GUÉLARD Yves

Par François Prigent

Né le 23 janvier 1920 à Motreff (Finistère), mort le 2 juillet 2003 à Lorient (Morbihan) ; directeur d’école ; résistant Libération-Nord ; secrétaire fédéral de la SFIO puis du PS (1960-1975) ; secrétaire départemental adjoint du SNI ; conseiller municipal (1965-1973 et 1981-1983) puis adjoint (1973-1981 et 1983-1989) SFIO-PS de Lorient ; représentant de la ville de Lorient au Conseil Régional (1984-1986) ; militant associatif et laïque.

Issu d’une famille laïque, Yves Guélard fut élevé par sa mère, marchande de poissons dans la région de Carhaix. Il fréquentait le cours complémentaire de Gourin jusqu’en 1933. Yves Guélard adhéra à la SFIO à l’âge de 17 ans en 1937, en compagnie de son ami d’enfance Pierre Postollec*, maire socialiste du Faouët entre 1962 et 1983 et fils du conseiller général SFIO de Carhaix de 1945 à 1949. Entré à l’EN de Vannes, Yves Guélard devint même secrétaire de la section des JS à la veille de la guerre. Après un premier poste à Guénin, il enseignait en octobre 1939 à Guiscriff. Mobilisé en juin 1940 à Bordeaux, il se retrouva dans un camp de jeunesse de la Drôme entre septembre 1940 et février 1941.

En mars 1941, Yves Guélard était nommé à Guiscriff, habitant dans la boulangerie-café. En 1943, il fut contacté par son ancien instituteur Jean-Louis Kergaravat, conseiller général et maire radical de Gourin (1919-1937) pour entrer en Résistance. Figure historique du socialisme morbihannais, Yves Guélard aimait raconter à ses camarades que son assentiment d’intégrer les noyaux résistants locaux se fit par la formule codée « les haricots sont bons ». Le groupe Libération-Nord ne cessa de croître dans ce secteur du Nord-Ouest du Morbihan (5 membres en 1943, 30 à Noël 1943 et 48 lors du débarquement à l’été 1944). Sous les ordres de Jean Le Coutaller*, chef de bataillon FFI et futur député-maire de Lorient (1945-1959), Yves Guélard commandait un réseau de 150 hommes, en tant qu’officier d’approvisionnement au camp de Kerusten. Il était recherché par la Gestapo depuis le 19 mai 1944, après avoir échappé à une rafle près de Carhaix. L’intégration par Jean Le Coutaller d’un réseau d’instituteurs socialistes laïques, issus du syndicalisme, dans la mouvance Libération-Nord était très visible au niveau des chefs de maquis, comme le montrent les parcours similaires de Gabriel Mansion* (secrétaire de mairie SFIO de Lorient à partir de 1945) et René Guihur (trésorier fédéral de la SFIO à la Libération).

À la Libération, Yves Guélard remonta la section de Guiscriff avant de diriger celle de Gourin durant une décennie, relayant notamment Jean Le Coutaller, conseiller général de ce canton entre 1945 et 1949. Dès 1949, il intégra les cercles dirigeants de la fédération SFIO. Yves Guélard contribua à la victoire d’Alexis-Joseph Kergaravat*, directeur d’école lui aussi, qui rejoignit en 1955 son collègue socialiste Louis Le Moënic* au conseil général.

En 1956, Yves Guélard fut nommé directeur d’école à Lorient. Militant associatif laïque, il était aussi trésorier départemental puis secrétaire départemental adjoint du SNI jusqu’en 1960, appuyant l’action de René Dervout*, également passé par les réseaux socialisants de Libération-Nord. Directeur d’école à Lanveur-Soye, Yves Guélard fut candidat aux municipales de 1959, mais la liste SFIO de Jean Le Coutaller (maire depuis 1953) fut battue par la droite, dans un contexte de déchirements à gauche avec l’alliance du PSA de René Dervout avec la liste communiste, menée par le tandem Armand Guillemot*-Roger Le Hyaric*.

À la mort de Jean Le Coutaller, au terme d’un bref intermède assuré par Pierre Quinio*, Yves Guélard devint secrétaire fédéral du Morbihan, épaulé par Yves Allainmat* (député de Lorient en 1967-1968 et 1973-1978) et Léon Audran* (directeur du Rappel du Morbihan, adjoint socialiste à Lorient, 1965-1977, responsable FO). Les notes d’Alexandre Thomas*, ancien député SFIO des Côtes-du-Nord (1951-1956) devenu permanent du parti lors de ses tournées dans le Morbihan, indiquent qu’il était le pilier et l’organisateur de la vie militante dans les années 1960 (la fédération comptait 450 militants en 1960, 380 en 1965 et 290 en 1968). Restant cantonné au rôle de simple conseiller municipal, il contribua à la reprise en mains par les socialistes de la mairie de Lorient derrière Yves Allainmat en 1965.

En mars 1966, il participa à la création précoce de la FGDS, en tant que secrétaire fédéral adjoint aux côtés de l’historien lorientais Roger Leroux (conseiller municipal, radical puis CIR), représentant la SFIO avec Léon Audran et Yves Demaine* (artisan, adjoint socialiste à Lorient 1965-1977). Très présent dans les colloques tenus à Lorient, Yves Guélard fut également un des précurseurs dans le rapprochement des filières militantes socialistes élargies pour constituter un réseau socialiste régional, anticipant ainsi le BREIS.

En 1967, il fut candidat aux législatives, épaulé par un suppléant radical Gillard, contre l’abbé Laudrin, inamovible député, obtenant 17,71 % des suffrages exprimés. De même, il se présenta sans succès dans le canton de Pontivy en 1973. Yves Guélard palliait ainsi fréquemment les carences de l’implantation locale de la SFIO dans les terres blanches du Morbihan. En 1968, il fut à nouveau candidat aux législatives en tandem avec Robert Révolt*, recueillant 10,74 % des voix.

En 1969, il quitta la direction de l’école de Soye pour devenir directeur d’école dans le quartier populaire de l’Arsenal à Kerentrech, près de Lanester. En 1971, il remplaça Léon Le Gal* (chef de travaux à l’Arsenal, syndicaliste FO) comme adjoint aux finances et au personnel. En 1973, Yves Guélard fut à nouveau candidat aux législatives, dans la circonscription de Hennebont, avec Pierre Postollec comme suppléant obtenant 10,74 % des voix, nettement devancé par le conseiller général communiste de Hennebont Eugène Crépeau* (27 % des voix), qui fut battu au second tour. Il fut également candidat aux cantonales à Gourin en 1973, sans pouvoir reconquérir ce canton socialiste à deux reprises entre 1945 et 1961. En 1975, il quitta la direction de l’école de La Villeneuve-Le Manio à Lorient où il enseignait depuis trois ans, pour prendre sa retraite.

Très laïque, Yves Guélard entretenait des relations neutres avec les nouvelles fractions militantes, issues des matrices chrétiennes de gauche (PSU, CFDT, JOC), affirmant son souhait de voir assurée la liaison entre les deux cultures socialistes. En 1975, il céda la direction de la fédération PS en pleine expansion (300 militants en 1973 contre 1 000 en 1975) au rocardien Daniel Dommanget (adjoint, directeur de l’Habitation Familiale), tout en restant secrétaire fédéral adjoint jusqu’en 1977.

À cette date, il devint premier adjoint à Lorient dans la municipalité dirigée par Jean Lagarde* depuis 1973. Mitterrandien, il contribua néanmoins à l’éviction brutale de Jean Lagarde* de son poste de maire, avant de se heurter à son tour au réseau Jean-Yves Le Drian*. Il démissionna de son poste d’adjoint en 1981 pour marquer sa désapprobation face au coup de force de la nouvelle génération PS, formée dans les matrices militantes chrétiennes.
Dans la foulée, Yves Guélard fut battu en interne pour la désignation du candidat socialiste dans le nouveau canton de Lorient Sud. Son jeune collègue instituteur, Yves Lenormand, secrétaire de la puissante section de Lorient après Jean-Yves Le Drian, fut ensuite facilement élu dans ce canton populaire de Lorient, sans discontinuer depuis 1982. Cependant, la réconciliation des courants socialistes lorientais (déchirements entre rocardiens, poperenistes et mitterrandiens) autour de Jean-Yves Le Drian, dans un contexte d’implosion de cette fédération mise sous tutelle par le PS national, intervint en 1983. Yves Guélard redevint alors 3e adjoint, derrière le syndicaliste CFDT Jean-Paul Allio et le leader du PCF Armand Guillemot*. En 1984, il fut également conseiller régional, prenant la suite de Pierre Bernard*, ancien président fondateur de la JEB et syndicaliste SNES au niveau national, devenu député européen.

Yves Guélard était aussi engagé dans plusieurs réseaux associatifs sportifs, notamment dans le domaine du football (les Chasseurs de Gourin) et du cyclisme (Cyclo Club Lorientais). Marié en 1942, sa femme était également institutrice et adhérente SFIO, membre assidu de l’équipe de pliage du Rappel du Morbihan.

Véritable cheville ouvrière de la fédération SFIO durant ses années creuses des années 1960, il était un semeur d’idées et de structures socialistes, sans parvenir à occuper des responsabilités électives de tout premier plan (député ou maire de Lorient) en raison de sa position dans les différentes générations militantes. Yves Guélard demeura un militant PS actif et écouté jusqu’à son décès à 83 ans en 2003.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article87471, notice GUÉLARD Yves par François Prigent, version mise en ligne le 12 avril 2010, dernière modification le 7 février 2022.

Par François Prigent

SOURCES : Arch. Dép. du Morbihan. — Arch. Fédérales du PS du Morbihan. — Arch. de l’OURS, dossiers Morbihan. — Arch. privées Famille Le Coutaller. — Arch. privées Philippe Meyer. — Le Rappel du Morbihan (1950-2003). — Articles d’Ouest-France sur la vie politique locale (1958-2003). — François Prigent (dir), « Figures militantes et réseaux socialistes dans le Morbihan au 20e siècle », dossier spécial, in Recherche Socialiste, n° 42, mars 2008. — Entretiens avec Jean-Yves Le Drian, Pierre Postollec, Yves Lenormand, Philippe Meyer, Jean Giovannelli.

rebonds ?
Les rebonds proposent trois biographies choisies aléatoirement en fonction de similarités thématiques (dictionnaires), chronologiques (périodes), géographiques (département) et socioprofessionnelles.
fiches auteur-e-s
Version imprimable