelin, qui parlait couramment allemand, passa la frontière pour transporter tracts et brochures. Sa santé ayant été ébranlée par la guerre, les conditions difficiles qu’il avait connues, il tomba gravement malade en 1923 ; guéri de la tuberculose, il se maria en 1926. Licencié d’histoire, il fut nommé, en 1926, professeur à l’école primaire supérieure de Nancy. Il passa quatorze ans en Lorraine, se consacrant, outre son enseignement, à l’étude du marxisme et aux travaux historiques. Il réunit une importante bibliothèque marxiste et entra en correspondance avec de nombreux intellectuels. Il devint le correspondant de l’Institut Marx-Engels de Moscou, dirigé par Riazanov. D’après A. Thirion, Hainchelin avait formé, en 1929, un projet de revue d’études marxistes, sur les positions de l’Institut. Depuis 1921, il était collaborateur régulier de La Vie Ouvrière ; il y avait fondé la rubrique économique qu’il signait C. Achelin ; G. Politzer lui succéda. Il écrivait aussi dans Clarté, L’École Émancipée, L’Enchaîné du Nord, La Voix de l’Est, La Revue syndicale de documentation économique, Monde, l’Université syndicaliste.

C’est à la fin de 1930 que Charles Hainchelin et Georges Sadoul* firent connaissance à Nancy ; leur première rencontre fut le début d’une longue amitié : « Hainchelin contribua à dissiper en moi le désarroi surréaliste et à précipiter l’indispensable rupture du groupe de nos amis avec André Breton*. En même temps, il me guidait, de tout son savoir, dans les classiques du marxisme ».

Dans les années 1930, Charles Hainchelin écrivit dans Commune (où il signait H. Chassagne), dans Regards (dont il fut un collaborateur régulier en 1937-1938), dans L’Internationale de l’Enseignement, et Les Volontaires. Citons les articles philosophiques qu’il écrivit dans Commune (sur le néohégélianisme en Allemagne qui reprenaient les critiques des marxistes orthodoxes contre Hegel), la série d’articles intitulés « Sur quelques thèmes de l’idéologie fasciste » (mars-avril 1934).
Après 1932, Charles Hainchelin s’intéressa à l’application du marxisme à la question religieuse. Il devint un collaborateur assidu du mensuel La Lutte, organe des libres-penseurs prolétariens qui était alors rédigé par Aragon, G. Sadoul et J. Baby ; il y publia des articles sur l’origine des fêtes chrétiennes. En 1934, il publia son premier livre, Les Origines de la religion, sous le pseudonyme de Lucien Henry. Il signa du même pseudonyme une anthologie de Marx et Engels « Sur la Religion » dans la collection « Les grands textes du marxisme » ; il avait traduit lui-même une partie des textes en français.

Charles Hainchelin projetait d’écrire de nombreux ouvrages historiques. L’actualité le poussa à écrire un livre sur le Japon qui fut publié en 1938 sous le pseudonyme de Chassagne. À la veille de la guerre, il avait terminé un Clausewitz témoignant de son intérêt pour les questions militaires, mais le manuscrit fut perdu pendant la guerre (il avait déjà publié les notes de Lénine sur Clausewitz dans le premier numéro de Commune, en juillet 1933). Il avait entrepris une vaste Histoire de la contre-révolution française ; le premier volume fut son Coblence qui parut au début de 1939. Il terminait la seconde partie de cette histoire avec un Quiberon (qu’il envisageait de faire suivre d’un Iéna) lorsque la Seconde Guerre mondiale éclata.

Après la dissolution du Parti communiste, Charles Hainchelin recommença à militer illégalement. Le 15 avril 1940, il fut mobilisé comme simple soldat, incorporé aux tirailleurs marocains à Bourg, puis détaché le 20 mai 1940 au contrôle postal à Annecy. Démobilisé le 17 juillet 1940, il rejoignit sa femme en Auvergne, à La Chapelle-Agnon où était replié l’École Pratique Supérieurs de Nançy.

Fin décembre 1940, Charles Hainchelin et sa femme furent nommés professeurs à l’École nationale professionnelle de Thiers (Puy-de-Dôme). Il est recruté en lieu et place de Michel Bloch, révoqué car juif. Hainchelin sympathise immédiatement avec Bloch et est bouleversé quand il apprend dans quelle condition il a été recruté

Charles Hainchelin y enseigna l’histoire et la géographie pendant quatre ans. Il poursuivit les travaux qu’il avait entrepris à la veille de la Seconde Guerre mondiale, tout en militant dans la Résistance, dans les comités nationaux d’intellectuels (Les Étoiles) et dans l’organisation militaire des Francs-Tireurs et partisans (à partir de fin 1942).
Pour les comités intellectuels clandestins, il fut plus spécialement chargé d’études économiques et politiques en raison de sa grande culture et de sa connaissance de plusieurs langues étrangères. Il était en contact avec Georges Sadoul alias Gautherot et Claudius Buard, alias Legrand, responsable du Comité national des instituteurs et du Comité des intellectuels (zone sud).

G. Sadoul, qui le rencontra à Thiers pendant cette période, lui proposa d’écrire un ouvrage sur la lutte des partisans en France depuis cent cinquante ans, destiné à la publication illégale par les soins de la Bibliothèque française. Ce fut les Francs-Tireurs dans l’histoire de France qui parut finalement après la mort de Charles Hainchelin, en 1945, avec une préface de G. Sadoul retraçant la vie et l’engagement de son ami.

En avril 1944, quand Julien Baudois prit le commandement de la 1ère Compagnie FTP du Puy-de-Dôme, Charles Hainchelin en était membre. Il participa à des opérations de sabotages sur des pylônes et de voies ferrées ainsi qu’au recrutement de nouveaux résistants. Il effectua aussi des traductions de documents en allemand pour l’état-major FTP.
Lors des combats pour la libération de Thiers en août 1944, Charles Hainchelin, sous les ordres du commandant Rossignol alias Pigeon et du lieutenant Victor Baudry alias Aubin, commandait le groupe de Francs-Tireurs et Partisans de Thiers ; lors du siège de l’Hôtel-de-Ville. Alors que les Allemands se rendaient, Charles Hainchelin qui s’avançait pour parlementer fut atteint par les rafales de mitrailleuses tirées par les miliciens. Il mourut à l’hôpital le lendemain. Juste avant de mourir, il demanda à son camarade Victor Baudry de rédiger une attestation afin de sauver un milicien qui avait combattu à leur côté.

Il fut reconnu "Mort pour la France", homologué FFI pour la période du 25 mai au 25 août 1944. Selon l’attestation fournie par Victor Baudry, il aurait été en réalité FFI à partir du 20 octobre 1943, placé sous son commandement, nommé sous-lieutenant le 22 mai 1944. Curieusement, il ne fait pas partie de la liste nominative des FTP mais de celle du Bataillon Victoire, zone de Guérilla 16, des Mouvements unis de la Résistance (MUR).
Le 4 janvier 1952, il a reçu à titre posthume la carte de Combattant volontaire de la Résistance (CVR). Il fut homologué comme lieutenant avec prise de rang le 1er juin 1944 (JO du 14/11/1947). Il a reçu la médaille de la Résistance, la Croix de guerre avec étoile Vermeil et fut cité à l’ordre du corps d’Armée.

Après-guerre et pendant plusieurs décennies, il y eut d’importantes polémiques sur la libération de Thiers avec à la fois ceux critiquant cette initiative des FTP et de l’autre ceux critiquant l’attentisme des MUR et de leur chef Victoire qui intervinrent après les combats alors qu’ils étaient aux portes de la Ville au moment de l’attaque.
Victor Baudry, dans un rapport rédigé en 1980, en particulier suite à la diffusion d’un rapport de René Beaujeu, estima que la mort d’Hainchelin avait été une perte considérable pour la Résistance de Thiers et que "sans ce vide d’une portée incalculable, des contres-vérités, de fausses orientations, des affabulations qui ont vu le jour depuis 35 ans et encore tout récemment, auraient été réduites à néant."

Son nom figure sur le monument aux Morts de La Chapelle-Agnon, le monument aux Morts de Thiers, la plaque commémorative des écrivains, au Panthéon, à Paris, sur une plaque commémorative place A. Chastel à Thiers et sur un monument commémoratif à La Chapelle-Agnon.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article87240, notice HAINCHELIN Charles, Lucien [Pseudonymes dans la résistance : ACHELIN C., HENRY Lucien, CHASSAGNE Henri, AGNON C., LOTHRINGER, KO-KO-RIOU-KAI, PETITHENRY, MÉTENIER, Dubois) par Nicole Racine, Eric Panthou, version mise en ligne le 3 avril 2010, dernière modification le 1er mai 2022.

Par Nicole Racine, Eric Panthou

Archives municipales de Thiers
"plaque tombale à La-Chapelle-Agnon" cliché de Mme Guèleraud

ŒUVRE : Sous le pseudonyme de Lucien Henry : Les Origines de la religion, Paris, ESI, 1935, 303 p. (collection « Problèmes »). — Les Origines de la religion. Nouvelle édition conforme au manuscrit laissé par l’auteur. Préface de Georges Sadoul*. Paris, Éditions sociales, 1950, 301 p. — Les Origines de la religion. Nouvelle édition. Préface de Georges Sadoul*. Introduction par le prof. V. Nicolski. En annexe : Contribution à l’histoire du christianisme primitif par Fr. Engels. Éditions sociales, 1955, 338 p. — Sous le pseudonyme de Henri Chassagne : Le Japon contre le monde, Paris, ESI, 1938, 277 p. (collection « Problèmes »). — Coblence, 1789-1792. Des Français au service de l’étranger, ESI, 1939, 230 p. (collection « Problèmes »). — Hainchelin Charles, Les Francs-Tireurs dans l’histoire de France. Revu par Jean Bruhat*. Préface de Georges Sadoul*, Paris, « France d’Abord », 1945, 140 p.

SOURCES : AVCC Caen, AC 21 P 50451, dossier victime de guerre pour Charles Hainchelin (nc) .— Arch. dép. du Puy-de-Dôme, 2546 W 6484. Dossier demande d’attribution carte CVR pour Charles Hainchelin .—Préfaces de Georges Sadoul* aux livres cités ci-dessus. — La Voix de l’Est, 18 novembre 1944. — La Pensée n° 1, octobre-novembre-décembre 1944. — André Thirion, Révolutionnaires sans Révolution, R. Laffont, 1972, 583 p. — SHD Vincennes, GR 16 P 283568. Dossier Charles Hainchelin — Souvenirs de Michel Bloch pendant la guerre 1939-1945  », http://www.laurentbloch.org/MySpip3/Riom-Clermont-Nontron?lang=fr .— Victor Baudry. Rétablir la vérité. Sur la Résistance par les FTPF. Sur les combats de la Libération à Thiers. Face aux falsifications ou contre-vérités d’où qu’elles viennent, 30 janvier 1980, 6 p. dactyl. Archives Philomen Mioch (AD Hérault). —SHD Vincennes, GR 19 P 63/9 : liste nominative des membres de la formation Zone 16. — État civil de Reims.

ICONOGRAPHIE : Les Francs-Tireurs dans l’histoire de France, op. cit.

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