Par André Balent
Né le 1er décembre 1904 à Paris (Xe arr.), mort le 29 septembre 1982 à Elne (Pyrénées-Orientales) ; a exercé plusieurs emplois dans le commerce et l’industrie ; militant communiste et syndicaliste ; secrétaire général de la Communauté universelle de la Jeunesse (1932) ; volontaire des Brigades internationales ; résistant ; capitaine FFI ; secrétaire de la section communiste des Batignolles aux alentours de 1947 ; retraité en 1964, établi à Elne en 1965 ; secrétaire de la section communiste d’Elne et membre du Comité de la Fédération communiste des Pyrénées-Orientales ; président départemental (Pyrénées-Orientales) de l’Union des Vieux de France à partir de 1967 ; conseiller municipal d’Elne de 1965 à 1982 ; adjoint au maire d’Elne.
Dans un « message » écrit à l’intention de ses deux filles peu de temps avant sa mort, Pierre Hirtz estimait qu’il était issu de la « petite bourgeoise ». Il était le fils de Maurice Hirtz et de Jeanne Picard. Une branche de sa famille maternelle était d’origine alsacienne. Sur son acte de naissance, son père est porté comme commerçant.
Jusqu’à la Première Guerre mondiale, son enfance fut, toujours selon son témoignage, « calme et morne ». Après sa scolarité primaire, il fréquenta l’école commerciale située en face du lycée Rollin et il obtint le certificat de fin d’études commerciales. À quinze ans, il lui fallut travailler, car sa famille, « petite bourgeoise », s’était appauvrie. Son père le fit embaucher par un de ses amis qui possédait une fabrique de maroquinerie. Il ne fut pourtant employé que pour un faible salaire à tirer une voiture à bras pour effectuer la livraison de la marchandise.
À cette époque, Pierre Hirtz fit la connaissance de jeunes influencés, semble-t-il, par la Révolution russe puisqu’ils lui prêtèrent des ouvrages de Marx, Engels, Plekhanov et Lénine. Si ces lectures « pourtant arides » hâtèrent sa prise de conscience politique, elles n’induisirent pas pour autant son adhésion immédiate au communisme.
Pierre Hirtz allait bientôt faire l’apprentissage de la lutte syndicale. Il fut embauché au « Comptoir de la bimbeloterie », rue des Haudriettes à Paris, entreprise qui employait environ un millier de salariés. En 1921, âgé de dix-sept ans, il aurait été à l’origine de la création d’un syndicat dans cette entreprise. Trois mois plus tard, une grève fut déclenchée, groupant, selon lui, « 100 % du personnel » et qui fut victorieuse. Peu après, la direction licencia Hirtz pour un motif futile et nous ignorons où il travailla dans les années qui suivirent. Devenu militant à part entière, il vit se détériorer ses relations avec ses parents, avec sa mère notamment. Aussi quitta-t-il bientôt le domicile familial, maintenant toutefois des relations.
Peu après, il adhéra aux Jeunesses laïques et républicaines (JLR) dont il devint un des dirigeants nationaux. En 1924, à Colmar, Pierre Hirtz fit son service militaire puis milita à nouveau aux JLR. En 1932, il fut élu secrétaire général de la Communauté universelle de la Jeunesse, « organisation internationale de jeunes dont le but était de lutter contre le fascisme, pour la liberté et pour la paix ». Cela lui donna l’occasion de faire la connaissance d’autres dirigeants d’organisations de jeunesse et c’est ainsi qu’il se lia avec Raymond Guyot des Jeunesses communistes.
Dans les années 1930, il participa aux activités du Secours rouge et fit des réunions avec Francis Jourdain, un de ses dirigeants. Il fut surtout actif à Levallois-Perret où, dans le cadre du SRI, il fit de la propagande anticolonialiste destinée avant tout aux travailleurs algériens. À l’issue de ces réunions tenues dans les arrière-salles de cafés, se distribuaient des tracts bilingues.
En 1935, il fut amené à prendre la parole dans de nombreux meetings, notamment à celui de la salle Bullier, organisé pour protester contre l’invasion de l’Abyssinie par les troupes italiennes et pendant lequel il fit une intervention au nom de l’ensemble des organisations de jeunesse.
Le 4 octobre 1936, il quitta Paris pour se rendre à Perpignan (Pyrénées-Orientales), décidé qu’il était à combattre le franquisme dans les rangs des Brigades internationales en cours d’organisation. Le 8 octobre, il franchit clandestinement la frontière franco-espagnole et se retrouva finalement à la citadelle de Figuères où fut formée la IIe Brigade commandée par le colonel Dumont. Les cadres de cette unité furent désignés et Pierre Hirtz fut affecté comme lieutenant au bataillon « Commune de Paris ». Le 3 novembre, il quitta Figuères avec la IIe Brigade pour se rendre à Madrid par chemin de fer. Le 7 novembre, il monta en ligne avec son unité et participa aux durs combats de la cité universitaire. Ce fut après cette bataille qu’il donna son adhésion au Parti communiste, parti auquel il demeura fidèle jusqu’à sa mort. Il participa encore aux batailles de Guadalajara et du Jarama. Commotionné, il fut, en juillet 1937, dirigé sur l’hôpital d’Orihuela. Selon les archives de l’AVER, il resta en Espagne jusqu’en septembre et revint en qualité de « rapatrié sanitaire ».
Ce fut à l’issue d’un meeting tenu à Paris qu’un ami lui présenta Jeanne Ramus qui devait devenir sa première épouse. Ils décidèrent de se revoir. Pierre Hirtz dut se rendre à Marmande puis en Gironde, enfin dans l’Est. De retour à Paris, il rencontra Jeanne Ramus et ils décidèrent de se marier. Le mariage eut lieu le 9 septembre 1937 et le 9 juillet suivant, naquit une première fille, Janine.
Entre temps, sans emploi depuis son retour d’Espagne, il fut invité à faire une conférence aux ouvriers de la Centrale de construction aéronautique du Centre (SNAC) et le secrétaire du syndicat CGT lui offrit une embauche que Hirtz accepta.
Dans son témoignage, Hirtz n’évoque pas le Pacte germano-soviétique. À compter de septembre 1939 et pendant toute la durée de la « drôle de guerre », il fut mobilisé en qualité « d’affecté spécial » dans l’usine d’aviation où il travaillait avant la guerre et il ne quitta pas Paris mais éloigna sa femme à nouveau enceinte et sa fille. Une seconde fille, Françoise, naquit en décembre 1939. En février 1940, sa femme revint à Paris et reprit son travail au Comptoir national d’escompte tandis que ses deux filles restaient à la campagne chez leur oncle. En juin, Paris étant menacé par les troupes allemandes, Pierre Hirtz et sa femme quittèrent la capitale. Arrivés à Nevers, Janine demeura avec sa tante. Hirtz, sa femme et leur fille cadette gagnèrent alors Toulouse où un cousin les accueillit. Ils regagnèrent ensuite Paris après avoir laissé Françoise à Egletons (Corrèze) où le frère de Pierre était replié avec son usine. Fin juin, Hirtz et sa femme étaient de retour à Paris. Ils récupérèrent ensuite leurs deux filles.
Peu de temps après son retour à Paris, Pierre Hirtz fut contacté par un avocat qu’il connaissait bien, Jean-Victor Meunier, qui l’invita à entrer dans le groupe du Musée de l’Homme. Ayant accepté, il fut chargé de prendre des contacts sur la côte bretonne de Saint-Malo à la pointe du Raz afin de mettre en place un réseau de « boîtes aux lettres » et de faciliter les passages clandestins à partir de la Grande-Bretagne. Il resta environ six mois en Bretagne, coupé de sa famille demeurée à Paris et contribua à mettre en place, non sans difficulté, un réseau centré sur Concarneau. De retour à Paris, en mars 1941, il rendit compte de sa « mission ». Mais le groupe du Musée de l’Homme avait été décimé par la Gestapo : Hirtz quitta à nouveau Paris et sa famille afin d’éviter l’arrestation et il gagna Avignon (Vaucluse) en zone libre. Il y retrouva un certain John Nicoletti qu’il dit avoir connu en Espagne. Sorti de l’École des Mines, Nicoletti avait installé un atelier où de nombreux Espagnols fabriquaient des piles électriques... en même temps que des grenades, mines, etc., et Hirtz fut chargé du transport de ce matériel de l’autre côté de la ligne de démarcation, ce qu’il réussit à trente-huit reprises. L’occupation de la zone Sud par les Allemands mit fin à cette activité clandestine.
Au début de 1943, il réussit à se faire embaucher chez Renault mais, début 1943, il fut envoyé, avec ses camarades d’atelier pour travailler en Allemagne, à Spandau, dans la banlieue de Berlin. Il y arriva en avril. Finalement, on l’occupa à nettoyer les locaux. Dès juillet, il réussit à s’évader vers la frontière suisse et, après deux mois, il arriva à proximité de Bâle. Avec l’aide de la Croix Rouge, il parvint à Vesoul en octobre 1943.
Il regagna Paris où il vécut dans la clandestinité après avoir pris des nouvelles de sa femme et de ses filles qu’il n’avait pas revues depuis la fin de 1940. Au début de 1944, il réussit à reprendre contact avec la Résistance et combattit avec les FTP jusqu’à la Libération. Intégré dans l’armée régulière avec grade de capitaine le 22 décembre 1944, il fut chargé de convoyer, pour le 151e RI qui combattait en Alsace, plusieurs camions de matériel. Il passa ensuite un mois à l’École des cadres militaires de Sceaux afin de parfaire ses connaissances théoriques en stratégie puis reçut diverses affectations.
Démobilisé fin avril 1945, il réussit à se faire embaucher dans une usine où l’on fabriquait des balances puis, grâce à Raymond Guyot, il put obtenir un emploi modestement rémunéré de permanent et devint un des administrateurs des éditions de la Jeunesse, dirigeant dix-sept jeunes, garçons et filles, qui travaillaient dans cette entreprise du PCF.
En juillet 1946, sa femme mourut subitement et Raymond Guyot, à qui il se confia, le recommanda à Henriet, membre du PC et sous-directeur de la Caisse régionale de Vieillesse. Embauché, Pierre Hirtz y travailla jusqu’à sa retraite qu’il prit en 1964.
Plus tard, il devint secrétaire de la section communiste des Batignolles. Il fut également secrétaire du Comité d’entreprise de la Caisse régionale de vieillesse. Il milita également dans les rangs du Mouvement de la paix et assura pendant quelque temps avec l’avocat Jules Borker, le secrétariat de cette organisation dans le XIXe arr.
Quelques mois après la mort de sa femme, le comité central du PCF lui demanda de recevoir chez lui des membres du PC espagnol clandestin, de passage dans la région parisienne, ce qu’il accepta. En 1956, il fut hospitalisé pendant deux mois à Villejuif afin d’être opéré d’un cancer osseux ; le traitement fut un plein succès et, après deux mois de repos dans l’arrière-pays niçois, il put regagner Paris et reprit alors ses activités politiques et syndicales. Hébergeant toujours des camarades espagnols, il se lia particulièrement avec l’un d’entre eux, J. Madrona qui demeura chez lui pendant plus d’un an (1959-1960). En 1959, Hirtz se rendit à Barcelone où il fit la connaissance des parents de son ami et de sa sœur Juana, militante communiste, qu’il épousa le 1er juillet 1961 à la mairie du XVIIe arr.
Lorsqu’il prit sa retraite en 1964, Pierre Hirtz s’installa avec son épouse à Elne. Très rapidement, il devint secrétaire de la section d’Elne du PC et, dès 1965, fut élu conseiller municipal de la ville dans le cadre d’une liste d’union de la gauche conduite par Narcisse Planas (voir aussi Roger Grau). La même année, il fut élu au comité de la Fédération communiste des Pyrénées-Orientales. En 1967, il adhéra à l’Union des Vieux de France qui devint plus tard l’UNRPA et fut élu président départemental de cette organisation.
En 1980, sa maladie le contraignit à réduire encore ses activités. Et c’est alors qu’il rédigea à l’attention de ses deux filles ce Message à mes enfants, autobiographie qui constitue une de principales sources de la présente biographie.
Pierre Hirtz mourut à Elne le 29 septembre 1982 et fut enterré civilement en présence d’un grand nombre de militants et d’amis.
En qualité de capitaine FTPF, il était membre du Comité d’honneur de l’ANACR et du bureau national de l’AVER.
Par André Balent
SOURCES : Arch. Com. Elne : état civil et délibération du conseil municipal. — Arch. AVER. — Message à mes enfants, manuscrit, 29 p., communiqué par Mlle Odette Traby, ancienne professeure au collège d’Elne, adjointe au maire d’Elne. — Renseignements fournis par Mlle Odette Traby, avril 1984. — L’Indépendant, quotidien de Perpignan, 30 septembre 1982. — Le Travailleur catalan, 13 octobre 1982 (nécrologie).