Par Frédérick Genevée
Né le 5 septembre 1904 dans l’île de Chypre, fusillé comme otage le 20 septembre 1941 au Mont-Valérien, commune de Suresnes (Seine, Hauts-de-Seine) ; avocat ; militant communiste.
Plusieurs lieux de naissance sont indiqués selon les sources : Auraca, Mamaka, Larnatra et Larnaka. Antoine Hajje était d’origine syrienne. Son grand-père aurait été chassé par les Turcs vers 1860 et se serait réfugié à Chypre. Peut-être était-il chrétien maronite ? Or en 1860, les Druzes du Liban et de Syrie se révoltèrent contre les Maronites. Son père se prénommait François et sa mère s’appelait Sylvie Montovance. Il serait arrivé en France en 1924. Antoine Hajje était docteur en sciences juridiques et sciences économiques et politiques depuis 1925. Il fut naturalisé français suite à sa demande datée de mai 1926 avec l’appui du ministère de l’Instruction publique pour obtenir un poste à la Faculté de droit de Beyrouth. Il ne semble pas avoir obtenu ce poste. La même année, il épousa Ida Saibelmann dont il eut un enfant avant de s’en séparer en 1932. Le 17 mai 1934, il se maria une nouvelle fois avec Hélène Everling, originaire de Saint-Gilles-lez-Bruxelles (Belgique).
Il fut initié à la loge Garibaldi de la Grande Loge de France le 3 février 1926. Il poursuivit ensuite son parcours maçonnique. Compagnon le 6 avril 1927, maître le 15 février 1928, il obtint le 14e degré en 1931. Il occupa diverses fonctions maçonniques comme délégué judiciaire et député au Convent en 1931. Hajje se révéla très actif et prononça de nombreuses conférences : en 1926 sur « Auguste Comte », « l’organisation internationale du socialisme », « la réforme des conseils de guerre » ; en 1928 sur « Lénine », « la représentation professionnelle », « la défense de l’école laïque » ; en 1929 sur « les cultes des sémites païens » et en 1930 sur « la police contre la liberté ». Jusqu’en 1928, il entreprit de nombreux voyages en Orient qu’il relata au cours d’une causerie maçonnique. Il se fixa définitivement à Paris en octobre 1928 et débuta alors sa carrière d’avocat.
À l’aube des années 1930, son évolution politique se fit de plus en plus marquante. En 1931, il apparut sur les listes des avocats du Secours rouge international (SRI). Il démissionna de la Grande Loge de France le 2 décembre 1931. Le 15 février 1932, la préfecture de police signala que la semaine précédente : « il a adressé au secrétariat de la Région parisienne, une demande d’adhésion au Parti communiste. Les dirigeants de la Région parisienne ne formulent aucune objection à l’admission de Hajje dans les rangs du Parti, mais avant de rendre son adhésion définitive, ils ont demandé à la fraction communiste du SRI de donner son avis, qui sans aucun doute, sera entièrement favorable [...] ».
En 1932, Antoine Hajje, fraîchement communiste, fit un nouveau voyage en Syrie, envoyé par la CGTU et le SRI pour défendre des militants communistes dans un procès. Il donna à son retour une série d’articles à l’Humanité intitulés « Les crimes de l’Impérialisme français ». Il consacra alors son militantisme à la cause nationaliste syrienne. Cette même année 1932, il fut à l’origine, d’après la police, de la création d’un parti de défense des syndicats en Syrie, patronné par Francis Jourdain, président de la Ligue contre l’impérialisme, Marcel Cohen, Félicien Challaye, André Gide, Paul Langevin et Romain Rolland. Son activité presque nulle fut relancée en 1933 avec la création d’un comité de défense des libertés syndicales et de presse en Syrie. Suite à une conférence de ce comité en novembre 1933 à la salle des sociétés savantes avec la Ligue contre l’impérialisme, des loges maçonniques, le SRI et des fédérations de la CGTU, il semble avoir été à l’origine de la création d’un nouveau journal, L’Orient arabe. En 1934, au nom de l’AJI, Antoine Hajje fit un voyage à Sofia pour assister aux séances du procès de militants communistes. En 1935, à nouveau en Syrie, il fut expulsé par le haut-commissaire Martel. Dès cette période, le ministère de l’Intérieur se demandait s’il ne fallait pas engager une action en déchéance de nationalité en raison de l’activité révolutionnaire de Hajje. En mars 1936, il réunit des étudiants nationalistes dans un café pour reconstituer l’association syrienne arabe de Paris. Au même moment, il participa à la Maison de la mutualité (Paris, Ve arr.) à la conférence d’information sur les événements de Syrie.
Son activité anticolonialiste semble s’être ralentie pendant la période du Front populaire, sans doute du fait des réorientations en la matière du Parti communiste. Par contre, il fut membre du conseil juridique des syndicats de la Seine et participa à la défense des militants de Renault lors de la grève de novembre 1938. Lors de la Seconde Guerre mondiale, il assuma la défense des militants poursuivis. Arrêté le 25 juin 1941,il fut interné au camp de Royallieu à Compiègne (Oise).
Le 16 septembre 1941 le capitaine Scheben fut tué de deux coups de revolver, boulevard de Strasbourg à Paris (Xe arr.). En représailles Antoine Hajje a été fusillé comme otage au Mont-Valérien le 20 septembre 1941 avec onze autres prisonniers dont cinq communistes parmi lesquels ses confrères Georges Pitard et Michelis Rolnikas, et trois autres communistes René Anjolvy, Pierre Guignois et Francis Herpin ; de plus Adrien Nain avait été qualifié lors de son arrestation de communiste alors qu’en fait il était socialiste. Deux des cinq autres fusillés Daniel Loubier et Maurice Peureux étaient incarcérés pour détention d’armes ; deux autres Victor Marchal et Roger Peyrat étaient détenus pour agression contre des soldats allemands. Enfin Georges Masset était un prisonnier de droit commun.
Antoine Hajje fut inhumé au cimetière parisien d’Ivry-sur-Seine (Seine, Val-de-Marne) le 20 septembre 1941 division 39, ligne 4, n° 10 puis transféré le 17 juin 1950 au cimetière du Père-Lachaise à Paris (XXe arr.).
La mention Mort pour la France lui fut attribuée par le Secrétariat général aux Anciens Combattants le 26 octobre 1945, et il fut décoré à titre posthume de la médaille de la Résistance par décret du 24 avril 1946, publié au JO du 17 mai 1946.
Son nom figure sur le Monument aux morts du Palais de Justice de Paris (Ier arr.) et sur la cloche du Mémorial de la France combattante au Mont-Valérien.
Sa femme, Hélène Hajje, dirigea à la Libération l’Association nationale des victimes des persécutions nazies, qui fusionna avec le Secours populaire français (SPF), et fut secrétaire de l’Association nationale des familles de fusillés et massacrés. Elle fut membre de la direction du SPF.
Par Frédérick Genevée
SOURCES : Arch. de la Grande Loge de France, F7 14795, CAC 940 451 art. 24 doss. 2011. — RGASPI 539.3. — La Défense. — Site Internet Mémoire des Hommes. — MémorialGenWeb. — Répertoire des fusillés inhumés au cimetière parisien d’Ivry.